Accueil  //  >> Au fil de l'eau  //  >> A travers l'histoire  //  >> Seigneurie et château de Mozet  //  >> 2. Les seigneurs de Mozet et leur résidence

1ère PARTIE LES SEIGNEURS DE MOZET ET LEUR RESIDENCE.




 

A.DE L'ALLEU AU FIEF.

1. LES PREMIERS SEIGNEURS DE MOZET.
Mozet semble avoir vécu ses plus belles années sous la gouverne de la famille noble qui l'illustra au Moyen-âge. Les Mozet faisaient partie, avec les Wierde, les Dave, Les Erpent, les Faulx, les Maizeret et les Namêche, de cette noblesse de vieille souche qui occupait un territoire important situé à la frontière de la principauté de Liège et du comté de Namur.
La terre de Mozet est citée en 953 comme faisant partie du comté de Huy. Par conséquent, elle a dû être rattachée à la principauté de Liège avec ce comté en 985. C'est plus tard que cette région sera incorporée au comté de Namur (1). Au début du Xle siècle, le Prince Evêque de Liège possède de nombreuses terres enclavées dans le comté de Namur, dont une partie à Namur même. Le comte de Namur en est l'avoué, c'est-à-dire le protecteur, le défenseur, mais il confie cette charge à un puissant seigneur. Les seigneurs de Mozet furent honorés de cette fonction à partir de 1087 (2). Aussi étaient-ils qualifiés le plus souvent de «Namuco» c'est-à-dire «de Namur». Les actes de l'époque nous font connaître Guillaume et son frère Adelon (1087, 1102, 111), appelé Adelon de Mozet en 1125 et Adelon de Namur en 1126 (3). A partir de ! 155, après la disparition du domaine liégeois dans le comté de Namur, ils sont tou¬jours cités sous le nom de «Mozet».
Dès le Xle siècle, le seigneur de Mozet est donc un noble important. Or, le chiffre des familles nobles du Namurois au début du Xle siècle, ne dépasse guère 20 pour 370 villages et hameaux (4). La puissance de ces potentats locaux se devine aisément ain¬si que l'importance de leurs propriétés. La documentation est hélas laconique : on ne peut se faire une idée des propriétés des seigneurs de Mozet que lorsqu'elles sont déjà largement morcelées pour des raisons que nous expliquerons ; au XIII siècle, l'al--•- comprend encore des parcelles à Mozet, Maizeroule, Ster, Faulx (5).
Ce qui est certain, en tout cas, c'est la condition d'alleutier de ces personnages, c est-à-dire qu'ils possèdent des biens en pleine propriété ; à condition de respecter *s règles et formalités générales du droit civil, ils peuvent en disposer sans interven¬tion d'aucune autorité supérieure, c'est en cela que l'alleu se différencie du fief qui lui relève du suzerain. Et la situation de ces biens, en frontière, ne fait qu'accroître l'indé¬pendance d’Ia famille de Mozet.
Les Mozet sont souvent cités comme témoins officiels dans les transactions des princes et des particuliers. En 1159, Guillaume III de Mozet est témoin de la confirma¬tion, par Henri, comte de Namur, des privilèges de la cour foncière du chapitre Saint-Auban à Namur (6). En 1163 il assiste a la donation parle même comte Henri à sa soeur Alix, comtesse de Hainaut, de tous les alleux et des serfs qu'il possédait dans le comté de Namur et autres lieux (7). Guillaume IV, fils du précédent, est présent lors de la ces-5 on du comté de Namur par Henri l'Aveugle à Baudouin de Hainaut, moment impor¬tant dans l'histoire de notre comté (8).

