Accueil  //  >> Au fil de l'eau  //  >> A travers l'histoire  //  >> M.Houtart : Gesves  //  >> L'agriculture et l'industrie - CHAPITRE XIII

On sait que le territoire de Gesves, au début du XIe siècle, était entièrement couvert de bois, à l'exception d'une petite clairière de trente à quarante hectares, qui s'étendait autour de l'église et en-dessous, d'ans la vallée. Deux siècles plus tard, l'agriculture en avait conquis un tiers environ.



On sait que le territoire de Gesves, au début du XIe siècle, était entièrement couvert de bois, à l'exception d'une petite clairière de trente à quarante hectares, qui s'étendait autour de l'église et en-dessous, d'ans la vallée. Deux siècles plus tard, l'agriculture en avait conquis un tiers environ. Comme nous l'avons exposé dans la première partie de cette étude, c'est seulement pour le domaine proprement dit de Gesves, Gengeavia, que les étapes du défrichement peuvent être déterminées. Quant aux sections de Spasse et de Borsu, elles étaient mises en culture dès le XIIIe siècle.
Les bois qui subsistèrent après les défrichements opérés par le monastère de Saint-Vanne et par les avoués de Huy, appartenaient, quant à la propriété du fond, au seigneur du domaine, d'abord au comte Herman de Verdun et à ses héritiers, ensuite à la collégiale Notre-Dame de Huy. Mais la population, libre et servile, en avait l'usufruit, sauf la réserve du seigneur. Ce droit d'usage, la croyance populaire le fit dériver d'une charte de concession ; dans les nombreux procès que susciteront les abus commis dans les bois, on entendra soutenir que la population de Gesves le tenait d'un octroi de Jean de Bohême (1). Erreur manifeste. Une charte donnée en 1251 par Elisabeth de Bar, dame de Poilvache, établit que les manants de Gesves étaient dès lors usagers des bois et augmente d'étendue sur laquelle ils exerçaient leurs droits. Cette extension eut, pour contrepartie, un cens d'un denier tournois qui s'ajoutait au cens de servage payé le jour de l'an (cum alto censu servagii) (2). Ce dernier, les hommes libres aussi devaient le payer, comme on le constate par l'inscription des gens de lignage pour cette seule redevance.
De document antérieur à la charte de 1251, il n'en est point; l'usage des bois, se fondait sur une coutume im¬mémoriale et générale, que le droit écrit formula peu à peu (3).
L'abus naquit sans doute en même temps que le droit. Nous possédons à ce sujet le témoignage des voisins interrogés en 1298 sur l'état des bois de Gesves, lorsque les chanoines de Huy décidèrent de les vendre au comte Henri de Luxembourg. La population riveraine avait pris des habitudes de pillage, que les agents du comte eurent pour consigne de tolérer dans le dessein d'amener les chanoines à vendre leur propriété à vil prix (4). Ces habitudes, une fois acquises, persistèrent sous les nou¬veaux propriétaires; les documents du XVIe siècle en révèlent les conséquences. Fait général d'ailleurs; c'est pourquoi, en 1536, Charles-Quint fit publier une ordon¬nance à l'usage du comté de Namur, interdisant les pro¬cédés qui compromettaient la conservation des forêts. Défense de faire paître chevaux, bœufs, vaches, chèvres ou autres bestiaux dans les tailles de moins de sept ans ; défense de transporter ou vendre des grumes sans en déclarer la provenance (5).

A Gesves, les premières mesures sérieuses pour arrêter le pillage de la forêt communale furent prises par Erard de Seraing, seigneur du lieu, en 1551. Aidé du curé Jean Anseau, qui tenait les comptes de la seigneurie avec une précision inconnue jusqu'alors, il s'efforça de remédier au désordre qu'avaient favorisé les contestations relatives à la succession de Jean de Berlaymont. Le 8 janvier 1554, ayant assemblé les manants, il leur exposa qu'il se commettait tant d'abus dans le bois communal, qu'il était urgent d'y mettre un terme pour éviter une ruine complète. D'accord avec lui, l'assemblée décida que les gens nouvellement établis à Gesves ne pourraient abat¬tre des arbres du domaine communal avant le terme d'une année de résidence. Après quoi, s'ils voulaient en obtenir, ils prêteraient serment d'employer le bois à la construction d'une habitation, d'y résider toute leur vie et de ne réaliser, par cette construction, aucun béné¬fice commercial. En effet, on constatait que les ressour¬ces, destinées à fournir des matériaux de construction à une population stable, étaient exploitées par des spécu¬lateurs qui revendaient les arbres abattus ou les cons¬tructions édifiées (6).
Cette première mesure ne suffit pas, la population refusant de s'interdire les sartages aux lisières du Grand-Bois et dans les petits bois (7). A en croire certains documents, c'est à l'époque des troubles religieux (1566) que les abus se multiplièrent. Il semble que le vent d'anarchie soulevé alors répandit l'indiscipline et le dés¬ordre même au fond des campagnes. La dévastation des communaux, qui prit alors une redoutable extension, fut l'œuvre, d'une part, de la classe pauvre qui réduisait en sarts des portions toujours plus étendues de la forêt, d'autre part, des privilégiés, propriétaires et grands fermiers, qui pratiquaient, sous divers prétextes, des abattages ruineux.
