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LE MOYEN-AGE - CHAPITRE PREMIER

Le comte Herman et l'abbaye de Saint-Vanne de Verdun


LE MOYEN-AGE - CHAPITRE PREMIER

Le comte Herman et l'abbaye de Saint-Vanne de Verdun


Le territoire de Gesves offre un important vestiged'habitation romaine. A peu de distance de la voie vicinale, diverticulum, qui le traversait allant de Lustin à Huy ( 1 ){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(1)A.S.A.N.,t.V, p. 46; t. VII, p. 34; t. XIX, 3™   livraison,planche I., sur un versant incliné vers le Sud, s'élevait une villa qui fut découverte vers la fin du XVIIIe siècle. Gaillot, dans son histoire de Namur imprimée en 1789,décritl : « les découvertes qu'on a faites à Gesves il y aquelques années : une muraille forte et épaisse qu'on a trouvée sur pied bien avant dans la terre; quelques bel­les chambres, dans l'une desquelles il y avait une table de pierre sur laquelle se trouvait une sonnette de cuivre encore entière... » (2){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(2)Galliot, Histoire de Namur, t.  IV, p. 158., et là-dessus il évoque Herculanum. Les restes qui subsistent ne laissent pas de doute sur l'origine romaine de cette construction.
Le flot des invasions submergea la civilisation dont témoigne un tel établissement. Rien de commun entre cette relique et le village que nous verrons dans la suite naître et se développer. Sur la désolation répandue par 1es barbares, la forêt d'abord va croître et jeter un voile, le nom de Carias (bois de coudriers), appliqué au lieu où s'était épanouie la vie romaine, dit assez l'aspect qu'il avait pris quelques siècles plus tard. Mais des restes apparents de bâtisse révélaient l'occupation du terrain par une population antique; et de là le nom de Sarazin donné à un enclos voisin (3){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(3)Un mesurage général de Gesves en  1687 relève "une pièce appelée le coriau, joindant d'orient à Guillaume Flament et au chemin et à un encloz  appelle  le  Sarazin ».  A.C.G..

Ravagé et dépeuplé, ce territoire tomba dans le do­maine public. Le premier guide que nous puissions interroger sur sa destinée ultérieure est le nom qui lui fut donné : Gengeavia, qui signifie eau courante (4){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(4)Note de  M. le professeur A.Carnoy : « La  forme Gengeavia est d'une ressemblance frappante avec le nom de gangavia cité par Fôrstmann, II, 1999. Le terme gang,dans ce dernier mot, est lié au mot ahwyô = eau. Dans certaines parties de l'Allemagne, on l'emploie pour de petits cours d'eau. Son sens Justife cet usage, puisqu'il est l'équivalent du français cours. En conclusion, gang-ahwya, c'est l'eau courante ».. Cette dénomination révèle que le premier établissement qui fut fondé en cet endroit après les invasions s'éleva, non pas sur l'emplacement de la villa romaine, mais bien au bord du ruisseau. Et la donnée toponymique s'accorde avec l'aspect des lieux. Sur un promontoire que la vallée contourne et protège à l'est et au nord, s'étale le site du village primitif. Au sud et à l'ouest, le petit territoire habité était défendu par la forêt ; mais il offrait un point vulnérable, c'était celui par où péné­trait le chemin antique, l'ancien diverliculum qui, venant de Maillen et de Courrière, se dirigeait vers Ohey. Pour protéger ce point fut bâtie une tour qui subsistait encore au XVIe siècle sous le nom de barbarinne, nom qui évoquait son antiquité (5){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(5)Dans  une  description de  Gesves, écrite au début du XVIIe siècle,on note la «ruine d'une vieille tour nommée barbarinne » qui se trouvait au  bout de la rue partant de l'église, près d'un  tilleul qui existe encore. Le 19 avril 1560 furent vendues la tour, maison, etc., de Barbarine. A.C.G.. L'ensemble du site corres­pond à beaucoup d'anciens campements dont naquirent des villages (6){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(6)Plans III et IX.— Cf. Félix Rousseau, La Meuse et le Pays Mosan. A.S.A.N., t. XXXIX, p.21..

