CHAPITRE VI
Les Bolland et les Juppleu seigneurs de Gesves
Evrard de Bolland et Julienne de Vyle eurent quatre enfants, dont une fille qui fut mariée au chevalier Pierre de Blehen. On conserve les sceaux de leurs trois fils, Guillaume, Daniel et Henri, et celui de Julienne elle-même en son veuvage, sceaux attachés à diverses chartes de Brabant et de Namur, et qui expriment des relations familiales qu'il est intéressant de préciser.
CHAPITRE VI
Les Bolland et les Juppleu seigneurs de Gesves
Evrard de Bolland et Julienne de Vyle eurent quatre enfants, dont une fille qui fut mariée au chevalier Pierre de Blehen. On conserve les sceaux de leurs trois fils, Guillaume, Daniel et Henri, et celui de Julienne elle-même en son veuvage, sceaux attachés à diverses chartes de Brabant et de Namur, et qui expriment des relations familiales qu'il est intéressant de préciser.
Le sceau de Julienne nous est fourni par une série de quittances qui s'échelonnent du 6 décembre 1373 au 17 janvier 1379 , constatant le règlement d'une pension viagère de cent livres tournois que le Duc de Brabant lui servait depuis 1372, comme héritière de son fils Daniel tué à la bataille de Basweiler (août 1371). L'écusson est parti : à dextre trois fusées disposées en fasce et surmontées de deux merlettes; à sénestre une croix cantonnée de croisettes, armoirie des Bolland. Le quartier dextre, qui porte les fusées caractéristiques de la maison de Hamal, montre donc l'armoirie personnelle de Julienne. Or, ce n'est pas celle de ses ancêtres en ligne masculine, car son aïeul paternel était Gérard de Hemricourt, seigneur de Vyle, dont la pierre tombale, dessinée par Lefort, porte une fasce. Ce n'étaient pas non plus les armes de la famille de Wihongne, à laquelle appartenait sa mère. Nous voyons ici un exemple de la transmission en ligne féminine des noms et armes d'un ancêtre éloigné, transmission qui s'accompagnait souvent de l'héritage et même du prénom de l'aïeul, dont la mémoire se conservait ainsi. L'aïeul maternel de Julienne de Vyle s'appelait Daniel de Hamal, bien qu'il ne fût point Hamal par son père, mais fils de Libert Crépon d'Othée, du lignage de Wihongne. Quelle circonstance lui avait valu le nom de Hamal et le prénom de Daniel fréquent dans la maison de Hamal, ainsi que le blason aux « fusées » ? Nous l'ignorons. L'hypothèse la plus vraisemblable est que ce Daniel naquit d'une Hamal, contrairement aux assertions du Miroir des Nobles . Julienne de Vyle semble avoir été spécialement désignée pour recueillir la tradition, de ses ancêtres Hamal et, à ce titre, elle fut héritière de sa tante maternelle, Julienne « fille jadis Daniel de Hamal». Et c'est tout cela que révèle le sceau ci-dessus décrit, dans lequel nous voyons l'écu de Hamal avec une brisure (deux merlettes), dont usa probablement l'aïeul de Julienne pour se distinguer des agnats de la maison de Hamal.
Le fils aîné d'Evrard et de Julienne, Guillaume, seigneur de Gesves, porta les armes de Bolland avec un lambel à trois pendants. Cette brisure différenciait son blason de celui de la branche aînée des Bolland.
Le sceau du second fils, Daniel de Gesves, est remarquable en ce qu'il porte en cœur, sur les armes de Bolland, l'écu aux fusées, qui perpétuait, à la quatrième génération, le souvenir d'une aïeule issue de la famille de Hamal. Le prénom de Daniel s'harmonise avec l'armoirie ainsi composée. Il marque bien que, parmi les fils de Julienne de Vyle, c'est le second qui représentait la lignée de Wihongne-Hamal.
Henri, troisième fils, porta le même blason que son frère aîné, avec cette différence que les pendants du lambel sont chargés de besans ou tourteaux.