Le problème ne  cessa plus  dès lors  d'être  débattu.
Le 28 janvier 1571, le seigneur — c'était encore Erard de Seraing -- ayant assigné les manants à comparaître devant sa justice, leur fit défendre d'essarter les bois communaux et d'y abattre des chênes. Protestation des manants qui déclarèrent vouloir user des communaux comme avaient fait leurs prédécesseurs. Quatre arbitres furent désignés par chaque partie pour rechercher un compromis. Les manants firent valoir la grande pau¬vreté et nécessité d'une partie de la population et demandèrent qu'il fut permis aux pauvres travaillant de leurs mains d'essarter un journal de terre dans les petits bois communaux et de l'emblaver deux fois. D'autre part ils reconnurent que l'abattage des chênes et des hêtres devait être interdit aussi longtemps qu'il faudrait pour réparer le dommage constaté et admirent que le propriétaire ayant besoin de bois pour réparer sa demeure doive s'adresser à la justice, qui aviserait.
De ces palabres sortit un règlement, que le sei¬gneur promulgua et que l'assemblée communale approuva le 28 octobre 1573. En voici les princi¬pales dispositions :
La commune aura un marteau enfermé dans une custode à deux serrures, dont les clés seront gardées par deux des plus notables manants désignés par les maïeur et échevins. Ces deux notables seront assermen¬tés et chargés de marquer les arbres nécessaires à l'usage' des habitants. Lorsqu'on leur demandera du bois pour construire ou réparer une maison, ils auront soin de ne donner que le nécessaire. S'il s'agit d'une construc¬tion nouvelle, il faudra qu'elle soit destinée à un habitant de Gesves, pour son propre usage ou celui des siens.
Les coupes de bois de chauffage seront réglées; le seigneur aura un part double de celle du principal cen-sier, les censiers ou laboureurs, le double d'un man-ouvrier et les veuves, la moitié.
Doivent être ainsi réglés le Grand-Bois, les bois de Huy, Hez, Chauhez et le fond de Pourin.
Chaque manant devra livrer, sur sa part, deux tiges de chêne (ou de hêtre à défaut de chêne) par verge; on ne peut abattre les pommiers, poiriers et ce mespliers ».
On ne peut faire paître les bestiaux que dans les tailles âgées de quatre ans au moins, excepté dans le fond de Pourin.

Et afin de donner courage et moyen de vivre aux pauvres, sont exceptées des règles ci-dessus formulées les lisières du Grand-Bois suivant les bornes placées anté¬rieurement, Lornoy, Beronsart, Bableuse, les ternes (8) de Pourin, Bosimont, Fagne, Sierpont et Champia. Dans toutes ces parties, chaque manant pourra essarter un demi-journal de terre pour s'y prendre une récolte, et recommencer l'opération l'année suivante sur la terre voisine du premier sart. Les habitants d'un même hameau cultiveront des terrains contigus, qui seront partagés entre eux par tirage au sort, sous la direction des commissaires mentionnés plus haut (9).

A l'appui de ce règlement, et en attendant qu'il fut approuvé par le Roi, le Conseil provincial interdit les abattages qui n'étaient pas autorisés par le seigneur et la justice locale. Et lorsque, à la mort d'Erard de Seraing, la seigneurie fut placée quelque temps sous séquestre à raison des compétitions successorales, les seigneurs de Sorée et de Skeuvre, chargés de la gérer, publièrent une « lettre de commandement » sur le même sujet (10).
Au demeurant, le mal étant général et favorisé par un continuel état de guerre, les autorités supérieures ten¬tèrent de l'endiguer; mais c'était toujours à recommen¬cer. Un placard parut en 1600, au nom des archiducs Albert et Isabelle, contenant une ordonnance relative aux bois communaux du comté de Namur et aux « gran¬des foules, désordres et abus » qui s'y commettaient au détriment des générations futures. Elle prescrivait au procureur-général et au fiscal des bois de poursuivre les délinquants et exigeait le mesurage et le bornage des bois communaux.
A Namur, une juridiction spéciale, le Bailliage des bois, connaissait des contraventions : en 1607, le pro¬cureur fiscal attaché à cette juridiction intenta un procès au seigneur et aux habitants de Gesves, du chef d'in¬fractions au règlement forestier, notamment pour avoir vendu quantité d'arbres de haute futaie et même des par¬celles du fond. Une sentence du 21 février 1608 leur imposa 120 florins d'amende; on en appela au Conseil provincial, juridiction supérieure.
