La charte
{styleboxjp width=500px,float=left}"A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, orront, Guilleames, cuens de Namur, salut et cognoissance de vérité. Cognute chose soit à tous et à chacun por ly que, pour le proffict et évidente utilité de noz, hoirs et succeseurs, comtes de Namur, nous avons donné et ottroyé, donnons et ottroyons, à tous les ferrons qui tiennent noz forges à eawe à Marche sur Meuze et qui les tenront, eulx, leurs hoirs ou leurs remanans à toujoursmais, héritablement, telles franchises, droictures et libertéz comme cy après s'ensuit :
A sçavoir premier, noz vollons et à ce de bonne vollenté noz consentons qu'ilz soient quictes de tailles, de crevée, de tounier, de coustumes et de tous aultres services indeuz, aussy d'oste et de chevauchie, sy ce n'est por noz païs à deffendre; et les prendrons en nostre sauvegarde et protection et tous les ouvriers et myneurs, quy ausdites forges apartienntn et apartenront.
Et ne doidvent ne ne debveront lesdis ferrons, leurs hoirs ou leurs remanans, les ouvriers ou mineurs qui ausdites forges apartienent et apartenront estre trais en cause, en quelconque manière que ce soit, pour nulz cas, pardevant nulz de noz justiciers dedens nostre ville de Namur ou de nostredit comté, sy ce n'est por villain cas, asçavoir sont : mort d'homme, trieuwes brisées, rapt de femmes, arsins de maisons, larrechin, cop de coutial et mambre tollir ou affolure; et de tous aultres meffais, ainsy que cy dessus est devisé, nous vollons et ottroyons et à ce nous consentons que, en tant que nous, noz hoirs et successeurs, comtes de Namur, apartient ou apartenrat, qu'ilz en soyent corrigiez par les mayeurs et les juréz de leur mestier de forge, par nostre conseil ou de nostre recepveur, qui ore est ou qui adont le seroit pour le tems; dont l'amende fourfaicte partugier serat la moitié pour noz, noz hoirs et successeurs, comtes de Namur, et l'autre moitié de ladite amende serat audit mayeur et juréz esleuz, qui les malfacteurs corrigeront.
Lesquels ferrons desdites forges nous avons quicté le poix, quictons et absolvons à toujoursmais, héritablement, et ne payeront de leur fier point de poix, par toute nostre comté de Namur, soit dedans franchise ou deffors.
Encor vollons nous et ottroyons que leurs hoirs et leurs remanans puissent ouvrer fier, ou faire ouvrer tous tels ouvraiges de fier, sans faire achier que on fait et ferat aux aultres forges qui sont au pont au Weys, sur la rivière de Hoyoul en nostre comté de Namur.
Encor vollons nous et ottroyons que nulz marchants quelques ils soyent, qui asdis ferrons marchanderat ou achapterat denrées de leur mestier desdites forges, qu'il soit ou soient quicte de tounier et de ferté, sans rien payer à noz ne à aultruy de par noz.
Encor est asçavoir que ce que on debverat asdis ferrons, leurs hoirs, leurs remanans et leurs ouvreirs que ilz auront crû dedens nostredit comté de Namur, à l'occasion du fier de leursdites forges et des marchandises de leurs forges, si avant qu'ilz le poldront bien monstrer, ou que on leur doibt ou debverat, nous leur debvons sans plainte et sans amende faire payer sy les debteurs ont tant vaillant.
Et s'il estoit ainsy que lesdis ferrons, leurs hoirs, leurs remanans ou leurs ouvriers et mineurs qui les serviront, trouvassent aultres mines que du fier ou d'achier, en quelconques lieus et en quelconque manière que ce fuist dedens nostredit comté, ils le doibvent, par leur serement et sur telle peine qu'il affiert, faire sçavoir à noz ou à nostre recepveur de nostredit comté, sans délay.
Encor est assçavoir que tous lesdis ferrons et mineurs de leur mestier doient avoir en noz bois estaches de bois pour leurs fosses de myne, et tout ce qu'il leur fauldrat de bois pour leursdites fosses à détenir.
Et sy lesdis ferrons ou myneurs, lequel d'eulz que ce fuist ou fussent, fuist par eulz ou par leurs ouvriers, trouvast ou touvassent mynes, en quelque lieu que ce fuist dedens nostre comté, qu'on dit que ce soit assay (sic), cilz qui les trouveroit ou trouveroient, soit par ly ou par leurs ouvriers, doibt avoir quattre toises entours ly, et de plus près ne le puelt ung aultre ouvrier aprocher ny ouvrer dedans les quattre toises.
