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ImageCHAPITRE II.

Origine et Etymologie

 

I.    ORIGINE.

Il est certain que le territoire de Mozet a été occupé dès les temps les plus reculés, et déjà, à l'âge de la pierre : les découvertes faites dans les grottes de Goyet-Mozet donnent des témoins authentiques de l'existence de l'homme dans notre région, depuis un nombre de siècles que les préhistoriens affirment très grand. ; il arrive fréquemment de trouver à des endroits bien déterminés, des rognons de silex, et même des silex taillés, qui indiquent des stations néolithiques à Mozet ; les fouilles reprises en 1937 par le Musée d'histoire naturelle de Bruxelles ont permis de découvrir dans les cavernes une énorme quantité d'ossements d'hyènes, d'ours, de cheval, des bois de renne, et trois superbes défenses de mammouth, da.ns les couches non encore explorées.

Il n'y a pas jusqu'aux nutons, dont la légende nous a été transmise par une tradition fidèle que les vieillards d'aujourd'hui entretiennent savoureusement, nous disant, par exemple, qu'autrefois les ménagères allaient porter leur panier de linge à laver et à repriser à l'entrée des trous de Mozet et de Goyet, en même temps que la pitance — nous dirions le salaire — équivalente à la prestation des nutons et des nutonnes, et que le lendemain, à la même entrée des trous occupés par ces êtres laborieux et consciencieux, elles reprenaient le même panier de linge, bien lavé et bien réparé. (1).

Mais tout cela pourrait relever du mythe et du mystère ; il paraît que, dès le début de l'ère chrétienne, Mozet fut réellement occupé par les Romains : M. F. Courtoy, l'éminent conservateur des archives;de Namur, découvrit, il y a environ quarante ans, au-dessus de la carrière,près de la cure, les vestiges d'un cimetière romain remontant au IIe siècle ; les fouilles accidentelles qu'il opéra lui permirent de recueillir les traces de tombes à incinération et notamment deux écuelles nettement romaines (l'une grise, l'autre noire).

Nous avons découvert, il y a quelques mois, dans la campagne de Fausurchamps, à Mozet, des débris de poteries et de tuiles romaines, et un instrument en bronze, de la même époque, faisant partie sans doute de l'attelage d'un char. Ces différents objets sont au Musée de Namur.

Aussi bien, les chaussées et voies romaines, sillonnaient notre contrée ; sans parler des grandes chaussées larges et bien empierrées de Bavai à Reims, Bavai à Cologne, beaucoup d'autres voies romaines avec des diverticula reliaient les grandes chaussées entre elles et étaient, ainsi, des agents de domination, d'occupation et de communication.
A Mozet, l'on peut voir encore l'assiette des deux routes romaines venant de Wierde, l'une par Basseilles, Gueussaux et se dirigeant par les Comognes vers le Bois-Wiame ; l'autre, suivant les Tiennes de Wierde, passait à Mont-Sainte-Marie et conduisait à Maizeroule. Les voies romaines étaient toujours situées sur les plateaux ou au moins sur les penchants des coteaux.
Les produits des contrées, exploitées autrefois par les Gallo-Romains, pouvaient emprunter la voie navigable de la Meuse.
(1) Voir ASAN. T. XVIII, p. 347, et l'étude remarquable de F. ROUSSEAU : Légendes et coutumes du Pays de Namur, 1920, p. 38 : n La croyance aux nutons fut très répandue dans le pays de Namur. Suivant la tradition, il y eut des nutons... d'une façon générale, dans toutes les localités où il existe des cavernes. Les nutons étaient des nains, au teint basané, aux yeux noirs et vifs, à la mine éveillée et avenante. Ils ressemblaient, disait-on, à des « petits vieux papas ».. Ils habitaient exclusivement les grottes et les trous dans les rochers. Jamais ils ne se montraient pendant le jour. La nuit on en apercevait parfois parmi les broussailles, aux alentours de leurs trous. De temps à autre, à la belle saison, ils sortaient en nombre, et se livraient à de joyeuses gambades sur l'herbe fleurie des prés. Ces êtres singuliers étaient d'excellents ouvriers en toute espèce de métiers : forgerons, taillandiers, remouleurs, chaudronniers, tisserands, cordonniers, etc... Leurs femmes, les nutonnes, étaient d'habiles lingères- »

Ainsi, Mozet a connu l'âge de la pierre et, comme presque tout le Namurois, l'occupation des Romains ; il releva aussi des puissants domaines des Mérovingiens et des Carolingiens.

ETYMOLOGIE.