Après une longue procédure, le seigneur, Antoine de Marneffe, promulgua un nouveau règlement (27 octo¬bre 1617). L'année suivante, comme il se plaignait que les manants se livraient à des coupes et des sartages dés¬ordonnés, le Conseil provincial prescrivit une nouvelle délimitation des communaux et un règlement des coupes (10 octobre 1618). On avait d'ailleurs constaté que, en dépit des ordonnances et sentences, les communaux n'avaient été ni bornés ni réglés ; en quelques années, les manants réduisirent en bruyères plus de 500 bonniers et coupèrent plus de 2.000 chênes.
De 1615 à 1617, on abattit 101 chênes d'une valeur moyenne de 20 florins, dont 80 restèrent sur place ; on en laissait pourrir depuis dix, quinze et vingt ans. La commune fut encore condamnée à 60 florins d'amende le 17 février 1620(11).
Durant la période où le fléau de la guerre, les inva¬sions des terribles Lorrains, la fuite de beaucoup d'habi¬tants, la ruine des seigneurs désolèrent le village, rien ne fut tenté pour la sauvegarde des bois. En 1644, le procureur fiscal revint à la charge, et le seigneur de Gesves, qui était alors Louis Verreycken, secrétaire d'Etat, fit cause commune avec l'autorité contre la popu¬lation. Il interdit tous abattages et tous sartages.

Les manants, pour leur excuse, attaquèrent la gestion du chevalier de Fumai, mandataire du seigneur. C'est lui qui détient le marteau prescrit par le règlement de 1573; il ne le prête qu'en cachette, à qui lui plait, excluant ceux auxquels il porte envie et rancune, spécialement ceux qui défende les droits des manants et s'opposent à des prétentions excessives. Fumai n'a-t-il pas revendiqué pour le seigneur 1.500 chênes et l'usage de 500 bonniers ? (12). Les locataires du seigneur — des étrangers ! - - prennent des arbres sans même les mar¬quer et les propriétaires n'en obtiennent pas pour la réfection de leurs habitations. Le meunier, autre favori de Fumai, a fait abattre dix gros chênes sans marque et couper cinq bonniers de taillis. Pour le château et ses dépendances, on gaspille le bois et on abat sans compter ; et ce sont les fermiers du château, Douflamme et Legrand, maïeurs tous deux, qui ont commis les plus grands abus. Les manants concluaient qu'il fallait s'en prendre aux auteurs des délits plutôt qu'à l'ensemble de la population.
Le Conseil provincial envoya sur place un de ses membres, le conseiller Jean Thomaz, aux fins d'enquête. Et cela nous vaut une description précise de ce qui restait de la forêt communale en 1646 (13). A Cierpont, Champia, Fagne, rien que des broussailles. Le bois del Hez et la haie aux conins ont de bonnes plantes de chêaes et de bouleaux, que compromet le pâturage du bétail. A Pourin il n'y a que des genêts et pas d'espoir d'y -rien faire repousser, parce que les habitants y font des sarts et y mettent leurs bêtes en pâture, ce suffoquant par "tels abus les plantes»; A Bableuse, mêmes causes de destruction. A Bosimont, rien que des broussailles, épines et genêts, à cause des sartages et du bétail ; de même à Béronsart, où il y a douze à quinze bonniers d'anciens bois. Sur Huy, où jadis s'étendaient trois cents bonniers de forêt, il n'y a plus que des genêts et des buissons d'épines, là où l'on voyait autrefois de la haute futaie : destruction qui est l'œuvre de la population. Sur le versant du midi seulement, on trouve quelques chênes, hêtres et coudriers, que les manants ne laisseront pas croître. Aux Forges, le petit bois de Ladrie est anéanti par les mêmes causes. Quant au bois de Saint-Martin, les Gesvois prétendent y avoir des droits, mais le seigneur d'Assesse les conteste ; ce bois est d'ailleurs fort gâté par le pâturage et rempli de genêts. Le terne au-dessus des Forges est réduit en trieux.
Enfin, au Grand Bois, le procureur fiscal s'indigne d'une exploitation aussi désordonnée. Il y a de beaux arbres et de très beaux taillis ; mais les manants abattent à leur fantaisie, par ci, par là, sans aménagement. Après le Grand Bois, vers- Brionsart, c'est un vaste espace de bruyères et de genêts, où les sartages ont anéanti le bois.
Toutes les classes de la population concouraient à la destruction, chacune à sa manière. Les propriétaires et fermiers,,qui disposaient de moyens de transport, s'en prenaient à la futaie; les petites gens, auxquels man¬quait la terre,• essartaient ; les uns et les autres lâchaient leur bétail sur les communaux (14).
En 1649, le procureur fiscal' se plaignait que les règle¬ments n'avaient jamais été observés ; que pour leur chauffage, les habitants prenaient du bois où bon leur semblait; qu'on abattait des arbres pour les constructions sans autorisation ; que les sartages se faisaient sans ordre ; que les bêtes à cornes paissaient dans les jeunes taillis qu'elles ruinaient.
Il est vrai que Verreycken poursuivait sa tentative de conservation. En 1646, il avait proposé un ensemble de mesures telles que l'annulation des ventes de parcelles du fonds communal et l'interdiction d'abattre des chênes pour de nouvelles constructions.
