Donnons maintenant une description des principales sépultures qui renfermaient des attributs guerriers.
Un angon nous apparut au côté droit d'un squelette, auprès d'unwwz&o de bouclier brisé, d'une épée dont le boutdu fourreau imite une tête de lion, et d'une hache ou francisque. A gauche du guerrier était sa lance; à ses genoux un couteau; à ses pieds un bassin de bronze brisé, un verre de forme conique dont les parois intérieures avaient encore une couche très-adhérente d'une substance rouge, et une écuelle de poterie rouge. Deux boucles de bronze, un fer de flèche et quelques ferrailles provenant d'un seau, accompagnaient aussi le cadavre, dans la bouche duquel se trouvait une pièce d'argent forée, à l'effigie de l'empereur Marc-Aurèle.
C'est dans une fosse voisine, et dans des circonstances à peu près analogues, que l'on recueillit un second angon mieux conservé que le premier, auquel il est semblable, à part un peu moins de longueur. L'arme fut également reconnue cette fois au côté gauche d'un guerrier, près d'un umbo de bouclier.
A droite du corps, reposait d'abord une épëe longue de 81 centimètres, y compris la soie dé la poignée, au bas de laquelle existe une garniture de bronze ornée de lignes verticales ei, horizontales; puis une bâche et la boule de verre citée plus haut. Une urne de verre et un couteau se trouvaient aux pieds du squelette. Au-dessus de sa tête, on recueillit une boucle en argent et une autre plus petite en bronze, puis ça et là quelques petits ornements de bronze.
Certain temps avant cette découverte, nous avions exhume notre premier angon, long seulement de 67 centimètres, dont 5 pour la pointe qui avait perdu ses ailes. De la hampe et de la douille avaient aussi disparu les bourrelets et les plaques décrits ci-dessus. Cette arme longeait le flanc gauche d'un cadavre dont le flanc droit était garni d'une épée longue de 71 centimètres. Une boucle de bronze, appartenant sans doute au ceinturon, accompagnait le cadavre, ainsi que quatre plaques de bronze longues d'environ 41/2 centimètres sur 11/2 de largeur. Ces plaques, encadrées par des rainures que croisent de petites lignes horizontales, sont munies de trous pour recevoir des clous. C'étaient sans doute des ornements de coffret, car l'une de ces plaques est percée d'une ouverture de la dimension d'une clef, et d'autres possèdent encore des parcelles de bois ou de cuir.
Nous avons dit que deux de nos angons avaient la pointe tournée vers les pieds des cadavres et l'autre angon la pointe tournée vers la tête du guerrier. Nous avons omis de noter lequel des trois angons offrait cette position, mais nous présumons que c'était sans doute celui que nous avons cité le premier et qui occupait la droite de son ancien possesseur.
Nous mentionnerons particulièrement deux tombes où se trouvaient des épées ayant conservé en partie leurs poignées, tombes qui devaient être celles de riches guerriers.
Dans la première, gisait le cadavre d'un homme fait, à la mâchoire duquel manquaient deux dents. A sa droite (nous ne pouvons toutefois affirmer cette position), était une épée brisée en plusieurs morceaux. La poignée d'ivoire, chargée de dessins fort effacés, et longue d'une douzaine de centimètres, est garnie à la base d'un cercle d'argent orné d'une sorte de grenetis (PI. II, n° 18). Une lance se trouvait auprès. A gauche du guerrier, près de sa tête, avaient été placés : une cruche, ramassée en morceaux, quatre jattes en terre rougeâtre dont l'une couverte de dessins, un gobelet en verre jaune haut de 9 centimètres et une soucoupe à fossettes de forme évasée en verre vert foncé. Une cuillère d'argent fort usée, à peu près de la dimension de nos cuillères à café, avec manche s'effilant par le haut, se trouvait dans une des jattes avec de petits ossements de poulet (PI. VI, n° 1). La présence d'une cuillère, que M. l'abbé Cochet ' semble considérer comme l'indice d'une tombe de nourrice, a donc une toute autre signification ici. Les ossements de volaille tendraient peut-être à faire attribuer à cette sépulture une origine payenne. Toujours à la gauche du guerrier, vers la hanche, on vit paraître : un bassin de bronze fort consommé, orné d'un dessin imitant des têtes de clous, un couteau ou poignard tombé en- poussière, uue boucle de ceinturon en bronze., trois plaques de bronze garnies d'anneaux, ayant servi sans doute à porter les armes, deux plaques en bronze, appendices présumables, avons-nous dit, des fourreaux d'épées (PI. III, n°s 6, 8) et une troisième revêtue d'une mince lame d'argent avecdeux clous de même métal, enfin le bout du fourreau de l'épée garni en argent, des fragments d'un peignr d'os ou d'ivoire, certain nombre de petits clous à tête en bronze, etc. Des traces de planches observées au même endroit feraient supposer que ces divers objets étaient enfermés dans un coffret, à moins que ce ne fussent les traces d'un cercueil. Vers la cuisse droite, se trouvaient les débris d'un umbo de bouclier et, ;à proximité, les restes d'un seau de bois avec cercles de bronze. Aux pieds du cadavre, on rencontra une seconde boucle de ceinturon en bronze et deux ou trois plaques de fourreaux comme celles mentionnées tout à l'heure. Auprès, se trouvait une autre plaque de bronze découpée à jour. Elle a environ 5 centimètres de haut sur 4 à 5 de large. Nous pensons que c'était la terminaison du fourreau du couteau ou poignard.
