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CHAPITRE  IV

Le domaine de l'abbaye de Grandpré
Lorsque furent érigées les chapelles de Sorée et de Wallay sur le territoire de la paroisse primitive de Gesves, l'église-mère conserva dans son ressort, non seulement le domaine proprement dit de Gesves, mais une partie du domaine de Borsu, lequel avait son centre sur le chemin antique de Lustin à Huy et, dans sa partie nord, était parcouru par le Sozon : d'où la dénomination Borcidum super fluvio Solcione.

CHAPITRE  IV

Le domaine de l'abbaye de Grandpré
Lorsque furent érigées les chapelles de Sorée et de Wallay sur le territoire de la paroisse primitive de Gesves, l'église-mère conserva dans son ressort, non seulement le domaine proprement dit de Gesves, mais une partie du domaine de Borsu, lequel avait son centre sur le chemin antique de Lustin à Huy et, dans sa partie nord, était parcouru par le Sozon : d'où la dénomination Borcidum super fluvio Solcione. L'empereur Lothaire, fils de Louis le Débonnaire, octroya Borsu à son fidèle Hadinge; et celui-ci, en l'année 851, en donna quatre manses à l'abbaye de Prum ({jtips}1 Document I|1{/jtips}). A première vue, cet acte peut étonner, vu l’éloignement de l'abbaye donataire. Mais il s'explique par la prédilection de l'empereur pour la maison bénédictine fondée en 721 par une aïeule de sa race. C'est là que, bien peu de temps après la donation qui nous occupe, le petit-fils de Charlemagne ira prendre l'habit religieux, mourir et reposer en paix. (855).Ici, quelles furent les conséquences de cette donation ? L'abbaye de Prüm fit cultiver ses terres et en accrut l'étendue par des défrichements, comme fit plus tard à Gesves le monastère de Saint-Vanne de Verdun. Des constructions s'élevèrent au bord de la route et formè¬rent le hameau de Spasse, d'où rayonna le travail agri¬cole. Le domaine exploité par l'abbaye — quatre manses n l'origine, soit une cinquantaine de bonniers - - fut plus que doublé ({jtips}2)D'après le relevé des cens en sous et deniers liégeois perçus par l'abbaye de Grandpré, à raison de 4 deniers par Bonnier,  il y avait, dans le ressort de la Cour de Spinoit,  117 bonniers grevés de  tels cens, qui en révèlent l'origine AE Namur Abbaye de Grandpré, n 15,  f° 22 v°|2{/jtips}), et de petites tenures, chargées de redevances  en  nature,  avoine,    épeautre,    poules,   s'y ajoutèrent ({jtips}3 même  source, Ces  tenures  furent groupées dans  le  hameau de Brionsart|3{/jtips}).

Le moment vint cependant où, suivant une évolution générale, l'abbaye de Prüm remit à cens ses terres de Borsu, comme fit à Gesves le monastère de Saint-Vanne. Mais si, à Gesves, un ensemble de faits concourt à démontrer que le concessionnaire fut l'avoué du cha¬pitre de Huy, représentant laïc du seigneur tréfoncier, nous ne trouvons pas à Borsu les mêmes éléments de preuve.
Une chose est cependant certaine, c'est que l'avouerie s'étendait à tout le territoire paroissial. Le fait est expressément consigné dans la charte de Jean de Bohême qui confère à Evrard de Bolland « l'avouerie et la seigneurie si avant que la paroisse et le dîmage s'étend  (
{jtips}4 Document XIX|4{/jtips}). Ainsi l'avaient possédée les comtes de Luxem¬bourg prédécesseurs de Jean, comme dit encore le texte de 1326. Et l'on peut conclure : ainsi l'avait acquise l'auteur de ceux-ci, Waleran de Limbourg; ainsi la possédaient avant lui les avoués de Notre-Dame de Huy et dernièrement Robert de Gesves; et la conclusion finale est que l'alleu de Gesves, tel qu'il fut vendu en 1091, comprenait l'annexe empruntée à l'ancien domaine de Borsu et dont l'étendue correspond au quart de la commune actuelle. Présomption confirmée par le fait qu'un répertoire des chartes relatives à Gesves qui se trouvaient transcrites dans les trois registres du cartulaire de Notre-Dame de Huy, ne cite pas un acte par lequel aurait été acquise, séparément, cette portion du domaine ({jtips}5 AE Liège Collégiale de Huy, n° 2, répertoire f° 4|5{/jtips}). Il paraît indubitable que les avoués eurent dans cette partie, les mêmes pouvoirs que sur le terri¬toire proprement dit de Gesves.