Mais en même temps il revendiquait un tiers de la propriété communale -- qu'il évaluait à 1.800 bonniers (15) — et mille chênes pour reconstruire la basse-cour du château, réparer les autres fermes et le château lui-même.
Une sentence du 21 octobre 1649 prescrivit de nou¬veau le mesurage des communaux, le classement des tailles et la poursuite des particuliers incriminés ; elle interdit d'essarter et d'abattre des arbres de haute futaie sans autorisation de la justice locale. Tel est le dernier épisode d'une procédure qui se prolongea durant cent ans.
Dans les temps qui suivirent et connurent moins de causes de désordre, le règlement fut observé (16).
Trois commis étaient élus, chaque année, aux plaids généraux des Rois. Le marteau portant pour marque la lettre G était enfermé dans un étui à deux serrures que l'un des commis gardait, les deux autres détenant chacun une des clés. On ne pouvait couper que des arbres marqués par les trois commis ensemble. Les abattages ne se faisaient qu'en mars et en octobre; on les annon¬çait par affiches au portail de l'église. Ceux qui se trou¬vaient dans la nécessité de bâtir ou de reconstruire, devaient remettre un état, certifié par un maître-char¬pentier, des bois qui leur étaient nécessaires. Défense était -faite de prendre des arbres de la forêt communale pour des maisons à vendre ou à louer, ou pour des em-bellisSements et obligation d'employer les arbres dans un délai de trois ans à dater du marquage. Les bâtiments devaient être en pierre ou en briques. Un compte-rendu des opérations de marquage faites par les commissaires en 1719 expose 76 cas où des habitants obtinrent, pour divers travaux, des arbres de la forêt communale (17).
Quant au pâturage, il n'était pas permis de laisser paître des chevaux, poulains, bœufs ou vaches dans les tailles de moins de neuf ans. Les bêtes à laine et les chèvres n'étaient pas admises dans le bois communal.
Enfin, les sorts. Chaque année, les commis mettaient à la disposition des manants qui le demandaient, un demi-journal à sarter dans les terrains communaux.
Nous verrons plus loin comment, en 1779, une portion importante de l'ancienne forêt communale fut partagée entre les habitants.

Les défrichements qui s'opérèrent du XIe au XIIIe siècles, dans le domaine de Gesves ainsi qu'à Spasse et Borsu, ouvrirent ces territoires à la grande culture. Plus tard, les sartages ou les cessions de menues parcel¬les du sol donnèrent naissance aux petites exploitations.
Au début du XVIe siècle, les unités agricoles de quel¬que importance, qui requéraient l'emploi de la charrue (18) et qu'on appelait « charruages », tandis que leurs exploitants étaient classés « laboureurs », ces unités pou¬vaient être possédées à trois titres différents. Au titre de propriétaire : tel le charruage de Houte, transmis de père en fils depuis le XIIIe siècle et primitivement déta¬ché du domaine des avoués. Au titre de « teneur en lan-sage », quasi-propriétaire, dont le droit était subordonné au paiement d'une rente annuelle : les exemples en étaient nombreux; citons notamment la censé de Hoyoux, celle des Warnant à Spasse et la vieille censé de Pierre, que Jean de Berlaymont céda sous cette forme à Jean Le Damseau. Troisième titre enfin, celui de loca¬taire ou fermier : le cas typique était celui de la basse-cour ou ferme du château.
Dans les charruages, le sol cultivé était divisé en trois parts ou saisons : celle des blancs grains (épeautre, fro¬ment et seigle), celle des marsages (avoine), et celle de ce gissier » ou « jachère », outre les prairies et les trieux.
Le plus ancien bail conservé dans les archives du château est daté de 1580 et relatif à une ferme dite d'Arieux (19), à laquelle le terrier de 1602-1603 attribue l'importance d'une charrue, et qui fut englobée plus tard dans la ferme du château. C'est un contrat de métayage conclu pour neuf ans, avec faculté de rési¬liation à la fin de chaque période de trois ans. Le bail stipule quelques obligations spéciales. Ainsi le fermier devra, chaque année, transporter à Huy vingt muids d'épeautre, c'est-à-dire la moitié de la redevance due par le seigneur de Gesves au chapitre de cette ville. Il devra aussi charrier 250 gerbes d'épeautre et cent gerbes d'avoine pour la dîme. Il est tenu de nourrir, au profit du seigneur propriétaire, deux bêtes à cornes et deux porcs, et de recevoir 38 bêtes à laine dont les pro¬duits se partageront par moitié. Ses chevaux pourront paître dans le bois du seigneur. A son entrée, celui-ci lui avancera soixante-dix florins en espèces, quatre muids d'épeautre, deux bœufs, une jument et son poulain avec leur harnachement ; enfin, 26 muids d'épeautre et 16 d'avoine ; toutes avances qui devront être exactement restituées.