Guillaume de Gesves épousa Marie de Lummen, fille d'Arnoul d'Audenarde, sire de Lummen et de Chaumont, avoué de Hesbaye, et d'Alix de Hermalle. Cette alliance apparenta les seigneurs de Gesves aux La Marck et à plusieurs autres puissantes familles. Il avait cinq enfants en 1356 : Gérard, Marie, Alix, Julienne et Yolande ; mais seules survécurent deux filles : Marie et Yolande, « Et quand messire Guillaume fut veuf », conte Hemricourt, « il épousa sa chambrière dont il avait plusieurs enfants qui furent légitimes» . Tout juriste qu'il fût, l'auteur du Miroir fait erreur quant à la légitimation de ces enfants. Comme ils étaient nés, ils ne pouvaient rester que bâtards : aussi n'eurent-ils point de part à la succession de leur père, laquelle échut tout entière aux deux filles nées de son premier mariage. Danilon le bâtard, qu'on rencontre en 1381, est peut-être l'un de ces enfants.
Guillaume, qui n'était qu'écuyer en 1356 figure parmi les chevaliers témoins d'une sentence rendue par le bailli du comté de Namur en 1361. En 1381, on le voit cautionner les ferrons de Gesves pour une fourniture, et assister au mariage de sa nièce avec Jean Bonnant. En 1383, il intervint comme homme allodial de la terre de Gesves. Enfin, le 25 décembre 1384, dernière mention, il scelle une sentence d'arbitrage entre le comte de Namur et le seigneur de Marbais. Il mourut avant le 1er septembre 1387.
Quant à Daniel de Gesves, second fils d'Evrard de Bolland, sa carrière fut toute militaire. Resté attache à la maison de Luxembourg, qui avait fait la fortune de son père, il servit Wenceslas, fils de Jean de Bohême, et lui testa fidèle, même dans la guerre que ce prince soutint en 1356 contre le comte de Namur, de qui relevait la seigneurie de Gesves. Il fut armé chevalier et périt sur le champ de bataille de Basweiler le 22 août 1371. Nous savons que sa mère toucha de ce chef une pension viagère de cent livres tournois. Julienne, alors septuagénaire, fut l'héritière de son fils et recueillit à ce titre des propriétés à Gesves.
Henri, troisième fils d'Evrard, épousa une fille de Jacques de Beaufort, seigneur de Gosnes, et fut l'héritier de cette seigneurie comme de celle de Richelette ou Ryckholt qu'avait possédée son père. De sa nombreuse postérité, seule une fille intéresse l'histoire de Gesves : c'est Jeanne, qui épousa en 1381 Jean Bonnant, opulent bourgeois et échevin de Namur. Par un contrat du 18 juin de cette année, Henri de Gesves donna en aide et subside de mariage à sa fille les biens qu'il avait à Gesves. C'étaient « une maison et boverie gisant en la ville de Gesves, avec toutes les appartenances en terres, prés ou autrement ; une autre boverie en la ville et au terroir de Spasse, maison et terres, prés, manoir avec leurs appartenances »
Jean Bonnant appartenait à la bourgeoisie urbaine. Il était fils de Wautier Bonnant, échevin de Namur en 1368 et de Marie aux Lovignis, bourgeoise cossue comme son nom le fait supposer. Lui-même fut l'un des « élus » de Namur en 1391. Toutefois, devenu par son mariage grand propriétaire rural, il revint à la terre et prit une position analogue à celle qu'avait eue, un demi-siècle plus tôt, Nicolas de la Fontaine, celle de grand cultivateur. Non pas qu'il menât la charrue, car ce gros bourgeois cultivait à l'aide de « boviers »; mais il exploitait ses propriétés et prenait à bail d'autres terres, comme aussi se fit-il fermier des cens de la collégiale Saint-Pierre : bref, un homme d'affaires. En 1408, Jean Bonnant étant mort, sa veuve continuait l'exploitation. Plus tard, elle eut pour successeur son fils Jean, né en 1397, qui avait encore une culture à Gesves en 1438.
De Marie de Lummen, sa très noble épouse, Guillaume de Gesves ne retint que deux filles : Marie et Julienne. Marie épousa Henri de Daverdisse, écuyer ; elle n'eut aucune portion du domaine de Gesves. Julienne, héritière de la seigneurie, se maria en décembre 1375 avec Baudouin-Bureau de Juppleu, chevalier, seigneur du château de Boneffe. Le contrat fut scellé le 16 de ce mois. Il attribuait aux futurs époux : la maison, forteresse et la hauteur de Gesves, deux cent quatre-vingt bonniers de bois, le vivier de Spinoit, le pré-le-comte, et toutes les « appartenances » du château, ce qui semble comprendre la ferme qui faisait corps avec celui-ci et les terres qui en dépendaient; en résumé, tout ce que le seigneur de Gesves tenait en fief du comte de Namur. Cette donation ne conférait la jouissance immédiate que des bois ; quant au reste, Guillaume et sa mère devaient en conserver l’usufruit.