Au bord du promontoire, à pic sur la vallée, s'éleva une chapelle scus le patronage de saint Maximin. C'est le seul exemple, dans l'ancien diocèse de Liège, d'une enlise dédiée à l'illustre évêque de Trêves. Cette cha­pelle desservait les rares habitants d'un spacieux terri-loire dont furent détachés, à une époque antérieure au XI" siècle, Sorée et Wallay. Au regard des chapelles qui furent érigées dans ces deux localités, celle de Gesves prit rang d'église-mère et, à ce titre, eut saint Lambert pour patron (7){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(7)Document  IV..
Par la division du ressort primitif de la paroisse en trois circonscriptions religieuses, furent constituées des unités territoriales auxquelles s'adaptèrent la seigneurie et la haute justice. On sait le rôle que les circonscriptions religieuses jouèrent dans la géographie politique et administrative du haut Moyen-Age. C'est par une conséquence de cette adaptation que le territoire de la commune actuelle de Gesves, qui mesure 2.048 hectares, ne comprend pas seulement l'ancien domaine de Gengeavia, mais s'étend sur une partie considérable d'un autre domaine qui nous est connu par un diplôme de l'an 851 sous le nom de Borcidum, Borsu (8){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(8)Borsu signifie brousse. Cf. A.carnoy, Les noms de lieux des environs de Bruxelles,  p.   167.. Ce domaine fut scindé par la frontière des paroisses, la partie orientale passant dans le ressort de Wallay, l'autre suivant le sort de Gesves tant au point de vue politique que religieux.
A l'origine, Gengeavia et Borcidum appartinrent au même propriétaire qui n'était autre que le souverain, dans le domaine duquel tombèrent les innombrables biens sans maître que les invasions laissèrent derrière elles. Ainsi, lorsque, en 851, l'empereur Lothaire confirma une donation que son fidèle Hadinge avait faite de quatre manses sis à Borsu, il rappela que le donateur tenait cette propriété de sa haute munificence (9){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(9)Document  I.. Il en était sans doute de même de Gesves,le territoire voisin perdu dans la forêt condrusienne.


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Au cours du Xe siècle, une puissante famille qu'on dit apparentée à la dynastie carolingienne et à la lignée des premiers ducs de Lotharingie (10){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(10)D. calmet, Histoire de Lorraine,  t.   I,   p.   858. , domina le sud-est de la Belgique, tant par les fonctions qu'elle exerça que par ses nombreux alleux; ce fut la maison d'Arden-ne. A cette famille appartenait le comte Wigeric qui, par une charte datée du château de Huy, 895, fit don de biens situés à Hamoir. Son petit-fils Godefroid, comte d'Ardenne et de Verdun, est dit le captif à cause du long emprisonnement que lui fit subir le roi Lothaire de France. Le fils de Godefroid le Captif, Herman, comte de Verdun et d'une partie du Hainaut, connu dès 987 par une lettre de Gerbert (11){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(11)Recueil des Historiens  des  Gaules, t. X,  p.  395., est le premier personnage auquel un texte formel attribue la possession de Gesves.
Quel aspect offrait alors ce domaine ? C'était une étendue de bois coupée par deux vallées : l'une celle du ruisseau de Gesves, Gengeavia, actuellement Hoyoux, allant du sud au nord; l'autre celle du Sozon, le Solcio du diplôme de 851 actuellement ruisseau des Fonds, allant d'est en ouest et rencontrant la première à l'extrémité N.-O. du territoire. Sous l'église, une clai­rière s'allongeait dans la vallée et la débordait en quel­ques points. Le sol cultivé valait en tout trois manses (36 bonniers), plus quelques parcelles. Serrées contre l'église sur l'étroit plateau, se dressaient une habitation et ses dépendances. Là résidait l'homme préposé à la mise en valeur du domaine. Par ailleurs, quelques serfs vivaient de l'usage des communaux et des salaires que le travail agricole pouvait leur procurer.