Le 7 juillet 1644, Louis-François Verreycken, baron de Bonlez et seigneur de Gesves, octroya à Jean Le-grand le bail du « château, censé, prés, terre, pâtu¬rages, jardins, etc., en dépendant » pour une durée de neuf années (20). Le loyer fut fixé à huit florins par bonnier, sous déduction de la superficie des chemins et de six bonniers dont le fermier disposait gratuitement.
En 1650, le même seigneur mit en adjudication publi¬que cette même ferme du château, qui contenait quatre charrues de labour, outre les jardins et prairies, avec « la demeure du château ». Nous voyons dans un projet d'affiche, qui devait être placardé dans les villages circon-voisins, les conditions du louage : durée de neuf ans avec faculté, pour les deux parties, de résilier tous les trois ans; fermage en argent, payable moitié à la Noël, moitié le premier mai; obligations diverses relatives à la culture et à l'entretien des bâtiments; obligation de recevoir le seigneur ou ses envoyés, chaque fois qu'ils voudront loger au château, et de les traiter pendant leur séjour; moyennant quoi le fermier jouira de la qualité de maïeur de la baronnie et bénéficiera des amendes à percevoir pour les délits, sauf les confiscations et « amen¬des de sang » ; obligation encore de transporter les filets de chasse quand il plaira au seigneur de faire chasser. Le fermier habitera donc le château ; il en occupera toutes les pièces, à l'exception de la « chambre de Monsieur », de la grande salle attenante et de deux chambres à l'étage. Il percevra les redevances exigées des manants qui y mettent des coffres en sûreté. L'adjudication portait sur le montant du fermage, pour lequel l'adju¬dicataire devra fournir bonne caution.
Dans la suite, le métayage fut substitué au fermage; on le constate par la plupart des baux conclus durant le XVIIIe siècle.
La location se fait à mi-fruits ; le bail est de trois, six. neuf ans. Le labour doit s'effectuer à quatre royes (21) pour les grains blancs, à une ou deux royes pour les marsages. Le bailleur et le fermier livrent chacun la moitié des semences et se partagent également la récolte ; les salaires des ouvriers se payent aussi en compte à demi.
Il fallait prévoir les impôts et les réquisitions. Le fermier paie les tailles et charges personnelles, mais les contributions de guerre doivent être partagées par moi¬tié. Quant aux réquisitions en nature, le fermier livre le foin, la paille et la moitié de l'avoine, le propriétaire, l'autre moitié.
Au XVIIIe siècle, les seigneurs résidant au château, le fermier y dispose d'une cave, d'une chambre et d'un grenier pour y mettre ses effets et ses grains.
Le troupeau de bêtes à laine appartient au maître et au fermier, moitié par moitié ; le fermier fournit la nourriture.
Le fermier peut faire paître ses chevaux dans les bois du seigneur, au mois d'octobre. Il a, dans sa basse-cour, trois écuries pour ses chevaux et bêtes à cornes, une étable à porcs et un poulailler.
Il doit charrier cinquante charretées de marne ou de chaux chaque année. L'achat du charbon et la cuisson de la chaux sont à charge du seigneur, de même que l'extraction de la marne. Le fermier doit payer trois journées d'ardoisier pour l'entretien des toitures de la basse-cour.
En 1763, reparut la stipulation du fermage en mon¬naie : 321 écus d'Espagne, ce qui équivaut à 1.500 francs de notre monnaie de 1914.
La censé de Pierre, qui était de trente bonniers par saison, fut louée, en 1649, pour les mêmes termes et conditions de fermage que la ferme du château. Mais en 1654, elle fut mise au régime du métayage. En 1669, on revint au fermage, qui fut réduit à 40 muids d'épeau-tre et 20 d'avoine. En 1673, retour au métayage. En 1701, la clause de la durée est modifiée en ce sens que le bail¬leur est tenu pour neuf ans ferme, tandis que le fermier pourra résilier au bout de trois ans. C'est ce qu'il fit ; mais son successeur accepta la réciprocité de la clause de résiliation. A partir de 1763, le fermage est fixé en monnaie, soit 180 écus d'Espagne (22). Le bail de cette année contient la clause que voici : « Et arrivant stéri¬lité, tempête ou ravage de gens de guerre », le fermier devra en donner avis au seigneur, aux fins d'expertise. Il n'y aura réduction du fermage que si la perte atteint le tiers de la récolte; alors le seigneur aura le choix entre la réduction et le partage par moitié du produit et des frais. Mais en 1781, on revient partiellement au partage des fruits : durant les trois premières années, partage par moitié des blancs-grains et fermage de cin¬quante écus pour les marsages et les prairies ; durant les six années suivantes, fermage global de deux cents écus. Le rendement de cette ferme comprenant 90 bonniers, fut, en 1663, de cent muids d'épeautre et de seigle, et de quarante-six muids d'avoine. Les années 1757-1761 produisirent, en grains blancs (épeautre, froment et seigle), 106, 94, 100, 74, 120 et 102 muids, en avoine, 10, 26, 22, 25 et demi et 32 muids.