En 1257 Godfroid, un autre descendant des «Mozet», prononça même, au nom comte de Namur, la sentence clôturant un procès intenté par le prieuré de Géronsart à Henri de Chasteal de Noville (9). Leur rôle est donc d'assister, de conseiller le
Peu nombreux et très riches, ces nobles forment une classe tout à fait distincte du reste de la population. Ils ont leur mode de vie et leur morale basés sur l'honneur et sur la générosité vis-à-vis des institutions religieuses. Ces «uiri-nobiles»- hommes nobles -sont orgueilleux et se jugent au-dessus du commun. La majorité d'entre eux possè¬dent, au moins au Xle siècle le ban et la justice, c'est-à-dire le droit de commander et de juger sur leurs propriétés ; ce droit appartient aux Mozet en tant qu'alleutiers (10).
En dehors de leurs activités officielles, la vie des seigneurs se partageait entre la guerre et la direction du domaine, c'est-à-dire des terres et des personnes qui y vivent. L'évolution du domaine et l'administration de la justice seront étudiées dans la deuxiè¬me partie.
Le métier des armes occupait une bonne partie de leur temps. En effet, les guer¬res privées ravagèrent nos contrées pendant tout le moyen-âge. Par une survivance au vieux droit germanique, tout homme libre pouvait se faire justice lui-même et exer¬cer le droit de vengeance. Par solidarité familiale, les parents des victimes et ceux de l'auteur du délit se trouvaient impliqués dans la lutte jusqu'au moment où le conflit était réglé. Ces guerres s'appelaient «guerres d'amis», «ami» étant pris dans le sens d'ami charnel ; ce terme englobait les parents jusqu'au septième degré. En 1477 seule¬ment, le «grand privilège» de Guillaume 1er comte de Namur tenta de mettre fin à ces procédés (11).
D'autre part les guerres pouvaient dégénérer à cause du jeu des alliances. Nous nous en voudrions de ne pas évoquer ici la célèbre «guerre de la vache de Ciney», car les hostilités ont réellement atteint tous les points du comté. La cause réelle de cette guerre réside dans un conflit juridique entre nobles (12). Mais la légende veut qu'elle ait été déclenchée par le vol d'une vache en 1273. L'auteur du larcin, un paysan de Jallet près d'Andenne, amena l'animal au tournoi d'Andenne pour trouver un acheteur. Le propriétaire reconnut son bien et dénonça le voleur au bailli du Condroz. Le coupable fut invité, moyennant la vie sauve à reconduire la bête à Ciney où il l'avait prise. Mais à peine eut-il mis les pieds en Condroz qu'il fut arrêté et pendu. Par représailles son sei¬gneur alla ravager les environs de Ciney. Pour chaque camp ce fut alors une course aux alliances. Le comte de Namur s'en mêla entraînant amis et ennemis dans la bagarre. La guerre opposa finalement les Liégeois aux Namurois et Brabançons, elle dura trois ans, des dizaines de villages furent détruits et quinze mille personnes tuées.
Les temps n'étaient donc jamais sûrs, encore moins dans des régions de frontière comme Mozet ; les seigneurs devaient prévoir des ouvrages défensifs et se préparer à la guerre. La meilleure façon de s'entraîner était de participer à des tournois. On re¬trouve ainsi Guillaume IV au tournoi d'Andenne en 1202 (13). A cette époque ces com¬bats ne ressemblent pas aux jeux d'adresse du XVe siècle qui opposent deux adversai¬res armés d'une lance émoussée. Ils ont lieu en pleine campagne à champ ouvert ; ce sont des groupes de cavaliers qui s'élancent au galop à la rencontre les uns des autres. Vu l'esprit du temps, ces luttes amicales dégénéraient souvent en rixes très sérieuses. Quant aux précautions défensives nous allons tenter de voir en quoi elles consistaient à Mozet.