La première forme sous laquelle la plupart des auteurs croient reconnaître le nom de Mozet est latine : Mosania (747). Beaucoup d'autres graphies se trouvent dans les documents postérieurs à cette date : Mosenc (953), Moseaich (1159), Mosen (1224), Mosanium (1245), Moseing (1361), Mosaing (1373), Mouset (1479), Mauzet (1491).
Nous croyons que Mosania (747) dérive de Mosa : Meuse (1). Meuse et Mozet sont géographiquement si près l'un de l'autre ; pourquoi ne pourraient-ils être également aussi rapprochés par l'étymologie ?
C'est dans un diplôme, daté de Wasseiges (6 juin 747), que la villa de Mozet (Mosania) est citée pour la première fois, et qu'elle figure parmi les domaines des Carolingiens (2).
Dans le domaine royal de Wasseiges, quelques mois avant de quitter le monde, pour se retirer au monastère du Momt-Cassin (Italie), le maire Carloman prodiguait ses libéralités aux moines. (3).
D'accord avec son fils Dragon, il fit don à l'abbé Anglinus de l'abbaye de Stavelot-Malmédy, et à ses religieux, de plusieurs localités situées dans le Condroz et ailleurs ; dans le pays du Condroz, c'étaient Leignon et ses appendices, Caldi.na (Conneux ou plus probablement Godinne, selon M. Rousseau) (4), Haltinnes. Mosania, dans lequel certains ont voulu identifier Massogne (Ciney), mais qui, à notre avis, indique Mozet (5), etc.
Mozet était-il un appendice de Leignon ou non ? Peu importe ; on ne peut prétendre que Mozet est trop loin de Leignon et des autres villae, citées dans ce diplôme, pour ne pas faire l'objet de la donation dont il s'agit. Il ne faut pas perdre de vue que Haltinnes; localité contiguë à Mozet, fut aussi l'objet des libéralités de Carloman à l'égard de l'abbaye de Stavelot ainsi que beaucoup d'autres localités isolées du pagus du Condroz et du pagus de la Famenne : Purnode, Haid (hameau de Serinchamps) ,Wellin, Reux-Famenne, Paliseul, et d'autres endroits des cantons actuels de Dinant, de Rochefort, de Beauraing, de Gedinne, etc., etc...

De plus, on rencontre dans l'histoire de ces premiers siècles, l'existence de véritables bandes de terrain, à peine larges comme un chemin, sans solution de continuité avec l'abbaye, etc. dont elles dépendent, encore que ces morceaux de terrain soient distants de plusieurs lieues de leur point d'attache ; et, précisément, l'histoire de Dave nous fournit un exemple de ces appendices dont l'importance était en fonction de leur éloignement du centre : (( ...langues de terrain, tantôt larges et jamais plus étroites que de 24 pieds ; elles commencent à la porte du château de Dave, traversent le village, passent par Naninne, Andoy, Limoy, se rendent à Mozet, de là à Goyet et à Jausse, reviennent à Wez-Mozcl, passent par Basseilles, se rendent à Mont-Sainte-Marie, ensuite à Arville, reviennent à Wez, puis sur les Sarts et finalement à Wierde. Dans les temps anciens, ces bandes de terrain allaient 'jusqu'aux confins de Htiy. >» (1).

Des documents postérieurs nous fixent de façon certaine sur l'identité de Mozet. « En 953, l'abbaye de Stavelot possédait une terre s'étendant jusqu'à la forêt d'Arche et touchant au territoire de Mozet situé près de Haltinnes et de Maizeroules. Là, s'élevaient deux manses, exploités par des hommes libres. Mosania et Haltinnes avaient été donnés à Stavelot par le maire Carloman. Ces deux manses limitrophes de la forêt d'Arche, constituaient-ils en 953 ce qui restait encore de l'ancienne propriété monastique à Mozet et à Haltinnes ? Nous ne le savons. » (2). L'abbaye de Stavelot abandonna ces deux propriétés ; il est à penser que le le manse de Mozet passa à l'abbaye de Brogne qui venait d'être fondée par Saint Gérard : en effet, une charte de Brogne nous apprend, entre autres choses, que cette abbaye possédait à Mozet un « manérium », un manoir, c'est-à-dire une dépendance bâtie d'un manse, et cela à la fin du XIe siècle, certainement au début du XIP siècle. (3).