Loin de se développer à Gesves durant les XVIe et XVIIe siècles, l'industrie ne fit que rétrograder; la métal¬lurgie notamment quitta le territoire à l'époque où, sur tant de points dans le comté de Namur, elle apportait la richesse. Encore active en 1477 (23), la forge tomba en chômage dans le courant du XVe siècle. Nous n'avons guère à considérer que la meunerie et la brasserie, mo¬nopoles seigneuriaux et grands sujets de chicanes.
Gesves n'avait qu'un moulin banal, le moulin de Hoyoux, reconstruit en 1432 pour desservir d'une part les manants de la seigneurie, qui avaient usé antérieure¬ment du moulin de Houte, d'autre part plusieurs loca¬lités du Rendarche. En 1472, Philippe de Juppleu, seigneur de Gesves, l'arrenta, suivant la formule en vogue à l'époque, au profit d'un homme de lignage nommé Jean Dubois, pour une redevance annuelle de 28 muids de mouture. Après que deux générations de Dubois se furent, transmis cet héritage quasi-féodal (24), les seigneurs se prirent à regretter l'aliénation d'un élément aussi essentiel du domaine seigneurial. Et tous les moyens leur furent bons pour dégoûter le pro¬priétaire du moulin et ses locataires.
C'est en 1550, au temps d'Adrien de Seraing, que commencèrent les hostilités. Jean Dubois, deuxième du nom et troisième meunier-propriétaire, avait loué le moulin à son gendre, Bastien de Tirteau. Or le seigneur, prenant texte de quelques racontars, accusa celui-ci de fraude, le poursuivit devant la justice locale et l'em¬prisonna au château. Procédé rigoureux contre lequel le pauvre Tirteau ne manquera pas de protester; car s'il avait un lit dans cette prison, et même un oreiller que sa femme lui avait envoyé, un de ses pieds était « en reppe », autrement dit dans les fers. De cette inique mesure la victime se hâta d'interjeter appel au Conseil provincial de Namur. Plusieurs témoins vinrent affirmer la bonne moralité de Tirteau et nièrent toute fraude dans l'exercice de sa profession. Des experts furent com¬mis pour visiter le matériel et n'y trouvèrent rien d'a¬normal. Le Conseil, par sa sentence du 11 septembre, annula le jugement de la Cour de Gesves, sans toutefois accorder à l'appelant la ce réparation honorable » qu'il avait demandée (25).
Le but que poursuivait le seigneur était de reprendre possession du moulin sans bourse délier. Témoin !a réponse qu'il fit à Mathieu de Houte, qui s'était chargé de négocier un arrangement. Comme il était question de 1.100 carolus (26) pour prix d'une éventuelle rétro¬cession : ce C'est beaucoup » riposta le seigneur, « car je compte bien l'avoir pour rien ». Il n'y réussit pas cette fois ; mais son frère et successeur tendit au même but par un moyen qui n'était pas plus honnête.
Ayant acquis la forge qui chômait, il y établit un nouveau moulin qu'il prétendit rendre banal pour les manants des différents hameaux de Gesves, alléguant que le moulin de Hoyoux n'avait reçu cette clientèle que par la volonté de Jean de Juppleu en 1432 et qu'un autre seigneur pouvait donc la retirer. Dubois com¬mença par se récrier, puis adopta un moyen terme qui consistait à remettre son moulin en location au seigneur lui-même ; l'arrangement fut conclu en 1570. Mais, de ce système, Dubois s'aperçut bientôt qu'il était dupe. Le moulin était « en fort bon équipage » quand il le remit au seigneur; or, celui-ci, devenu locataire, jugea bon de le négliger et de le laisser détruire par les valets qu'il y préposa, comptant attirer ainsi les manants à son nouveau moulin. Si bien que, au bout de vingt ans de ce régime, le moulin de Hoyoux était devenu « infruc¬tueux ». Dubois s'aperçut un peu tard qu'il était joué; alors il réagit énergiquement, et fit saisir l'attelage d'un manant qui portait ses grains à moudre au nouveau moulin, d'où procès (27).
C'était en 1591, et le seigneur de Gesves s'appelait Antoine de Marneffe. Obstiné dans la politique de ses prédécesseurs, il profita des calamités du temps pour contraindre les manants de porter leurs grains au nou¬veau moulin, en les menaçant de ne plus recevoir leurs effets au château, en cas d'occupation militaire.
Devant le Conseil provincial, Dubois demanda d'être indemnisé ou que l'usage du nouveau moulin fut inter¬dit au seigneur. Marneffe se défendit en attribuant aux faits de guerre la ruine du moulin de Hoyoux et une prétendue nécessité pour les manants de Gesves de « se réfugier » à son nouveau moulin.
Le Conseil, écartant cette fourberie, remit Dubois et ses co-héritiers en possession du vieux moulin. Mais alors nouvel accroc : comme il fallait refaire la char¬pente du toit, Dubois trouva légitime de se fournir de matériaux dans la forêt communale. Le seigneur lui refusa l'autorisation d'abattre des chênes et fit chasser les ouvriers qui tentaient de passer outre. Alors Dubois recourut encore au Conseil provincial et obtint une sen¬tence du 4 juillet 1596 qui lui donnait raison. Seulement, peu après, alors qu'il n'avait prélevé qu'une partie de sa provision, le malheureux vint se heurter à une inter¬diction générale de pratiquer de nouveaux abattages.