2.LEUR RESIDENCE.
Les premières précisions concernant la demeure seigneuriale sont tardives. C'est en 1478 seulement que le testament d'Arnould V de Mozet nous fixe sur ce point (14). Celui-ci n'oublie dans le partage aucun de ses sept enfants mais les dispositions en faveur de son fils aîné et de sa femme sont très intéressantes : il cède le «thour et cheruage» de Mozet, c'est-à-dire les bâtiments et les terres, à son fils Ernolet. Il stipule en outre que sa femme continuera à jouir du tiers des revenus des jardins et vergers et qu'elle disposera de la tour, du logis et des quatre étables situées entre les deux gran¬ges.
a) Elément militaire.
Cette description correspond parfaitement à l'habitation type de la noblesse namuroise au XVe siècle (15). Elle comprend généralement un élément militaire qui con¬siste le plus souvent en une motte ou tour, distincte de la résidence habituelle.
On peut tenter d'avancer une date de construction pour la tour de Mozet décrite dans ce document de 1478 et figurée d'autre part sur une peinture de la f in du XVIe siè¬cle appartenant à la collection du duc de Croy (16).
Beaucoup de membres de l'aristocratie namuroise ont ajouté ce donjon vers la fin du XIII siècle et début du XIVe siècle pour donner une allure noble à leur demeure. Mais ce n'est pas toujours le cas ; la motte représente un système de défense très ancien. Pour Mozet il est raisonnable de penser que cette famille implantée de longue date et jouant le rôle que nous avons décrit, ait ressenti le besoin de se défendre depuis une époque reculée.
D'autre part les volumes représentés sur la gravure sont semblables à ceux de la
Tour de Wierde, village voisin de Mozet et également siège d'une famille ancienne ; ce donjon est daté du Xle siècle (17). Nous y distinguons le rez-de-chaussée, totalement clos, en tout cas sur la face sud, seule visible ; le premier étage, sans doute accessible par une échelle mobile et le dernier surmonté a l'origine d'une tourelle en bois. Les murs ne s'ouvrent que sur trois archères.
L'évolution du système défensif seigneurial fut la suivante. Au départ la structure est fort simple ; un monticule, des fossés et une palissade de planches entourent le pla¬teau terminal. Le donjon central est construit en bois mais sa valeur est assez médiocre car il est relativement facile à incendier. Par la suite apparaissent les donjons de pierre qui restent encore très rares pendant le Xle siècle.
Par conséquent les Mozet auraient pu faire construire leur tour en pierre dès la fin du Xle siècle ou plus probablement au début du Xlle siècle, lorsqu'ils étaient avoués des biens du Prince Evêque de Liège à Namur.
L'aménagement intérieur de ces tours en permettait l'occupation permanente en période de troubles. La description d'un bâtiment de ce genre en Artois en 1120 est parvenue jusqu'à nous (18). Bâti sur le même modèle que les donjons de Wierde et Mozet : il nous intéresse directement.
Le rez-de-chaussée servait de grenier et de cellier. Le premier étage servait d'habitation et de salle de séjour ; s'y trouvaient également la chambre du maître et celle des servantes. Cet étage comprenait encore une cuisine à deux niveaux : au niveau inférieur étaient parqués des porcs, oies, chapons et autres volailles et au-dessus, les celliers et serviteurs préparaient les repas du maître. A l'étage supérieur, des chambres étaient aménagées pour les fils du maître et ses filles, tandis qu'au sommet, vigiles, sergents et gardes surveillaient, toujours prêts à intervenir.
Voilà comment vivait le seigneur chaque fois que la situation exigeait un repli dans la tour. c'est-à-dire au cours des guerres relatées ci-dessus. Il est possible notamment que cette motte ait contribué à la défense du comté ; elle tenait sa place dans l'ensemble des fortifications destinées à couvrir le Namurois du côté de la principauté de Liè¬ge. Du château on peut apercevoir les tours de Wierde, Andoy et Mont-Ste-Marie.

b) Elément agricole.
Ces tours étaient toutes doublées de fossés qui englobaient normalement l'es¬sentiel de l'élément agricole ; le corps de logis habituel, la ferme avec grange, étables et bergeries ; au-delà de l'eau l'indispensable vivier, les jardins, vergers, prés et souvent une brasserie ou un moulin. L'ensemble constituait le siège d'une exploitation agricole •importante. Mais tous ces bâtiments étaient construits en matériaux légers comme le torchis.

c) Les vestiges.
De nombreux éléments incitent à croire que la partie est du château actuel est constituée des vestiges de l'antique tour. De la cour on peut distinguer le moellonnage différent. Les murs sont beaucoup plus épais à cet endroit, cette caractéristique est vi¬sible dans les couloirs et plus encore dans les caves. (Fig. III).

