FOUILLES DANS UN CIMETIÈRE DE L'ÉPOQUE FRANQUE, A SAMSON.
La pittoresque route de Namur à Liège, si connue des voyageurs par la variété de ses sites, en présente peu d'aussi remarquables que le groupe de rochers qui domine au loin la vallée de la Meuse vis-à-vis du village de Namêche. Cette masse imposante, baignée d'un côté parles eaux du fleuve, de l'autre par le ruisseau de Samson, forme un promontoire escarpé, accessible seulement dans, sa partie orientale.
L'importance stratégique d'une pareille position dut être appréciée de bonne heure. Aussi, le sommet de ces crêtes abruptes fut-il dès longtemps couronné par le château de Samson, l'une des principales forteresses du comté de Namur, et le siège d'un de ses bailliages. On connaît toutefois peu de choses de son histoire, et, quant à son origine, on en est réduit jusqu'ici au dire des anciens chroniqueurs, dont les uns attribuent la fondation du château de Samson aux Romains, d'autres à Auberon, fils de Clodion-le-Chevelu, chef des Francs.
Une récente découverte archéologique de grande importance,est de nature à jeter quelque lumière sur le berceau de l'antique forteresse.
FOUILLES DANS UN CIMETIÈRE DE L'ÉPOQUE FRANQUE, A SAMSON.
La pittoresque route de Namur à Liège, si connue des voyageurs par la variété de ses sites, en présente peu d'aussi remarquables que le groupe de rochers qui domine au loin la vallée de la Meuse vis-à-vis du village de Namêche. Cette masse imposante, baignée d'un côté parles eaux du fleuve, de l'autre par le ruisseau de Samson, forme un promontoire escarpé, accessible seulement dans, sa partie orientale.
L'importance stratégique d'une pareille position dut être appréciée de bonne heure. Aussi, le sommet de ces crêtes abruptes fut-il dès longtemps couronné par le château de Samson, l'une des principales forteresses du comté de Namur, et le siège d'un de ses bailliages. On connaît toutefois peu de choses de son histoire, et, quant à son origine, on en est réduit jusqu'ici au dire des anciens chroniqueurs, dont les uns attribuent la fondation du château de Samson aux Romains, d'autres à Auberon, fils de Clodion-le-Chevelu, chef des Francs.
Une récente découverte archéologique de grande importance,est de nature à jeter quelque lumière sur le berceau de l'antique forteresse.
Dans le courant du mois de janvier 1858, le sieur Terwagne voulant agrandir une carrière, se mit à déblayer un terrain situé à l'extrémité orientale du promontoire que nous avons signalé, mais compris encore dans la dernière ligne des fortifications du château. Ce terrain, incliné vers le midi, domine la vallée de Samson, au fond de laquelle coule le ruisseau de Samson, appelé aussi le Petit Houyoux.
A peine les déblais étaient-ils commencés, que l'on rencontra, à deux pieds environ de profondeur, des lignes de cadavres fort consommés, dont les pieds étaient généralement tournés vers l'orient. Ces cadavres étaient le plus souvent accompagnés de haches ou d'autres armes en fer, de poteries, de vases en verre, de colliers, de bracelets, etc. Les découvertes se firent malheureusement, dans le principe, sans aucun soin, préoccupés qu'étaient les ouvriers de déblayer promptement leur carrière.
Notre collègue, M. Moxhon , ayant eu l'obligeance de nous informer de la trouvaille certain temps après qu'elle eut commencé, nous nous hâtâmes de nous rendre sur les lieux, afin d'apprendre du sieur Terwagne quelques détails concernant ses découvertes, et de lui recommander de procéder à l'avenir avec plus de précautions.
Les travaux se poursuivirent assez lentement à partir de cette époque, et seulement au fur et à mesure des besoins de la carrière. On fut à même de remarquer alors que le cimetière se prolongeait au sud-est, dans un pré contigu appartenant au sieur Augustin Daix, pré où la tradition porte qu'était autrefois le cimetière de la forteresse. Aussi les enfants qui s'y rendaient pour chercher de l'herbe, disaient-ils qu'ils allaient couper des herbes de morts.
Nous fîmes, en conséquence, un arrangement avec le propriétaire qui autorisa, sous certaines conditions, la Société Archéologique à pratiquer des fouilles lorsque la récolte de foin serait enlevée. Un accord avec le sieur Terwagne n'ayant pu se conclure que plus tard, il voulut bien nous donner, concernant ses travaux, quelques renseignements que nous transcrirons plus loin.
C'est le 18 octobre 1858, que la Société Archéologique entama des fouilles pour son propre compte dans le pré du sieur Daix.
Les recherches commencèrent par une tranchée longeant la propriété Terwagne, près de l'endroit où s'étaient rencontrés les têtes de deux cadavres, dont une garnie de grains de collier. Mais la partie inférieure de ce squelette ne fournit rien et le squelette voisin n'avait aux pieds que des fragments d'un pot grossier. Une pierre à feu et du tripoli, substance précédemment rencontrée par le sieur Terwagne, et que nous eûmes l'occasion de rencontrer encore par la suite, furent les seuls objets observés iiiiprès des cadavres de cette première tranchée.