Une autre fosse, également bien fournie, présenta, au flanc gauche du guerrier, uneépée dont la poignée garnie de traces d'ivoire était à peu près à la hauteur de la ceinture, où se trouvait une plaque de bronze figurant un animal fantastique, et ayant servi sans doute d'attache au fourreau de l'épée ; des parcelles de bois y adhéraient encore. Une lame de bronze pointillée paraissait terminer ce fourreau. (PI. IV, n° 4). Sur l'épée était une hache ou francisque. Vers la ceinture, on recueillit aussi une petite boucle de bronze ornée de lignes pointillées, un anneau autour duquel glissent trois sortes de tenons ayant appartenu probablement au ceinturon, et des têtes de clous de bronze. Non loin, était une pince à épiler ornée de lignes entremêlées de dessins en forme de X. Un peigne consommé, un petit couteau et une monnaie forée indéchiffrable garnissaient la tête du squelette. A la droite de ses pieds, on avait déposé une urne ; à la gauche, une écuelle rouge à bords saillants et une petite urne de verre blanc à dessins nuageux. Elle fut rencontrée au centre d'un cercle de fer avant un diamètre d'environ 20 à 22 centimètres, débris vraisemblable d'un seau.
Une francisque assez petite était à l'épaule droite d'un cadavre qui possédait en outre le mobilier suivant : vers les genoux, à droite, une marmite de cuivre autrefois garnie de bois encore conservé en partie, avec une anse où l'on distingue les coups de lime. Cette marmite contenait une substance friable comme de la cendre. Aux pieds du cadavre, se trouvait le remarquable verre en forme de trompe de chasse décrit plus haut (PI. I, n° 23) et une soucoupe de poterie rouge ornée de dessins. A la ceinture, était une pince à épiler en bronze et de petits fragments de fer ayant peut-être appartenu à un couteau ou poignard.
Ailleurs, gisait un guerrier dont la droite était garnie, vers la ceinture, d'une hache et, près delà tête, d'une lance ou framée.Sa gauche, en commençant par la tête et descendant vers les pieds, fournit successivement les objets suivants : un seau de bois consommé garni de deux cercles de fer et de deux armatures avec oreilles ornées de dessins; il renfermait un de nos verres de forme conique en verre vert ; plus bas était un pot avec deux oreilles, une écuelle de bronze haute d'un pouce environ, une écuelle de poterie rouge, une soucoupe de poterie rouge ornée de dessins, un bassin de bronze, une soucoupe à bords saillants; puis, vers le milieu du corps, une pince à épiler attachée par sa base à un petit anneau en fil de fer tortillé. Entre les genoux du cadavre, se trouvaient les débris d'un couteau ou poignard et cinq petites platines de coffret en bronze avec trous pour des clous. Quatre de ces platines sont ornées, sur leurs bords, de lignes pointillées, et la cinquième d'une ouverture de la dimension d'une clef.
La droite d'un autre squelette était armée d'une francisque et d'une grande framée longue de 35 centimètres, de forme quadrangniaire, possédant deux platines à l'extrémité de la douille, à l'instar des angons décrits plus haut. A la gauche, se. trouvaient trois soucoupes rouges, deux cruches grossières
consommées et un verre jaune se rapprochant, pour la forme, d'un calice. Un couteau, deux plaques de bronze avec dessins, signalées déjà comme les ornements vraisemblables d'un fourreau , une autre petite lame de bronze du genre de celles que nous considérons comme l'une des extrémités du ceinturon, et un petit anneau de bronze orné d'un dessin, étaient vers les genoux du cadavre.
Des plaques de bronze comme celles représentées à la PI. III, n°s 6 et 8, furent ramassées près d'un guerrier accompagné de sa hache, de deux couteaux et d'un gros poids de plomb muni d'une bélière destiné sans doute à recevoir une petite corde (PI. VI, n° 2). Ce poids , qui pèse 310 grammes, était-il un simple plomb de niveau ou de balance, ou bien s'employait-il comme arme de jet? C'est ce que nous ne pouvons décider, quoique la délicatesse de la bélière et son petit diamètre semblent exclure cette dernière supposition. Deux boucles de bronze de très grande dimension, l'une de forme ordinaire, l'autre de forme ronde, le bout d'un fourreau, soit celui des couteaux, soit peut-être celui d'une épée consommée, et une pièce de monnaie très fruste, furent aussi recueillis dans la même tombe.