3. MORCELLEMENT DES PROPRIETES.
Dès le Xlle siècle et surtout au Xllle, le patrimoine des nobles est exposé à des dangers croissants. Leur importance s'amenuise en raison de donations pieuses, des partages successoraux et des efforts du comte de Namur pour récupérer ses droits. Les anciennes familles résistent différemment à ces périls. Certaines disparaîtront dé¬finitivement, d'autres chercheront des remèdes mais ne pourront éviter le déclin, d'au¬tres encore s'adapteront avec bonheur.
Pour les descendants des Mozet, le problème du morcellement par voie d'hérita¬ge se fait cruellement sentir. En effet le système allodial comportait une faille ; l'alleu n'avait aucune fixité, il se fractionnait au gré des successions, partages ou aliénations. Naturellement, il pouvait s'accroître par voie d'héritage. Les forces de dispersion de¬vaient cependant l'emporter d'autant plus facilement qu'à partir de l'an 1000, on assis¬te à un essor démographique qui se poursuivra bien au-delà de 1200 (19).
En ce qui concerne les donations pieuses, les Mozet suivent la tendance normale. Leur mode de vie impose cette générosité, dictée en réalité bien plus par crainte de l'enfer que par détachement des biens matériels.
De nombreux exemples illustrent ces deux aspects pour l'alleu de Mozet. Guillau¬me III de Mozet eut plusieurs enfants, nous en connaissons quatre ; Guillaume IV son successeur, Simon, Jehan et une fille nommée Alide. Les biens sont divisés entre ses descendants et nous assistons alors à une véritable récupération des parts par des institutions religieuses.
En 1210 ; Simon, qui a fondé la maison de Loyers, cède gracieusement à l'abbaye de Villers toutes ses propriétés allodiales de Mozet. Maizeroule et Ster, sauf les serfs (20). En 1221, Alide donne à la même abbaye toute sa part d'héritage de l'alleu de Mozet, Ster et Faulx (21). Guillaume IV, en juin 1224, remet à ce monastère de Villers, à des conditions très avantageuses, toute la forêt qui lui appartenait près de Grandpré et qu'il tenait en fief d'Henri d'Argenteau (22). En 1232 c'est l'abbaye de Grandpré qui profite de ses largesses ; douze bonniers (23) des terres de Mozet sont données pour sa fondation.
On comprend dès lors que la fortune foncière de la famille ait fondu au cours des siècles- surtout si l'on considère qu'au Xllle siècle, lorsque les premiers actes de donation sont conservés, les nobles sont déjà beaucoup moins 'généreux qu'auparavant (24).
La famille de Mozet va résister tant bien que mal ; de nombreux remèdes seront tentés. Avant 1200, pour compenser les pertes, les seigneurs locaux ont eu recours aux défrichements. La région de Mozet était une des plus boisées du Namurois. Tou¬tes les terres arables ont été gagnées sur la forêt d’Arche ; cette particularité explique l'existence des nombreux hameaux de Mozet. Une autre possibilité pour augmenter sa fortune était de choisir une riche héritière comme compagne. Guillaume IV épouse Ide, dame de Dongelberg. Elle partagea avec son époux l'usufruit de la seigneurie de Dongelberg en 1277 (25).
Mais devant une situation de plus en plus critique, les propriétaires sont obligés, pour sauver la face, d'aliéner des biens et des droits. Le comte de Namur ne laisse pas échapper les occasions. Après avoir à peu près tracé les frontières de son territoire, le moment est venu pour lui de l'organiser et de récupérer ses prérogatives. A Mozet, il se substitue progressivement à la famille locale.
Dès avant 1265, le comte conteste au seigneur de Mozet le droit de rendre la justice dans le village. Aux environs de 1300 déjà, il devient seigneur hautain et principal propriétaire foncier du village (26). La disparition de l'alleu est proche.

