ANGONS. - L'angon était une arme employée particulièrement par les Francs et que l'on a rencontrée fort rarement jusqu'ici. On a parfois contesté que des armes présentées sous ce nom fussent bien conformes à la description donnée par certains auteurs du bas empire et surtout par l'historien Agathias. Avant de parler de nos angons, nous croyons donc devoir citer le texte de cet auteur. « Les angons, dit-il, sont des javelots ni très grands ni » très petits, mais également propres, au besoin, à être lancés » au loin et, dans une attaque, assez longs pour atteindre et » frapper la ligne ennemie. Ils sont presque complètement » garnis de fer de tous côtés, de manière à ne laisser paraître » que très peu de chose du bois et presque rien du bout pointu » au bas de la hampe. Au-dessus, vers le sommet de la lame, » existent, des deux côtés, des pointes courbées semblables à » des hameçons et qui se dirigent vers le bas de la lame. Dans » le combat, le Franc lance cet angon et, s'il atteint le corps » de l'ennemi, la pointe y pénètre et celui qui est frappé ne » peut arracher le javelot qu'avec peine à cause des douleurs » aiguës que lui occasionnent les pointes enfoncées dans les » chairs; en sorte que, si même la blessure n'a pas été mor-» telle, elle se termine cependant par la mort. Si au contraire » le javelot pénètre dans le bouclier, il y reste suspendu, sa » partie inférieure traînant à terre, et le guerrier ainsi atteint » ne peut ni arracher le javelot à cause des pointes qui le re-» tienne, ni le couper à cause du fer dont il est entouré. » Lorsque le Franc s'aperçoit de cela, il met le pied sur le T> bout du javelot et pèse de tout son poids sur le bouclier, de » manière que le bras de l'ennemi venant à se fatiguer, celui-ci » laisse à découvert sa tête et sa poitrine, et il devient alors » facile au Franc de le tuer, soit en lui fendant la tête de sa » hache, soit en le perçant avec un autre javelot '. »D'autres auteurs grecs du bas-empire, tels que Suidas etEusta-thius, parlent aussi de l'angon comme d'une arme nationale
chez les Francs. Eustathius, dont le texte cadre très bien avec celui d'Agathias, s'exprime ainsi : « Angon, espèce dejaveloi » franc, ni très-long ni grand, qui est, en majeure partie, » couvert de fer '. »
Ces descriptions s'appliquent parfaitement aux trois angons que nous avons eu la bonne fortune de rencontrer à Samson. Il suffira de décrire le mieux conservé pour connaître les deux autres semblables à celui-ci, à part les dégradations qu'ils ont subies.
Notre angon, d'une longueur totale de 98 centimètres, consiste en une hampe de fer de 88 centimètres terminée par une pointe longue de 10 cent. Cette pointe quadrangulaire est garnie de deux ailes courbes qui se prolongent à la base des deux angles les plus saillantes. La pointe possède en outre, à 7 cent, de son extrémité, une entaille pratiquée sur chacune de ses faces. La hampe, carrée jusqu'à 8 cent, environ sous les ailes, où elle a l'épaisseur de i cent., devient ensuite ronde jusqu'à la douille, où elle acquiert une circonférence d'environ S cent. A sa base, se prolongent quatre plaques de fer entourées de trois bourrelets (PI. II, n° 21). Ces plaques paraissent bien cadrer avec la description des auteurs contemporains et garantissaient le manche de bois qu'elles empêchaient l'ennemi de pouvoir couper. Des traces de bois existaient encore, en effet, dans la douille d'un de nos angons.
Deux de ceux-ci avaient la pointe tournée vers les pieds des cadavres ; le troisième avait la pointe tournée vers la tête de son ancien possesseur.
L'abbé Cochet considère l'angon comme une arme de choix,
attribut des chefs militaires. Une pareille opinion semble cependant plutôt fondée sur la nature et la rareté des découvertes de ce genre que sur les textes que nous venons de citer. Il paraît même que, par la suite, chez les Amogavares, l'angon était l'arme des fantassins. Pachymere dit, en effet, qu'au siège de Callipole, ces peuples sortirent d'une embuscade qu'ils avaient dressée aux Romains envoyés par l'empereur Michel, chaque cavalier ayant deux hommes de pied à ces côtés, armés de lances qu'on appelait autrefois Ancones *.