On entendait par manse, une exploitation agricole qui, exploitée directement par l'abbaye, s'appelait « dominical » (mansus indomi-nicatus) ; si l'abbaye l'abandonnait à des colons, en retour de certaines charges, on lui donnait le nom de « tenure ». Manse domi-:..:al et tenures constituaient l'unité agricole : la villa (1). Le manse de Mozet était « ingenuilis » c'est-à-dire exploité par des hommes de condition libre.
Quoi qu'il en soit, il est évident que Mozet est cité au Xe siècle, exactement en 953 ; il existait donc auparavant.
A rapprocher que la deuxième source - - la première certaine (953) - - qui cite Mozet, est de même origine que la première source (747), nous révélant l'existence de Mosania, et que 3 siècles après (1245) une charte de l'abbaye de Géronsart donne l'orthographe Mosanium (Mozet) (2).
Les métathèses alléguées par certains, o pour a, ou a pour o, doivent valoir pour la plupart des cas démontrés : Mosania peut avoir été mis pour Masonia (Massogne) ? Mais alors, comment expliquer Mosa (Meuse) dont la forme « Masa » se rencontre aussi dans les documents ? Nous donnons la parole aux philologues !
Par ailleurs, les graphies des siècles suivants donnent raison à notre thèse : Mosenc (953), Mosen (1224), Mosenche et Mosench (1159) ont perdu le suffixe cis, qui indique l'habitant.
Notre opinion est confirmée, par la belle et sonore allitération, trouvée dans une charte de 1224 où il est fait mention de 80 bonniers d'une forêt de « Mosen quae est ititer Mosam et Mosen », forêt dont l'entièreté appartient à Guillaume, chevalier de Mosen (3).
Il n'y avait donc, au début du XIIIe siècle, qu'une forêt séparant la Meuse et le territoire de Mozet ; à plus forte raison, cinq siècles plus tôt, avant les premiers défrichements, Mozet n'était séparé de la Meuse par aucune communauté organisée ; il reste, d'ailleurs, encore aujourd'hui, des parties importantes de la forêt dont il s'agit, et Mozet paraît avoir été, par là, riverain de la Meuse, comme Maizeret et Samson. A remarquer aussi, à la fin du XIVe siècle, la même variante du radical de Mozet et de Meuse : Moisaing et Moise.
Disons enfin, que, déjà en 875, la villa Bacilla-Super-Gorbia est citée : Basseilles, dépendance de Mozet (4). Dès lors, on peut conclure que le territoire compris entre Basseilles (O.) et Goyet (E.), endroits qu'il comprend, est bien celui désigné autrefois sous le nom de Mosania (Mozet), territoire très étendu, assez rapproché de la Meuse pour en tirer son nom d'origine, mais poussant ses limite-S.-E. loin d'elle, et développant son « Hinterland », dans la direction du Condroz, dont il relève d'ailleurs.
Mozet désigne donc, depuis la plus haute antiquité, tout le territoire, sis près de la Meuse — ad Mcsam —, par rapport aux personnages et institutions, telle l'abbaye de Stavelot-Malmédy, qui avaient des intérêts dans cette localité.




(1)     Le  radical  «  Mos  »  signifie  marais,   terrain  humide,   par conséquent fertile,   et  par extension,   domaine  rural,   etc.   Voir à  ce  sujet  Altdcutsches Namenbuch   von   Ernst   Fostermann,   Bonn   1916,   au  mot   «   Mos   ».
(2)     HALKIN   et   ROLAND.   Recueil   des   Chartes   de   l'Abbaye   de   Stavelot-Malmédy,   p.   46.
(3)     F.  BAIX.  L'abbaye et principauté de Stavelot-Malmédy, pp.  62 et 63.  Carloman  était frère de Pépin II dit le  Bref,  et fils de Charles Martel.
(4)    F.    ROUSSEAU,    conservateur    aux    archives    du    Royaume.    La Meuse et le Pays Mosan,  ASAN,  T.  XXXIX,  p.  231.
(5)     Ibidem,  p.   231.  Mosania   =   Mozet.  Voir aussi  ROLAND.  Toponymie Namuroise,  p.  512 et Altdeutsches Namenbuch von  Ernst  Fostermann. 1, C.

(1)     TOUSSAINT,   Histoire   de   la   Seigneurie   (Je   Dave,   pp.   6   et   7   et. CAILLOT,   Histoire  de   Namur.   HT.   348.
('>)     F.   BAIX,   o.   c.,   p.   132. (3)    BCRH., T. LXXVI, p.  695.
- 24 —

(1)     F.   BAIX.   o.  c.,   pp.   159-160.
(2)    BARBIER.   Histoire  du  Monastère  de  Géronsart,  p.   249.
(3)     CGP.  - I,  p.   4.
(4)    ROLAND,   o.   c.,   pp.   148-149.

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General update: 19-01-2012 07:54
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