4. INFEODATION DES BIENS ET FIN DE LA PREMIERE MAISON DE MOZET.
Avec Godfroid, s'éteint le nom des seigneurs de la première race ou en ligne directe des Mozet. Sa fille a dû s'unir aux Hemricourt ; elle épousa Arnould Boseal de Hemricourt .Cette famille n'était pas d'ancienne noblesse ; elle ne pouvait cacher ses origines ministérielles (27). Les «ministériales» sont des fonctionnaires au service d'un prince et qui accèdent parfois à la noblesse de cette façon.
Les Mozet avaient été les conseillers, les compagnons du prince. Les Boseal acceptent d'être ses serviteurs. Ainsi Arnould II, fils du précédent, fit une jolie carrière;  d'Entre-Meuse-et-Arche en 1358, maïeur de Namur de 1361 à 1363, bailli du Comté de Namur de 1363 à 1366, il épousa la fille d'un maïeur de Namur (28). Bien sûr : est un fonctionnaire important ; le bailli est dans le Namurois, le lieutenant du comte et la force de celui-ci accroît l'autorité de son représentant. Le traitement est coquet et la situation permet d'obtenir certaines faveurs du prince. Cet Arnould nous apparaît homme un homme pratique, réaliste et en un mot capable d'affronter les difficultés.
Comme nous l'avons signalé, dès 1 265, le comte de Namur possède la plupart des droits hautains dans le village de Mozet (29). Peu à peu il obtient l'inféodation des biens de Godfroid de Mozet (30). C'est sous le règne d'Arnould II que va se terminer la transformation de l'alleu en fief. En 1361 , alors qu'il est maïeur de Namur, il réussit à obte¬nir en accroissement de fief tous les biens que le comte possédait à Mozet achetés à Henri  de Beaulieu (31).
La situation du seigneur de Mozet a donc complètement changé. En tant qu'alleutier il possédait ses terres. Maintenant il dispose du fief et jouit de ses revenus par le consentement de son seigneur, le comte de Namur. Il doit s'en faire investir par celui-ci ci et devenir son vassal.
Le vassal doit rendre hommage au seigneur. Initialement la cérémonie comporte un symbolisme précis ; le vassal à genoux et sans arme, met ses mains jointes dans les mains de son seigneur et se déclare son homme pour tel fief; le seigneur le relève, le baise sur la bouche ; puis le vassal debout prête sur l'évangile le serment de foi (32). Au XIVème cependant, les interventions personnelles du seigneur sont très rares ;l'acte est passé devant le bailli mais le lien féodal reste réel. Le vassal doit également payer un droit de relief à chaque succession, droit qui, il est vrai, représente peu de choses car l'exemption est souvent accordée. Un échange de serment se fait alors ; le vassal promet l'aide et conseil au seigneur, celui-ci lui doit assistance en cas de danger.
Nous devons encore à cet homme d'action les armes de la commune de Mozet. Les armoiries des Hemricourt étaient «d'argent à la bande de gueule», Arnould II choisit de porter «d'argent à la bande de gueule chargée de trois étoiles d'or» (33) cet ; .emblème fut repris par la commune (34). Cependant il est assez curieux de constater que sur des pierres tombales des XVIe et XVIIe siècles encastrés dans les murs de la chamelle de Mont-St-Marie, les armes des Boseal Mozet sont restées «d'argent à la bande de gueule» (35).


 

B.DE 1400 AU DEPART DEFINITIF DE LA FAMILLE DE MOZET.

1.LE QUINZIEME SIECLE.
Le quinzième siècle fournit à Mozet très peu d'événements importants et aucune 'figure marquante n'apparait parmi les descendants d'Arnould II. Nous connaissons ses successeurs par les archives du Souverain Bailliage. Durant les derniers siècles du moyen-âge et à l'époque moderne, les fiefs relevant du comte de Namur dépendaient de cette institution pour toutes les tractations ; héritages, échanges, aliénations totales ou partielles, créations de rentes hypothéquées sur le bien (1).
En 1429, Philippe le Bon prend possession du comté qui est intégré dans l'état Bourguignon. Les effets de cette annexion ne tardent pas à se faire sentir. Des luttes terribles vont opposer Brabançons (Bourguignons) et Liégeois dont les troupes font des ravages dans la province de Namur (2). Par son ordonnance du 24 février 1474, Charles le Téméraire lève des troupes et Arnould V de Mozet est tenu de fournir «cinq combattants à pied» pour son fief (3).