En 1594, Antoine Dubois, fils aîné de Jean, fit relief du moulin de Hoyoux devant la Cour de Poilvache, comme d'un fief assujetti aux règles de la succession féodale (28). Mais une autre contestation surgit alors, et dans la propre famille du meunier, les cadets réclamant leurs parts. Ce débat entre parents entraîna la cession de leurs droits sur le moulin à un important seigneur voisin, Guillaume Carondelet, seigneur d'Assesse et de Crupet (1602).
Nouvelle péripétie dans l'histoire si mouvementée de notre moulin. Un second Guillaume Carondelet, héri¬tier du premier, greva le moulin d'une rente de 50 flo¬rins, dont il fit cadeau, par contrat de mariage et pour services rendus, au sieur Olivier de Borsu (29). Grevé de cette rente, le moulin échut à Maximilien de Mérode, marquis de Deynze, gendre de Carondelet (30). Or, le marquis, fort occupé de ses devoirs militaires --il était mestre-de-camp d'un tertio d'infanterie wallonne — négligeait ses nombreux créanciers. Après huit années d'attente, ceux-ci perdirent patience, notamment la veuve de Henri de Borsu, fils d'Olivier, qui obtint une sentence d'expropriation contre son débiteur (1663). Ce nouvel épisode s'acheva en 1671, par la vente du moulin à Hubert Marlair, maïeur et intendant du second Ver-reycken, personnage que nous connaissons déjà par sa querelle avec les Jacquier (31).
Fier de cette possession quasi-seigneuriale, Marlair prétendit en porter le nom et bientôt signa : Marlair de Houyoux. Dès lors, la destinée de notre moulin fut fixée pour longtemps. Le nouveau propriétaire mit des valets et, quant à lui, lieutenant-prévôt de Poilvache et gonflé d'importance, il s'occupa surtout de faire opposition au seigneur. Son neveu Jean-François, maïeur de la vicomte de Wavremont, tenait le moulin en 1730 ; c'est lui qui fut le conseiller dévoué d'Anne-Victoire de Chabo Saint-Maurice. Son petit-fils Hubert-Joseph de Marlair de Hoyoux (sic) résidant à Sorinne, loua le moulin aux frères Dufaure, originaires de Hervé. Et c'est un nouvel épisode. La veuve d'un de ces Dufaure, Marie-Thérèse de Moreau (32), acquit la maison de Houte, où son fils Théodore, dit le chevalier du Faure de Vercourt, vécut jusqu'en 1866, en gentilhomme campagnard fréquentant les châteaux voisins. Par lui, la longue histoire du moulin de Hoyoux rejoint les souvenirs de quelques-uns de nos contemporains (33).
Autre industrie : la brasserie, comme la meunerie, monopole seigneurial.
On se rappellera la lointaine origine, attestée par le polyptyque de Saint-Vanne. La brasserie ou franche taverne de Gesves paraît avoir occupé de tout temps l'emplacement que la langue du terroir nomme encore al brassenne, près de la fontaine communale. Etait sou¬mise au monopole non seulement la fabrication de la bière mais aussi la vente, du moins la vente en gros, c'est-à-dire que les habitants de Gesves ne pouvaient s'approvisionner de bière qu'à la taverne du seigneur.
Ce monopole était affermé, avec le bâtiment où il s'exerçait et quelques terrains contigus, pour un loyer fixé à 80 ou 90 florins dans les dernières années du XVIIe siècle, mais avec une clause de majoration en cas de con¬clusion de la paix et plus encore de suppression de !a gabelle. Par contre, en cas de chômage forcé, le fermage devait être réduit. A la fin du XVIIIe siècle, il n'était que de 24 écus (120 livres). Avec la franche taverne, le seigneur louait à mi-fruits une culture de houblon. Au monopole de la fabrication de la bière était rattaché celui de la vente du vin et de l'alcool.
Le tavernier était un privilégié : il disposait d'une chambre et d'une cave au château, était exempt des tailles et portait une livrée; en retour il devait nourrir un chien de chasse (34). Il lui incombait de maintenir le monopole et d'avertir le seigneur de toute contraven¬tion. Aussi, la franche taverne fut-elle souvent louée à un notable, tel René de Thier en 1675 et le maïeur Nicolas Haverland en 1699. Le titulaire du bail ce com¬mettait une personne capable » pour servir le public (35). D'ailleurs, il avait à maintenir le matériel en parfait été de propreté, afin que la bière ce ne prenne mauvais goût ».
Le privilège seigneurial donna lieu, comme bien on pense, à des infractions suivies de procès. D'autre part, le désordre résultant des guerres fit qu'on se fournissait de bière où l'on en trouvait.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle surgit un con¬flit entre le monopole seigneurial et le fisc, conflit né du fait que la bière était dès lors matière imposable. En 1655, comme elle fut taxée d'un florin à la tonne, le seigneur • de Gesves, Louis-François Verreycken, ne trouva plus preneur pour sa taverne. A sa requête, les Etats de Namur admirent que la taxe serait prélevée, non sur la production, mais sur la consommation (36).