La seconde tranchée, et grand nombre d'antres qui furent pratiquées successivement pendant plus de six mois, l'une joignant l'autre, donnèrent des résultats beaucoup plus satisfaisants. Malheureusement le sol, tout parsemé de pierres et de rochers, opposa de grands obstacles aux recherches. Il ne nous fournit que trop souvent des objets brisés d'ancienne date ou par la pioche de nos ouvriers, et qu'il fallut la plus grande patience et la plus grande habileté pour reconstituer.
Avant d'entrer dans d'autres détails, nous dirons que les cadavres, presque tous des plus consommés, étaient généralement orientés de l'est à l'ouest ou du nord au sud, à une profondeur moyenne de deux à trois pieds, quoique certaines fosses s'enfonçassent exceptionnellement jusque six à sept pieds. Parfois les fosses étaient garnies, sur un ou plusieurs côtés, de petites murailles sèches en pierres brutes; on en avait creusé d'autres dans des crevasses de rochers. La distance entre les tombes n'avait aucune régularité : tantôt elles se trouvaient assez espacées, tantôt très- rapprochées l'une de l'autre.
Leur longueur variait également beaucoup; les unes mesuraient sept à huit pieds, d'autres seulement quatre pieds environ. Elles avaient, en effet, été destinées à recevoir, comme nous le verrons bientôt, ici des guerriers à la haute stature, là des femmes, ailleurs de jeunes enfants. Les cadavres gisaient couchés sur le dos, les bras pendants le long du corps, à part un petit nombre de cas où les mains étaient croisées sur l'abdomen.
Dans nombre de cas aussi, on reconnut des traces de planches pourries qui semblaient avoir appartenu à des cercueils, de même que quelques gros clous ayant peut-être eu la même destination. Une fosse entourée d'une sorte de muraille sèche offrit, entre autres, vingt-un gros clous et des débris de planches, sans aucun autre objet. Très fréquemment une pierre à feu taillée, et parfois divers morceaux de quartz brillant, accompagnaient les squelettes.
Mentionnons aussi quelques autres particularités observées dans le cours de nos fouilles.
C'est ainsi que, dès le début, un emplacement de quatre à cinq pieds carrés offrit, à une petite profondeur, une couche de terre brûlée ; plus bas étaient des cadavres, puis au fond, sur une largeur de dix à douze pieds, une couche de charbon de bois. Une portion de mâchoire de sanglier et un os de bœuf ou d'un animal de même espèce, se trouvaient dans ces charbons. Ailleurs, un trou d'environ onze pieds de largeur sur trois de profondeur, plein de substances noires, renfermait des os vraisemblablement aussi de bœuf et des défenses de sanglier, quelques petits fragments de charbon de bois, et des fragments de poteries grossières, noires et rouges. Enfin, dans la partie nord-est du cimetière, un terrain composé de débris analogues s'enfonçait jusqu'à six pieds environ de profondeur, et l'on remarqua trois ou quatre degrés pratiqués dans une des parois pour descendre au fond de l'excavation.
N'oublions pas de dire également que l'on ramassa, dans les terres remuées pour découvrir les cadavres, plusieurs morceaux de tuyaux de pipes très durs et très gros, surtout relativement au conduit de fumée qui les traverse.
On remarquera sans doute l'analogie qui existe entre ces dessins et ceux usités à l'époque franque. Aussi, quoique nous ne puissions affirmer que nos tuyaux remontent à retablissenic.nl du cimetière de Samson , puisqu'ils n'ont pas été observés près des cadavres, nous croyons cependant utile de consigner une pareille trouvaille en présence de découvertes semblables pratiquées dans divers pays sur l'emplacement de constructions on de cimetières antiques '. Précédemment déjà, nous avions recueilli nous même des fragments de tuyaux analogues dans le cimetière du Tombais, à Védrin; mais nous avions craint de mentionner un fait qui nous paraissait étranger à nos recherches. Aujourd'hui, nous le considérons comme trop digne d'intérêt pour être omis.
Après ces notions préliminaires sur le cimetière de Samson, il importe de décrire son mobilier funèbre, mobilier approprié à la dépouille mortelle qu'il accompagnait. Près du guerrier, jeune ou vieux, se voyaient ses armes et ses objets d'équipement, son peigne, sa pince à épiler; près des personnes du sexe, leurs ornements et leurs parures; à côté du plus grand nombre, sans distinction de sexe ou d'âge, le vase de poterie ou de verre et parfois le seau, la marmite, le bassin de bronze, puis enfin la pièce de monnaie, etc.
Deux cent cinquante cadavres environ, exhumés ainsi de terre, donnèrent lieu à nombre d'observations.