2. LE SEIZIEME SIECLE, SIECLE DE MALHEUR.
Avec le XVIe siècle commencent les difficultés pour les seigneurs de Mozet et bientôt pour la région en général. Jacques III de Mozet meurt sans héritier. C'est Jean-1 de Mozet, sa sœur qui obtient le fief en 1 529. Neuf ans plus tard elle est obligée c hypothéquer ses biens au profit d'un petit cousin, Antoine de Mozet, moyennant une rente de 1 8 muids d'épeautre. A la mort de celui-ci, son fils ne peut se charger de l'héritage et le cède en arrentement à son beau-frère Mathieu de Maillen (4). Les rentes ; accumulent ainsi au gré des successions et les occupants ont de plus en plus de difficile '.es à vivre à Mozet, d'autant plus que la situation générale du comté n'est pas très bonne.
En effet le Namurois est impliqué dans des conflits internationaux. Les troubles politiques et religieux suscités par la révolte des provinces du nord des Pays-Bas font souffler un vent de violence sur le pays. Le comté devient à la fin du siècle le point de départ de la reconquista espagnole contre les provinces sécessionnistes. Les protestants du nord et Huguenots de France font de fréquentes incursions dans nos çontrées.
Le pillage constitue la plus grave des calamités. Réquisitions pour le ravitaillement des troupes et rapines de mercenaires et déserteurs, passage d'armées alliées ou ennemies, tout contribue à ruiner la population.
Mozet est particulièrement touché à la fin du siècle, le château est pillé à deux reprises en trois ans ; en 1592 et 1595.
Les soldats occupent les bâtiments, emportent tout ce qu'ils peuvent, détruisent les récoltes, retardent la moisson. Les paysans perdent le goût du travail. C'est François le Persant, seigneur de Mozet depuis 1573, qui eut à subir les passages de ces mercenaires bourguignons, français, allemands. Des témoins attestent qu'il a même été molesté ainsi que des membres de sa famille et qu'une partie des bâtiments sont en ruines, probablement incendiés. Etant donné les circonstances, il ne peut plus payer les rentes dues à Jean de Mozet et celui-ci lui intente un procès (5).
A cette époque le quadrilatère n'est toujours pas présent. Sur la peinture de la collection du duc de Croy - fin du XVIe siècle - la tour se dresse, seule, avec à ses pieds quelques bâtiments épars. L'allure modeste de la résidence à cette époque n'a rien d’étonnant après tous les avatars énumérés auxquels il faut ajouter la famine et une épidémie de peste en 1 570 (6).

3. DEBUT DE DIX-SEPTIEME SIECLE; LES MOZET QUITTENT DEFINITIVEMENT LE PATRIMOINE FAMILIAL

Le début du XVIIe siècle marque l'aboutissement logique d'une situation de plus en plus embrouillée. Les procès se multiplient entre usufruitiers et possesseurs. Trois personnages différents relèvent le fief de Mozet en 1611 (7). La dernière héritière des Mozet fut Jeanne de Mozet, elle fit relief de la seigneurie le 17 juin 1611 (8). Finalement le 29 décembre 1622 la seigneurie foncière de Mozet fut mise en vente ; l'acheteur fut Marc-Antoine Du Four, licencié en droit et pensionnaire de Nivelles, c'est-à-dire secré¬taire et conseiller pour l'administration de cette ville (9).


 

C.DE LA SEIGNEURIE «ENGAGERE» A LA FIN DE L'ANCIEN REGIME.

1. ENGAGEMENT DE LA SEIGNEURIE HAUTAINE.
Les guerres du XVIe siècle se poursuivent au XVIIe siècle. Si elles touchent gravement les habitants, elles créent aux princes des difficultés financières terribles. Lever ces armées de mercenaires et moderniser l'armement sont des opérations qui coutent cher. Les impôts deviennent donc de plus en plus réguliers et importants. C'est ainsi qu'au début du XVIIe siècle un cadastre primaire appelé terrier est rédigé afin d’organiser la perception des impôts (1). Un autre moyen pour le prince de se procurer de l'argent est de vendre ou d'engager des seigneuries. En échange de sommes sou¬vent considérables, il cède à des particuliers la souveraineté sur une portion de son territoire. Le souverain abandonnait donc l'exercice du pouvoir civil et de la justice, la perception des impôts et différents droits qu'il s'était réservés. Dans le cas de Mozet il s’agit  non d'une vente définitive mais par engagère, c'est -à-dire temporaire; le prince, pouvait théoriquement reprendre le bien ainsi aliéné afin de le concéder à un autre à la suite d’une surenchère, le réintégrer dans son domaine ou le vendre de façon absolue.
La vente par engagère de la seigneurie hautaine de Mozet eut lieu le 7 septembre 1638 (2). Du Four déjà propriétaire foncier depuis 1622, l'acheta pour une somme de 2000 livres. «Cette somme - écrit le receveur général des domaines et des finances ira à payer des gens de guerre, des achats de poudre et autres munitions et provisions» (3).
La seigneurie hautaine de Mozet comprenait le territoire de Mozet, sans Goyet, Bas¬seilles et Mont-Sainte-Marie mais avec une partie de Jausse-les-Ferrons comme le montrent les dénombrements qui à chaque nouveau possesseur en exposent les limites et la consistance (4).