La famille de Juppleu, issue des francs-hommes de Noville-sur-Mehaigne, était l'une des premières du comté de Namur. Wautier de Juppleu fut lieutenant du comte dans les premières années du XIVe siècle. Quant à l'époux de Yolande de Gesves, il avait un lourd casier judiciaire, ayant commis un homicide en 1370, lorsqu'il était encore mineur ; mais il rachetait ce défaut par sa qualité de chevalier et les belles terres qu'il possédait.
En exécution de son contrat de mariage, il devint seigneur de Gesves à la mort de Guillaume, c'est-à-dire en 1385 ou 1386. Dès 1383, héritier d'une part des acquêts de Julienne de Vyle, il inaugura le système d'arrentement, qui allait 's'étendre au siècle suivant, en concédant ses terres de Hoyoul pour une rente de 22 muids d'épeautre . Le 16 avril 1396, à la taverne de Francesse, il transigea avec Henri de Gesves, seigneur de Gosnes, son oncle par alliance, au sujet de terres aises à Russon, provenant aussi de la succession de Julienne. Le 6 août 1402, il maria sa fille Marie avec le seigneur de Marbais. Il mourut l'année suivante, et son fils aîné, Philippe-Bureau de Juppleu, lui succéda comme seigneur de Gesves.
Philippe est cité dans quelques documents d'importance secondaire, dont les derniers sont datés de 1416. Sa mère lui survécut; elle s'était faite bourgeoise de Namur, habitait un hôtel « à Saint-Auban » , où elle mourut en avril 1432. Son testament, rédigé en présence de Jean de Hubine prévôt du chapitre de Ciney, d'Anseau de Froidebise chanoine de Ciney, de Thiry de Natoie curé de Gesves, et de Jean Bonnant, fut approuvé par les échevins de Namur le 9 mai suivant, à la requête de Jean-Bureau, second fils de la défunte.
Quant à la seigneurie de Gesves, la transmission en avait été réglée après la mort de Philippe de Juppleu et non sans difficulté. Evrard de Juppleu, comme puîné, en était l'héritier naturel, mais un testament de Philippe l'attribuait à son plus jeune frère, Jean dit Bureau ou Burequin. D'où contestation.
Le 31 janvier 1418, Evrard et Jean-Burekin s'engagèrent à se soumettre au jugement de six arbitres auxquels ils donnaient pouvoir de régler la succession de leur frère aîné. Ces arbitres étaient les gentilshommes les plus considérés du pays : Henri de Bolland seigneur de Rollé et de Dave, Jean de Donglebert seigneur de Longchamps, Jean de Celles seigneur de Libines, Daniel de Gesves seigneur de Gosnes, Guillaume de Juppleu et Henri de Hun, prévôt de Poilvache. Ils prononcèrent le 8 mars une sentence qui attribuait Gesves à Jean-Burequin, tandis que son frère eut le château de Boneffe . Alors commença la plus longue carrière seigneuriale que nous rencontrerons, puisque Jean de Juppleu tint Gesves durant cinquante ans ; mais carrière traversée par une rude épreuve.
Le troisième fils de Baudouin de Juppleu et de Yolande de Bolland ne fut pas seulement seigneur de l'important domaine de Gesves ; il avait relevé à Liège, le 3 novembre 1414, la terre de Brumagne, que son père possédait depuis 1391, et fut aussi seigneur de Chevetogne et de Libinnes. Son mariage avec Catherine, fille naturelle du comte Jean de Namur , lui aurait valu des avantages si le règne de son beau-père s'était prolongé ; mais le comte mourut en 1430, et alors le marché qu'il avait conclu avec Philippe-le-Bon s'exécuta, joignant le comté de Namur à l'Etat bourguignon. Cette circonstance ayant accru l'inimitié qui depuis longtemps séparait les Namurois des Liégeois, la guerre ne tarda pas à s'allumer entre eux.
Au milieu de cette même année 1430, tandis que l'armée liégeoise s'emparait de Golzinne ; que les gens de Tongres, de Saint-Trond et du comté de Looz ravageaient la Hesbaye; ceux de Huy se dirigèrent vers le Rendarche. L'effroi se répandit dans toute cette région, si bien que, arrivés à Ohey, leur première étape, les Hutois trouvèrent le seigneur de Gesves et les dames d'Emptinne et de Spontin qui venaient humblement mettre leurs châteaux à la disposition des envahisseurs. Ceux-ci n'en continuèrent pas moins à brûler tout le pays, en poursuivant leur route vers Assesse.