D'autre part, le fisc prétendait que le monopole seigneurial limitait le débit de la bière et par suite le produit de l'impôt. Cet aspect du conflit apparaît dans le procès intenté par Pierre Jacquier contre le nommé Jean Pigeon qui se permettait de vendre de la bière et de l'alcool et eut l'audace de ^persister après une con¬damnation lui infligée par la justice de Gesves. Pigeon se savait soutenu par l'Etat et le seigneur vit se dresser contre son monopole les intendants et les fermiers-géné¬raux des Domaines ainsi que les Etats de Namur. Tandis que, fort de ses titres, il se croyait sûr du succès, son neveu le chanoine Chaveau, témoin des disposi¬tions des Etats, lui recommandait de bien souligner le fait que sa prétention ne portait pas préjudice à la gabelle (37). Pigeon et Jacquier moururent au cours du procès. La comtesse de Saint-Maurice le soutint contre la veuve Pigeon.
Un autre litige en la même matière fut attisé par la vendetta de Hubert Marlair contre les Jacquier. C'était à propos du privilège que possédait la franche taverne de Francesse concurremment avec celle du seigneur; nous en avons parlé ci-dessus. L'enquête qui eut lieu à cette occasion démontra que, depuis longtemps, on ne vendait d'autre bière, à Francesse comme ailleurs, que celle de la brasserie seigneuriale (38). Après cette période de chicanes, le monopole de la franche taverne cessa d'être un casus belli. La comtesse de Saint-Maurice, notam¬ment, permit quelques dérogations et se montra indul¬gente aux rares contrevenants (39).
D'industrie métallurgique, il n'est plus question au XVIe siècle. On sait que l'ancienne forge fut acquise par le seigneur de Gesves pour y établir un moulin en con¬currence avec le moulin Hoyoux, qu'un de ses prédéces¬seurs avait aliéné. Cependant, à la fin du XVIIIe siècle, un industriel s'avisa d'utiliser les déchets accumulés sur le terrain de l'ancienne forge, de même qu'au Moyen-Age on avait exploité les amas de crayas formés par l'industrie des Romains (40). Le 1er juin 1787, Hubert Hinnaux, résidant à Lesve, déclare avoir entrepris de faire à Gesves une « bocame » (41) sur le ruisseau, à l'endroit où il y eut un fourneau du temps passé (42Ï, afin d'écraser les ce crahaux » qui s'y trouvent et d'en tirer le fer. Il prend vis-à-vis du seigneur de Gesves, propriétaire de l'ancien fourneau, les engagements sui¬vants : payer une redevance annuelle de trois pistoles (43), traiter tous les ce crahaux » où se trouvera du fer, indemniser les propriétaires qu'il pourrait léser, combler les fossés qu'il devra creuser et ne point gêner la ce bat¬terie de chanvre » établie à proximité. L'année suivante, le contrat fut cédé à Jean-Hubert Hubin, de Gesves, pour un fermage de 20 écus et moyennant engagement de chômer du 1er novembre au 15 février. Il fut renouvelé en 1793 et le fermage fixé à 56 florins. A cause des événe¬ments survenus, Hubin n'avait eu que douze mois de travail utile. En 1795, le loyer fut réduit à dix écus (44).
Nous venons de voir que, tout près de l'ancienne forge, travaillait une ce batterie de chanvre ». L'industrie textile, en cet endroit, remontait à deux siècles. Le 2 avril 1577, Jean de Marneffe, seigneur du lieu, autorisa Laurent Bougelet, habitant au hameau de Brochart (45) et exerçant la profession de foulon, à établir sur un terrain qu'il possédait, une ce usine de foulerie et de stordoir » (46), et à utiliser le cours du Hoyoux pour l'actionner, à charge d'une redevance de 25 patars an¬nuellement. Les précisions nous font défaut quant à l'industrie de Bougelet. Le terme de foulerie fait pré¬sumer qu'il s'agit de laine et de drap. Ce que nous avons dit précédemment de la grande quantité de moutons, que possédaient les principaux laboureurs et qu'ils faisaient paître sur les terres communales, permet de conclure qu'un important stock de laine était disponible à l'épo¬que de la tonte. Qu'une industrie locale soit née pour travailler cette matière, c'est dans l'ordre des choses, et Bougelet vient à point pour finir, dans sa foulerie, le travail fait à la main dans les chaumières. L'entreprise réussit, et la famille de son chef s'éleva (47). Bougelet travaillait encore en 1608 (49). La redevance fut payée par ses héritiers jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Au siècle suivant, nous n'en trouvons plus trace. Toutefois, !e texte de 1787, cité plus haut, révèle qu'alors une autre industrie textile s'exerçait au même endroit (49).

 

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General update: 19-01-2012 07:54
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