Peu de temps avant sa mort (1029), le comte Herman donna au monastère de Saint-Vanne de Verdun l'église de Gesves et trois manses, ainsi que le constate un diplôme de l'empereur Conrad II, du 28 avril 1031 (12){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(12)Documents II et III.Le nécrologe de l'abbaye de Saint-Vanne  ne parle que de deux manses. C'était probablement l'étendue de la terra indominicata, abstraction faite d'un manse servile qui  est désigné ailleurs.. Ce n'était, quant à l'étendue, qu'une minime partie du domaine, le manse correspondant à une superficie d'en­viron douze bonniers. Mais elle comprenait le peu de terres cultivées qu'offrait alors ce territoire : la terra indominicata, c'est-à-dire le sol exploité pour compte du propriétaire, avec les bâtiments y affectés, et quelques terres tenues à charge de services, bref ce qui sera le noyau du futur village. A part cela, tout ce qui consti-tuait l'alleu de Gesves, bois, cours d'eau, pâturages, moulin (13){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(13)Ce mot est au pluriel dans l'acte de 1091 dont il sera question ci-après, mais le texte de cet acte paraît reproduire une formule de style en usage dans les actes de vente de grands domaines. Primitivement, il n'existait à Gesves, semble-t-il, qu'un moulin, près de l'église. et serfs, restait la propriété du comte Herman et passera à ses héritiers.
De telles donations procédaient souvent d'un double mobile : d'une pensée pieuse sans doute, mais aussi d'une intention de progrès économique, progrès auquel le donateur lui-même était le premier intéressé. Car un développement de l'agriculture comportait une produc­tivité accrue des banalités et un plus grand nombre d'usagers des bois et autres communaux, avec accroissement corrélatif des redevances. A cet effet, certaines donations sont accompagnées d'une faculté ou d'une obligation d'étendre, par des défrichements, l'aire cultivée (14).{styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(14)Goblet d'Alviella, Histoire des bois et forêts de Belgique, t. I, p181