Les conséquences de ce désastre occupèrent Jean de Juppleu durant plusieurs années. 11 fallut d'abord remédier à la destruction des moulins. Car c'était l'habitude, dans les expéditions guerrières, de s'en prendre particulièrement aux moulins, et les Liégeois en .avaient brûlé dix-sept au cours de cette campagne. A Gesves, en ce temps-là, ce n'était plus le moulin de Spinoit, mais le moulin de Houte qui desservait les manants de la seigneurie. Plus loin en aval, se trouvait le moulin de Hoyoul, dont la banalité s'étendait sur des villages et hameaux voisins. Ni l'un ni l'autre n'échappèrent à la torche incendiaire des Hutois, si bien que, au lendemain de leur passage, une nombreuse population se trouvait sans moyens de moudre le grain. A Pâques 1432, Jean de Juppleu convoqua la communauté des habitants de Gesves pour prendre une décision, que nous exposerons plus loin en étudiant spécialement les moulins.
Malgré son empressement à réparer les dommages de la guerre, le seigneur vit les revenus de sa terre diminuer au point qu'il se trouva hors d'état de s'acquitter de la rente due à la collégiale de Huy en vertu de la transaction de 1356 ; et la seigneurie fut saisie. A quelle date ? Nous ne pouvons le préciser, mais c'était un fait accompli en 1438. Une circonstance peut avoir contribué à l'insolvabilité du seigneur de Gesves : c'est qu'il ne fut pas indemnisé pour les dommages que l'armée liégeoise lui avait infligés. En effet, nous ne trouvons pas son nom sur la liste de ceux qui encaissèrent des sommes à titre d'indemnités. Cette exclusion fut-elle motivée par la démarche peu glorieuse de Jean de Juppleu au début de la guerre ? Peut-être. Toujours-est-il que durant plusieurs années, il ne fut plus seigneur de Gesves ; le mayeur et les échevins étaient nommés par le chapitre de Huy, au nom duquel on rendait la justice. Cette situation se prolongea jusqu’'en 1442. Alors intervint entre le chapitre et Juppleu un nouvel arrangement qui tint compte des malheurs survenus.
La seigneurie, avec les droits y attachés, fut rendue à l'ancien seigneur. .Celui-ci abandonna au chapitre les biens de Freeren, Wihongne, Nederheim, etc., que son aïeul Guillaume de Bolland avait donnés comme « contrepans » de la rente de 115 muids. D'autre part — « pour cause des guerres dernièrement faites entre les pays de Liège et de Namur, par lesquelles la dite hauteur et les biens d'icelle étaient grandement amoindris » -l'import de cette rente fut réduit à 40 muids d'épeautre, payables en argent, au cours du marché de Huy. L'accord étant établi sur ces clauses, le maire et les tenants jurés de la Cour du chapitre se réunirent le 28 mai et, devant eux, le doyen et deux des plus anciens chanoines firent le geste, « par une main et un fétu », de transférer la seigneurie de Gesves à Jean de Juppleu, étant entendu au surplus qu'on n'y pourrait appliquer que la loi de Liège.
Dans les années qui suivirent le désastre de 1430, l'appauvrissement du seigneur de Gesves se manifeste par divers actes, ainsi que l'aide que lui prête l'abbaye de Grandpré. En 1442, Juppleu vend à Grandpré la rente de 14 muids qu'il avait sur la terre de Hoyoul La même année, il grève d'une rente de 11 muids sa ferme de Spasse, mais en contrepartie d'une cession de terres que lui consent Grandpré. Durant la seconde moitié du siècle, la gêne ayant disparu, le domaine seigneurial réalisa de nouveaux progrès, auxquels fut associé le fils du vieux seigneur, Philippe de Juppleu.