Il faut citer comme un fait extraordinaire l'ensevelissement dans une même fosse de deux cadavres orientés, l'un de l'est à l'ouest, l'autre en sens inverse, de sorte que les pieds de l'un étaient à la hauteur de la tête de l'autre. A la droite de la ceinture de celui dont les pieds étaient tournés vers l'orient, on avait déposé une hache de forme presque droite et une petite lance. A ses genoux, était une pièce d'argent fort fruste à l'effigie d'un des fils de Constantin et, à ses pieds, un verre de forme conique ainsi qu'un vase de poterie noire tombant en poussière.
Une hache se voyait au genou droit d'un squelette ayant à la droite de ses pieds une petite soucoupe en poterie, et, à la gauche, une soucoupe plus grande dans laquelle se trouvait un vase de verre. Au flanc gauche du cadavre était une petite lance ; au-dessus de sa tête, une aiguille et une boucle eu bronze.
C'est aussi aux genoux d'un cadavre qu'apparut une hache formant à peu près un quart de cercle. Le côté gauche de la tête du guerrier offrait plusieurs morceaux de fer consommé, un ornement rond en bronze, et une belle boucle de ceinturon enrichie de verroteries rouges enchâssées dans de l'argent (PI. III, n°9).
Une hache était placée au côté droit de la tête chez un autre guerrier qui possédait : à gauche de la ceinture, un plateau de poterie rouge, trois vases consommés et un verre conique ; aux pieds, un petit couteau, certain nombre de clous à tête étamée ou argentée, une sorte de petite anse de bronze munie de deux clous rivés, une boucle et deux petits disques en bronze d'un diamètre de 2 centimètres, au centre desquels existe un clou. Des débris de cuir adhéraient encore à ces disques dont nous avons donné le modèle (PL IV, n° 10).
C'est encore à la droite de la tête d'un guerrier qu'apparut une hache auprès de trois monnaies complètement frustes. A la gauche de la tête étaient une écuelle de poterie rouge et deux autres vases consommés ; aux pieds, on recueillit une lance.
Ailleurs, à droite de la tête d'un guerrier, une lance joignait la poignée d'unelongue épée conservant quelques ornements de bronze vers la garde.
La lance gisait aux pieds d'un autre cadavre qui possédait, au côté droit, une épée dont la poignée lui arrivait à l'épaule ; entre ses genoux se trouvaient un anneau et deux ornements en bronze, un gros grain de collier en poterie noire orné, dans son pourtour, d'une ligne bleue avec parcelles d'or, ainsi qu'un morceau de silex long d'environ 4 centimètres et taillé en forme de fer de flèche (PL III, n° 5).
A droite de la tête d'un cadavre dont les dents usées annonçaient un homme de certain âge, se trouvait une grande lance et, aux genoux, deux petites lances. Entre les jambes, était un couteau paraissant avoir été renfermé dans une gaine de cuir dont le bout fut retrouvé avec des traces de cette substance. L'arme semblait avoir été attachée à la ceinture par une sorte de crochet de bronze muni d'un anneau. Auprès, se voyaient une petite boucle, deux plaques du genre de celles que l'on croit avoir fait partie du fourreau (PI. III, nos 6, 8) et une autre plaque, terminaison présumée du ceinturon. A gauche, vers le ceinturon du guerrier, se trouvaient sa hache, neuf vases de poterie dont une cruche tombant en poussière, deux vases de verre elle grand cercle de bronze à tête d'argent cité plus haut. Une monnaie d'argent de Yalentinien I accompagnait aussi le squelette.
Un couteau fut recueilli à côté d'une hache à large tranchant, à la droite de la ceinture d'un cadavre qui avait, à sa gauche, une lance, et, à ses genoux, une boucle et des tenons de bronze.
Plus loin, un couteau était déposé à la ceinture d'un squelette possédant, à l'épaule droite, une large hache, et, à gauche de la tête, un vase de verre et deux tenons de bronze.
Avant de terminer la description des sépultures armées, il nous reste à parler de celles où reposaient des enfants.
Les fouilles de Samson nous révélèrent, en effet, la présence d'armes déposées dans des tombes qui durent recevoir de jeunes enfants, comme l'indiquait l'extrême exiguïté de la fosse où ils avaient été couchés ; car, de leurs frêles ossements, rien ou presque rien n'avait survécu. Ce fait remarquable, que nous n'avons pas vu consigner ailleurs, est caractéristique des mœurs de la race franque. Homme des combats avant tout, le guerrier franc voulait que, dès l'âge le plus tendre, son fils ne connût d'autre passe-temps que celui des armes, et, qu'après sa mort, sa tombe attestât qu'il appartenait à une race de guerriers.