Mais pour déterminer leur action, nous sommes insuffisamment documentés. Nous ignorons l'époque où l'abbaye de Prüm remit ses terres à cens, à qui elle les remit et la suite des muta¬tions et des partages qui fixèrent le sort de ces propriétés (6).
Il faut arriver au XIIIe siècle pour voir la brume se dissiper; et alors que constatons-nous ? Que le système féodal s'est superposé à l'état de choses préexistant; que les cens en sous et deniers liégeois primitivement stipulés par l'abbaye de Prüm ont fait l'objet d'inféodations au profit de quelques nobles.
Arnold de Beaufort avait constitué un fief de 25 sous de cens sur Spasse, qu'il avait donné à tenir de lui au chevalier Thomas de Hambroux ({jtips}7 AE Namur Cartulaire  de  l'abbaye  de  Grandpré,  1°  50|7{/jtips}).

Notons que ce Beaufort était le chef de la famille des châtelains de Huy, distincte mais parente de celle des avoués. Un autre noble nommé Warnier -- notre Warnier du Cellier probablement - - tenait en fief des cens, rentes et mansionnaires à Spasse ({jtips}8 Document XIV et p 180 ci-dessus|8{/jtips}).
Enfin, hors le territoire mais à la limite de Gesves, l'abbé de Villers tenait de Jacques de Wallay un fief de 12 bonniers et de 12 sous liégeois de rente à Borsu ({jtips}9 Cartulaire de Grandpré, f° 16 ASAM, t XXXIII, p 282|9{/jtips}).

Ces faits montrent que, par dessus les relations d'ordre domanial créées par l'abbaye de Prüm, un nouveau droit s'était érigé. Ajoutons que la pro¬priété allodiale se manifeste aussi dans ce secteur, ce qui suppose un mode d'occupation indépendant des baux à cens de l'abbaye de Prüm ({jtips}10 V Ci-après,chap VII|10{/jtips}).

{jtips}6 Ces terres furent très morcelées Ainsi une parcelle d'un bonnier et demi appellée la terre Kaboche, appartenait, en  1430,  à quatre  beaux-frères Jacques de Parfonrieu, Renekin de Stenbier, Jean dit Hustin l'Outremont et Gilles de Froidebise, héritiers d'Aghis Bonvarlet, de Huy (ACG)|6{/jtips}

Mais voici le fait capital qui va orienter pour cinq siècles, la destinée de ces lieux.
On peut constater, par les relevés des cens en mon¬naie, que les terres mises en culture par le monastère de Prüm en cette région formaient deux groupes axés sur les deux voies importantes qui passaient à Borsu, celle de Lustin à Huy et celle de Huy à Binant. Entre les deux, une assez grande étendue restait encore, à la fin du XIIe siècle, dans l'état forestier primitif. Or, à cette époque, l'abbaye brabançonne de Villers était re¬nommée pour son ardeur aux entreprises agricoles. Elle venait d'élire un chef éminent, l'abbé Charles (1197). Suivant un texte d'une regrettable imprécision, un noble ami de l'abbé lui aurait donné des propriétés sur la rive droite de la Meuse, notamment à Borsu ({jtips}11 E DE  MOREAU,  L'abbaye de  Villers,  p 203|11{/jtips}). Quel était ce noble ami, qui pouvait disposer d'une partie du domaine de la collégiale de Huy ? Vraisem¬blablement un avoué, un prédécesseur de Robert de Gesves : ainsi plus tard Robert lui-même donnera les alleux de Florée à l'abbaye de Grandpré, fille et héri¬tière de Villers ({jtips}12 Au sujet des rapports entre Huy et l'abbaye de Villers, le mystique Abond de Huy, qui prit l'habit à Villers sous l'abbé Charles, donc avant 1209,   dut   exercer   une   grande   influence|12{/jtips}).