Né du mariage de Jean-Burequin avec Catherine de Namur, Philippe, encore mineur en 1440, fut émancipé le 12 mars de cette année. Dès le 12 avril suivant, il opérait un retrait lignager sur la seigneurie de Libines, que son père avait laissé saisir. Avant 1452, il fut créé chevalier, honneur qui manqua toujours à Jean-Burequin. Marié avec Jeanne Lorfèvre, fille de Jean, chancelier de Brabant, et de Gille des Canges , le décès de sa mère (vers 1461) et le grand âge de son père l'amenèrent à intervenir dans la plupart des actes relatifs à la terre de Gesvesi Dans la période troublée de 1465 à 1467, c'est à Philippe que furent payées les indemnités pour l'entretien d'une garnison de 16 compagnons de guerre qui renforcèrent le guet du château en prévision d'une attaque des Liégeois ; ensuite pour les bestiaux qui furent pris à Gesves par les gens de Namur au retour d'une expédition à Ciney ; L’année même du sac de Dinant (1466), nous voyons le seigneur de Gesves et son fils faire compte avec l'abbé de Grandpré des rentes qu'ils se devaient réciproquement, et les premiers faire donation à Grandpré du solde que ce compte faisait ressortir en leur faveur.
A cette époque, les revenus de la terre de Gesves s'accrurent surtout par des constitutions de rentes. L'arrentement pouvait se pratiquer de deux manières : ou bien le seigneur cédait une terre sous condition de lui servir une redevance annuelle, faute de quoi il avait droit de saisir le bien ainsi constitué en lansage ; ou bien il plaçait un capital en rente hypothéquée sur un bien-fonds. Ainsi, en 1470, fut concédé en accense héritable le moulin de Hoyoul, qui précédemment faisait l'objet d'une simple location. Vers le même temps fut constituée, sur la terre de Houte, appartenant à la famille de ce nom, une rente de 10 muids. Lorsque Philippe devint seigneur de Gesves, il développa le système de l'arrentement à tel point que peu de terres échappèrent à son emprise.
Au cours de cette même période, rentrèrent dans le domaine seigneurial deux propriétés qui en avaient été longtemps séparées, savoir le domaine que Jean Bonnant avait hérité de son beau-père Henri de Gesves, et l'antique « maison de pierre » voisine de l'église.
Au premier Jean Bonnant, marié en 1381, succéda son fils nommé aussi Jean, qu'on trouve encore à Gesves en 1438 exploitant ses terres et en prenant d'autres en location. En 1464, un troisième Jean Bonnant, chanoine de Hannisberg (sic) avait encore des biens à Spasse ; mais en 1477 ceux-ci avaient changé de mains. On peut conjecturer que les propriétés importantes possédées par les Bonnant à Gesves même, notamment la grosse ferme voisine du château, furent alors acquises par Philippe de Juppleu et que fut ainsi reconstitué, après cent ans, le domaine de Julienne de Gesves.
Quant à la maison de pierre, elle était tenue vers 1410 par Jean fils, d’Hubert de Pré. L'époque où elle entra dans le domaine seigneurial ne peut être précisée; nous savons seulement que Jean de Berlaymont, seigneur de Gesves, petit-fils de Philippe de Juppleu, possédait en 1527 la « cour maison, grange et stablerie que l'on dit de pierre» avec un lot considérable de terres.
Ces derniers accroissements du domaine seigneurial sont probablement postérieurs à la mort de Jean-Bureau de Juppleu, qui termina sa longue existence dans les premiers jours de 1474. Il laissait, outre Philippe, une fille nommée Yolande qui s'était mariée avant 1445 avec Jean de Longchamp, seigneur de Fernelmont et l'chevalier. Son testament, fait devant le curé de Notre-Dame de Namur et le notaire Jean de Bivorden, fut approuvé par les échevins de Namur le 5 février 1474.
Philippe de Juppleu, devenu seigneur de gesves, maria sa fille aînée Josette avec jena de Berlaymont de Floyon, le 6 mai 1477 . Issu de la plus ancienne noblesse du Hainaut, fils de Gui de Berlaymont seigneur de Floyon et d'Agnès de Warnant d'Outremont, grand bailli de Hesbaye, seigneur de Hautepenne et d'En£is, c'était un gendre digne des Bolland et des Juppleu. De ce mariage procède toute la succession des seigneurs de Gesves durant le XVIe siècle.
Nous trouvons Philippe de Juppleu en 1495 parmi les gentilshommes qui assistèrent à l'inauguration de Philippe-le-Beau comme comte de Namur .
Son décès advint à la fin de l'année 1505 et fut suivi d'un procès entre sa veuve, d'une part, son gendre el son petit-fils Jean de Berlaymont de l'autre. La veuve obtint une sentence du Conseil provincial de Namur, qui lui allouait par provision une rente de cent muid d'épeautre.
Et ainsi finit à Gesves la dynastie des Juppleu, qui avait tenu la seigneurie durant cent et vingt ans (1386 1505).