Et aussy tous lesdis ferrons présens et advenir doient avoir du bois en noz bois, des hartes pour lier leurs fiers, bois por ramons, por scouvelettes, por manches de coignée et de marteaux.
Encor debvons noz lilivreir asdits ferrons et mineurs, et à leurs cherrons qui leurs chariront mynes de charbon à leurs forges, terroit paisible por prendre mynes ou mener minne, charbon et arsille ès forges dessudites.
Et aussy leur debvons noz livreir voye paisible dessoubz noz pour aller charoieir et meneir ce que besoing leur serat por leursdites forges; et s'ils y alloient, charoient ou menoient ce que besoing leur serat sur héritaige d'aultruy, rendre et restoreir en debveroient le domaige convenablement, audit et ordonnance de nostredit recepveur.
Encor devons noz livrer asdis ferrons, leurs hoirs ou remanans, au rivage de Meuze à Marche, arbres por faite tourneir les rewes de leursdites forges, touttes les fois que besoing en auront, sans malengien.
Et por touttes les chouses et raisons dessudites, lesdis ferrons, leurs hoirs et remanans, doient rendre à noz et noz hoirs et successeurs, comtes de Namur, à toujoursmais, héritablement et bien payer chacun an, ou à nostre recepveur de nostredit comté, telles sommes d'argent dont ilz sont tenus de payer et contre-payer, chascun por ly, sy savant qui se contient en noz papiers et noz rentes et escriptz de nostre recepveur, qui encor est recepveur pour le tems, desquelles forges et accenses dessudites.
Se il est ainsy en nul temps à venir que l'ung desdis ferrons ou plusieurs se voulist ou voulissent partir desdites forges, faire le poldroit ou poldroient, parmy le contrepant qu'ils en auroient donné, et ne le poldroit ou ne le debvroit on plus avant demander, ne riens presser eulx, ne leurs hoirs et remanans, en nul temps à venir.
Et pour che que touttes lez choses dessudites doient fermes et estables et mieulx tenues en mémoire, noz, Guilleaumes, cuens dessudit, avons faict meetre nostre propre séel, en signe et en tesmongnaige de vérité, à ces présentes lettres, qui furent faictes et données l'an delle nativiteit de Nostre Sangour 1345, le jeudi nuict de Saint Symon et Saint Jude, aposteles."
Cette charte est l'un des plus anciens documents officiels conservés sur notre continent (a l'exeption de l'Angleterre) qui traite des conditions des ferons. Elle comprend deux sortes de clauses : des Privilèges et des obligations. (Décris par A Gillard)
Les Privilèges
Les ferons sont exempts des tailles[3], des tonlieux[4] et des corvées ainsi que du service militaire, sauf en cas d'invasion du pays.
Les ouvriers de forges, y compris les mineurs, ne peuvent être cités en justice que devant une cour spéciale composée d'hommes de leur métier sauf pour certains cas graves.
Les ferons sont libérés de l'obligation de faire peser leurs produits à la balance comtale.
Les marchands qui font le commerce du fer fabriqué dans le comté, sont exempts de tonlieux et de l'impôt prélevé pour les fortifications.
Le comte s'engage à faire payer les dettes dues aux ferons à la condition qu'elles soient prouvées et que les débiteurs soient solvables.
Le comte fournit aux ferons le bois nécessaire à l'étançonnage[5] de leurs fosses de mines, à la confection de leurs outils ainsi que les arbres des roues hydrauliques de leurs forges, chaque fois qu'ils en auront besoin.
Le ferons découvrant un gisement de fer en acquiert le monopole d'exploitation. A cette fin, on lui accorde 4 toises[6] de terrains.
Le comte garantit aux ferons, aux mineurs et à ceux qui transportent aux forges "les mynes de charbon"[7] l'espace nécessaire à l'extraction des mines, ainsi que la libre circulation des chariots qui les amèneront aux forges.
Les obligations
Les ferons qui découvrent des mines "autres que de fer ou d'acier", doivent le signaler au receveur du comte.
Les ferons doivent rembourser les dommages que le transport de leurs matières premières pourrait occasionner à autrui.
Ils payeront régulièrement ce qu'ils doivent au comte[8].
Ils doivent fournir un "contrepan"[9] moyennant quoi ils peuvent abandonner leurs forges s'ils le désirent.
Les ferons de Marche ne peuvent produire l'acier. La fabrication en est réservée aux forges de "Pont aux Weiss" à Jausse.