2. LA CONSTRUCTION DU CHATEAU.
Toutes les recherches effectuées pour trouver des précisions sur le château avant sa présentation en 1738-44 dans « Les Délices du pays de Liège» (5) ont été vaines. Nous reviendrons sur cette description, mais à défaut de date précise, il est possiblee de situer l'époque de construction du château.
Les spécialistes rattachent l'édification des nouveaux châteaux au phénomène d’engagère des seigneuries (6). Les acheteurs étaient toujours des propriétaires opulents enrichis par l'exercice de fonctions impropres à la noblesse ou par l'industrie. Ils trouvainet sans doute dans cet achat un placement d'argent mais ils appréciaient surtout le prestige de l'autorité qu'il leur conférait.
Ces nouveaux riches éprouvaient le désir et la nécessité de rénover les construction qui étaient le siège de la seigneurie.
Deux critères principaux vont les guider; le confort et la sécurité. Le nouveau château doit être un logis de plaisance pour un homme comme Du Four qui ne possède que cete seigneurie et aime s'y montrer et recevoir des amis. Mais il doit rester un bastion défensif pour lui et pour la population. En 1737 encore, le conseil provincial demande des mesures énergiques pour assurer la sécurité des habitants des campagnes qui n’osent plus se rendre aux champs (7).
A la suite des guerres, des troupes de brigands sillonnent la région, troupes formées de vagabonds, déserteurs et personnes qui ont dû quitter leurs terres. Les bâtiments seigneuriaux doivent donc en cas de danger abriter les paysans et le bétail.
Par conséquent les constructions vont prendre la forme d'un vaste quadrilatère enserrant une cour intérieure. L'aspect d'ensemble reste celui d'une forteresse avec échauguettes et tours d'angle. Les murs sont percés de rares ouvertures et entourés de fossés
Si l'on compare ce château type du seigneur gager du XVIIe siècle avec celui de Mozet la ressemblance est frappante. De même, Du Four ressemble au personnage du riche acheteur désireux d'asseoir son prestige. Vraisemblablement c'est lui qui a élever le château, lui qui possédait déjà la seigneurie foncière en 1622, qui achète seigneurie hautaine en 1638 et en restera propriétaire jusqu'à sa mort en 1658(8).
Un bref regard sur la liste de ses successeurs au XVIIe siècle confirme cette hypothèse. Son beau-frère Nicolas Nonet ne peut garder la seigneurie que quatre ans. Il la cède à Marc-Antoine Lambert, qui est obligé de vendre la seigneurie foncière 1667 puis hautaine en 1671 (9). L'acheteur est cette fois un grand seigneur, François de Corswarem, chevalier de l'ordre de Callatravie. Mais dès 1673 il achète à son la seigneurie de Faulx. Il est seigneur de Faulx avant d'être seigneur de Mozet où il ne réside pas (10).