Nous pouvons suivre, au cours du XIe siècle, l'extension de la zone cultivée par les préposés de Saint-Vanne.
Deux bulles pontificales de 1053 et de 1060, confirmant la donation du comte Herman, parlent de cinq manses au lieu de trois (15){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(15)Documents  V  et VI.. Un polyptyque rédigé vers la même époque décrit le domaine du monastère comme suit : en domaine direct cinq manses de terre, un bonnier de pré et une brasserie; à charge de services un manse et un quartier (16){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(16)Document. IV.. Les services consistaient dans le travail du lundi ou quelque main-d'œuvre. Il y avait en outre la prébende du desservant de la chapelle Saint-Maximin qui comportait trois quartiers de terre, un bonnier de pré et un bonnier au chemin de Dinant. On ne peut s'arrêter à l'hypothèse que la donation primitive aurait été complétée par d'autres, puisque seul le comte Her­man est cité comme donateur. La seule explication de cet accroissement est que l'abbaye donataire pouvait défricher certaines parties de la forêt et augmenter le domaine cultivé. De ce travail, on peut déterminer avec précision le résultat.
En effet, nous possédons deux relevés des cens dont furent grevées les terres de Saint-Vanne lorsque ce mo­nastère, cessant de les exploiter directement, les concéda à titre de censives, suivant une pratique usitée à cette époque pour les propriétés ecclésiastiques. Le fait se produisit probablement à la fin du XIe siècle, ainsi que nous le verrons plus loin. Les résultats acquis par le monastère verdunois furent alors stabilisés. Les cens dont diverses terres apparaissent grevées, strictement proportionnels à l'étendue et fixes, sont des indicateurs qui désignent les portions du sol cultivées dès le XIe siècle. Cherchons à en tirer des conclusions aussi pré­cises que possible.
Le rentier rédigé vers 1372 (17){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(17)Document  XXVIII., pour la collégiale Saint-Pierre de Liège, successeur de Saint-Vanne, renseigne une recette de 58 sous tournois, somme qui correspond à une superficie, globale de 87 bonniers, chaque journal de terre étant grevé uniformément de deux limiers tournois de cens. A cette superficie, nous pouvons ajouter environ six bonniers grevés de rentes en nature. De 36 bonniers au début du siècle, la surface cultivée avait donc atteint une centaine de bonniers. Le progrès est, en moyenne, d'un bonnier par an.
Le relevé de 1375 fournit de précieuses indications topographiques à l'aide desquelles nous pouvons déterminer, avec précision pour certaines, approximativement pour d'autres, la situation des cultures.
Voici d'abord le siège de l'exploitation, c'est « le manoir et assise de pierre, à tous ses appendices, seyant emmii la ville de Geyves ». On ne peut s'y tromper, C'est la ferme qui conserva longtemps le nom de censé de pierre, actuellement ferme d'en haut, sise contre l'église et formant avec celle-ci l'ensemble primitif tel qu'on le rencontre en maints endroits.
Quant aux terres, nous les trouvons dans la vallée du ruisseau : en St-Pire-Vaux, Fagnery, Fosse, Vaux (18){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(18)Ces quatre sections comprennent toute la longueur de la vallée depuis la ferme de Francesse jusqu'à celle  de Hoyoux. ; sur la rive gauche, aux pirchouls, al'hez, allé houillère', sur la rive droite, en champeal (19){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(19)Actuellement champia. ; près de l'église, en le bonnier (20){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(20)Terrains à l'ouest de l'église, occupés par les maisons et jardins de "petite  Gesves". ; au sud, sur le chemin de Sorée au moulin de Wagnée, allé coyarde de Wagnée, au fond des tanières, sur la haie de fagne, allé voie qui va à Thiri (21){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(21)Route de Gramptinne, passant au moulin dit de Thirifays.. Ces noms de lieux, qui ont persisté à travers les siècles (22){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(22)Cf.les   notes  du  document XXVIII., désignent les premières conquêtes de la charrue sur la forêt. D'autres terres cultivées ne sont connues que globalement : près de l'endroit où sera bati plus tard le château, dix bonniers (23){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(23)C'est l'étendue qui était possédée, en 1332, par la Dame de Gesves.Document  XXIII. ; des deux côtés du bois fiel Hez, vingt bonniers (24){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(24)Terre des familles delle Fontaine et delle Fosse. Documents XXIII et XXVIII.. Dans une autre région, à la limite occidentale de Gesves, région dite de Hoyoul, le travail de défrichement avait découvert une surface d'un manse au moins sur le plateau qui a gardé le nom de li mes, dont la géographie officielle a fait l'himée (25){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(25)Li  mes devint la ferme de Hoyoul. En 1332, les enfants de Philippe de Hoyoul avaient 19 bonniers censaux, en grande partie sur ce territoire. Documents XXIII et XXVI,. Restaient boisés presque tout le territoire situé au Nord du Hoyoux, ainsi que de vastes étendues dans la partie sud, jusqu'aux limites d'Assesse et de Florée, comme le montre le croquis ci-joint (26){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(26)Plan III,Gesves au XI siècle.. On le voit, le lointain monastère de Saint-Vanne n'avait réalisé que de lents et faibles progrès. Quant à l'agglomération centrale, elle comprenait, outre l'église et la «maison de pierre », le moulin de Spinoit en contre-bas de l'église, la fontaine et la brasserie un peu plus loin en aval (27){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(27)Document  IV. ; sur la hauteur en face, le petit fief de Spinoit (28){styleboxjp width=300px,float=right,color=grey,textcolor=black}(28)Document  XXXII..








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General update: 19-01-2012 07:54
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