Suivant leur méthode bien connue, les moines de Villers organisèrent à Borsu une grange gérée par un frère convers — le maître de la grange, — défrichèrent la zone boisée qui subsistait et constituèrent un en¬semble de cultures qui demeure aujourd'hui encore l'un des plus importants de la région.
L'acquisition par l'abbaye de Villers, de plusieurs pro¬priétés dans ces parages allait avoir pour conclusion l'établissement d'un centre cistercien en plein Rendarche. Sous l'abbatiat de Guillaume de Bruxelles, les héritiers de Philippe de Courtenay se mirent en devoir d'exécuter les dernières volontés de ce prince, qui tendaient à l'érection d'un nouveau monastère dans le comté de Namur ({jtips}13 E DE MOREAU, op cit p 61|13{/jtips}). L'abbé Guillaume se trouva tout disposé à réaliser ce pieux projet; en septembre 1229, il acquit du chapitre de Huy une terre dite Aulnoit, aux confins de Gesves ({jtips}14 AE Namur Cartul Grandpré, f° 49|14{/jtips}) ; c'est là que s'élèvera l'abbaye. Et le jour de l'Assomption 1231, celle-ci fut inaugurée et placée sous le patronage de Notre-Dame. Douze moines, sous la conduite de leur abbé, s'étaient dirigés de Villers vers la forêt de Rendarche; à Namur le clergé et tout un peuple vint à leur rencontre et les escorta. Tout de suite, des donations vinrent
arrondir le patrimoine dont Villers avait doté sa fille et qui comprenait en première ligne la grange de Borsu. En 1234, Arnold de Beaufort approuve le don fait par son vassal des 25 sous liégeois de cens mentionnés ci-dessus ; en 1236 et 1238, Robert de Gesves et ses enfants donnent à la nouvelle abbaye leurs alleux de Florée ({jtips}15 Documents IX et XI|15{/jtips}); en 1256, Guillaume, héritier féodal de Warnier, lui cède les droits qu'il avait sur Spasse ({jtips}16 Documents  XIV|16{/jtips}), ce qui acheva de rendre l'abbé de Grandpré maître et seigneur de la partie orientale de Gesves. En 1241 et 1283, il acquit d'abord quelques cens, puis toute la seigneurie constituée sur le plateau de Spinoit en face de l'église de Gesves ({jtips}17 AE Namur Cartul Grandpré,  f°  54,  et  Document XV|17{/jtips}) ; et, chose curieuse, c'est cette minuscule possession qui donna son nom à la cour domaniale dont releva l'ensemble des biens de Grandpré à Gesves. En 1365 et 1369, des actes émanent de la « haute cour de l'église Notre-Dame de Grandpré qu'on dit de Spinoit sur le Rendarche » ou encore « de Spinoit ou des convers jugeant à Spasse» ({jtips}18 ACG |18{/jtips}). Cette juridiction, distincte de la haute cour de Gesves, subsistera jusqu'au XVIII* siècle; elle n'avait pas la haute justice, mais une compé¬tence domaniale.

Le dernier accroissement territorial de la seigneurie de Grandpré fut le fief de Francesse. Au sud de Borsu, au bord de la route de Dinant, s'étendait une terre franche dominée par une construction féodale ({jtips}19 Le mesurage général de Gesves, exécuté en 1686, relève à Francesse la  sasure (?) du  vieux  château AGG|19{/jtips}). En¬droit fort anciennement occupé, on y a découvert un cimetière franc ({jtips}20 ASAN,  t XIII,p324|20{/jtips}). Il était relevé de l'importante cour féodale de Centfontaines, et le fut en 1334 par Carbon d'On, allié à la famille de Denville ({jtips}21 Mélanges De Eorman, p  441, article du chanoine Roland  Copie du relief dans ACG|21{/jtips}). Entre cette date et 1365, Grandpré en fit l'acquisition et augmenta ainsi son domaine féodal d'une centaine de bonniers.

Ainsi constituée par le groupement de la grange de Borsu, des seigneuries de Spasse et de Spinoit et du fief de Francesse, le domaine féodal de Grandpré subsistera, sous le nom de seigneurie de Spinoit, jusqu'au XVIIP siècle, époque où la seigneurie de Gesves l'absor¬bera ({jtips}22 Cf Planche V|22{/jtips}).

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