3. Le CHATEAU AU XVIIIe SIECLE.
« Les délices du pays de Liège et de la comté de Namur» ouvrage précieux pour l’histoire des principaux monuments de la région fournit une description précise du château de Mozet au début du XVIIIe siècle. Deux dessins de Remacle Leloup destinés primitivement à illustrer ce livre complètent le texte (11).
Voici comment De Saumery nous parle:
« Le château est environné d'une vaste pelouse plantée d'arbres qui lui tient lieu d’avant-cour. On y trouve premièrement un pavillon percé de deux grandes arcades, qui forme la première entrée et joint deux bâtiments uniformes destinés à des usages rustiques.
Le corps de logis se présente en face flanqué de quatre petites tours et accompagné de deux bâtiments collatéraux auxquels il communique par deux galeries couvertes et fermées de balcons. La principale face de cet édifice est opposée à la cour et règne sur une large terrasse revêtue de pierres de taille, où l'on a construit un parterre, qui tire son plus grand avantage du charmant paysage, que lui forme un vallon spatieux et peu profond, dont les champs mêlés de bocages et séparés par plusieurs chemins bordés d’arbres, forment un croissant bordé de grands bois de haute futaie. On entre du coté de la basse-cour par un large perron qui enfile un escalier large et bien proportionné au bout duquel est une chapelle bien propre, ouverte en arcade sur une grande salle qui communique de plein pied aux appartements du premier étage. Ce château en a deux qui sont également bien entretenus et dont les diverses pièces se communiquent par des corridors bien ménagés, outre les offices qui sont placés au rez-de-chaussée et qui se distribuent en divers lieux de commodité indépendamment des caves qui sont au-dessous» (12).
Les fossés et le pont-levis qui devaient protéger le château au XVIIe siècle ont : disparu, mais les ouvertures étroites restent; le rez-de-chaussée et le second étage ne s'ouvrent que sur des meurtrières (13). Les échauguettes disparaîtront à la fin siècle pour faire place aux deux tours carrées actuelles. Ces travaux furent  effectués  entre 1771 et 1806 ; sur la carte de Ferraris (14), le plan du château présente la même configuration qu'en 1744. Par contre en 1812 sur le cadastre primitif, (15) le quadrilatère est parfait; il a été complété par l'adjonction des deux tours latérales.

4. LES DERNIERS SEIGNEURS DE MOZET.
Après Du Four et les Corswarem, trois familles se succèdent à Mozet: de Hemricourt, de Haxhe et de Ghisels.
La seigneurie ne porta pas chance à ses propriétaires. Le receveur de Narnur, Pierre-Lambert Posson saisit la seigneurie hautaine et le chapitre de St Aubain à Namur la seigneurie foncière en 1709, parce que Ferdinand Conrad de Haxhe était en retard dans le payement de rentes (16). Richard de Hemricourt paya les dettes et racheta la seigneurie. En 1735 les premières difficultés survinrent pour son fils et en 1743, un huissier «du Souverain Bailliage» fit mettre arrêt sur tous les biens du seigneur en raison du non-paiement d'un transport fait pour le compte de feu son père (17). Les De Ghisels rachetèrent finalement la seigneurie en 1744 et furent les derniers seigneurs d'ancien régime.
Richard de Hemricourt était seigneur de Ramioul; Sart; Seron; Meffe etc... il réside à Liège et c'est de là qu'il envoie ses lettres de nomination aux maïeurs (18). Quant à Nicolas-Joseph-Denis de Ghisels, il est grand greffier de la ville, cité, pays et souveraine justice de Liège (19).
L'un et l'autre habitent peu à Mozet. Le fermier disposait de tous les bâtiments de la ferme sauf le pigeonnier et une écurie dans l'aile droite en entrant par le nord. Le châ¬teau était laissé à la disposition du seigneur qui y résidait quand il le voulait (20).
La tourmente révolutionnaire n'épargne pas Mozet. De mai à novembre 1790 lors de la Révolution Brabançonne, les troupes de l'armée Belgique ont occupé le château et l'ont transformé en hôpital et prison. Les bâtiments ont subi des dommages; des portes, des vitres, des serrures, des meubles brisés. Les soldats ont emporté de la lin¬gerie et de la vaisselle. Une autre conséquence grave de ce passage est la perte d'une quantité d'archives ; le coffre a été détruit à coups de sabre, les archives ont été épar¬pillées et beaucoup ne purent être récupérées (21 ). Le camp de Mozet comprenait le régiment de West-Flandre, les dragons du Hainaut et ceux de Deberstein (22).
Pendant le mois de décembre 1792, les soldats de la légion des Ardennes au ser¬vice de la République Française pillèrent la ferme du château. Les pertes furent es¬timées à 2806 florins. Six chevaux furent notamment volés mais l'on en retrouva un à Dinant et deux à Bouvignes (23).

 

Partager cet article

Articles similaires

Dernières mise à jour

En ligne dernèrement
General update: 19-01-2012 07:54
Scroll Up