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Date de publication
Depuis la nuit des temps (texte emprunté sur "
sentiers.be")
Si on se réfère à la définition du dictionnaire, les chemins et sentiers sont qualifiés de « vicinaux » lorsqu’ils mettent en communication des villages entre eux. Leur origine est si ancienne qu’elle échappe à la mémoire des hommes. C’est probablement lorsque les premiers groupements humains sont apparus que les individus se sont trouvés des besoins communs et qu’ils ont tracé des voies pour aller chercher de l’eau, du bois, pour aller aux champs, etc.
Le néolithique (5000 à 2500 avant J.-C.) va marquer une révolution dans le mode de vie humain avec l’apparition de la sédentarité et de l’agriculture. C’est à cette époque que remonte le tracé du réseau de base de la plupart des chemins ruraux.
« Quand, dans certaines régions on va d’un village à l’autre, il y a gros à parier que des parties de l’itinéraire suivi ont été tracées par nos lointains ancêtres du IIIème millénaire avant J.-C. » (NEURAY, p.137). Le tracé de ces chemins était adapté à la topographie du lieu et représentait en général le trajet le plus pratique pour se rendre vers les terres de cultures situées hors du village.
Les celtes et les romains
Les Celtes de l’époque de la Tène (450 à 50 avant J.-C.) connaissaient l’usage des charrettes et charrues tractées par des animaux. L’utilisation de ce type de machine agricole va allonger la forme des champs et ainsi modifier le tracé ancien du réseau de chemins. C’est également à cette période que la technique des chemins creux se répand dans toute la Gaule (NEURAY, p.143).
Quand, en 58 avant J.-C., César arriva en Gaule, notamment en « Belgica Prima », il fit construire un important réseau de communications routières dans des buts stratégique et commercial. Ces chaussées romaines reliaient les agglomérations urbaines entre elles et certaines reprenaient le tracé des anciennes voies gauloises. Au réseau de chemins en étoile datant du néolithique va alors se substituer une trame régulière et parfois même orthogonale résultant de la division des terres en « centuriationes » [1].
L’évolution des chemins et sentiers était intimement liée à la forme des parcelles agricoles et donc au développement de l’agriculture.
Le moyen-âge
Durant le Moyen-Age, on avait oublié la notion de droit romain selon laquelle les chemins appartiennent à tout le monde. Les seigneurs en faisaient leur domaine particulier et percevaient un droit de passage plus ou moins onéreux. A chaque chemin et sentier étaient associés un usage et des caractéristiques physiques.
Une sentence de 1368 du trésorier général du Brabant renferme une nomenclature des chemins avec leur largeur. Un texte presque semblable se retrouve dans une ordonnance de Charles-Quint datant de 1510. Les largeurs déterminées pour le Hainaut étaient de quarante pieds [1] pour un chemin royal, sept pieds pour une voie de char, cinq pieds pour une voie à cheval, trois pieds pour une piedsente, etc. (DE SOIGNIES, p.45).
Des voiries mal entretenues
En ce qui concerne l’entretien de la voirie, une ordonnance du 18 mai 1536 précise que les propriétaires ou locataires des terrains qui bordent les chemins doivent entretenir ces derniers. S’ils ne peuvent en supporter le coût, les réparations seront faites aux frais communs des paroisses [1] et seigneuries [2].
L’ordonnance prescrit ensuite de creuser des fossés ; de curer les cours d’eau le long des chemins ; d’élaguer et d’arracher les arbres, haies et taillis qui se trouvent dans les chemins et sur les côtés ; de faire entretenir les ponts, les pavés et les passages par ceux que cela concerne (DE SOIGNIES, p.46).
Cette tâche appelée « corvée » représentait vingt à trente jours de travail par an et fut abolie par Louis XIV.
Vers 1700, les voies de communication sont encore rudimentaires et le problème des transports se pose de façon cruciale face au développement de la politique et de l’économie de notre pays. La plupart des chaussées antérieures au XVIIIème siècle ne sont que des chemins de terre recouverts de pavés, de moellons ou de graviers. Ces « grands chemins » sont impraticables une partie de l’année. Ils sont mal entretenus par les riverains et les fermiers n’hésitent pas à se les approprier pour étendre les limites de leurs champs.
Ordre et cartographie
A la fin du XVIIIème siècle, le réseau de communication est constitué d’une juxtaposition de petits réseaux rayonnant autour des villes les plus importantes. De cette période, datent les cartes topographiques des Pays-Bas autrichiens dressées par le général de FERRARIS (1777). Ces cartes reprennent notamment les tracés des anciens chemins empierrés ou pavés.
L’occupation française (1795-1814) va léguer à la Belgique une administration des ponts et chaussées et une classification des routes selon leur importance. Ce système sera repris sous le régime hollandais de GUILLAUME D’ORANGE (1814-1830). Les compétences en matière de création et d’entretien des routes seront réparties entre l’Etat et les provinces.
La loi de 1841
Après la révolution de 1830, la Belgique va engager un vaste plan de développement des réseaux de communication. Les communes vont alors améliorer les chemins vicinaux jusque là négligés.
Le 10 avril 1841, la loi sur la voirie vicinale est créée. Ce fut le point de départ de l’établissement de notre réseau de chemins et sentiers. Cette loi va ordonner la délimitation et le recensement des chemins ainsi que leur inscription dans un atlas. Elle va mettre en place des procédures précises pour la création, la suppression et le déplacement des chemins et sentiers. Elle va également astreindre les communes à veiller à l’entretien de la petite voirie et prévoir l’octroi de subsides pour les réparations de celle-ci.
Les effets de cette loi furent immédiats et des kilomètres de voiries vicinales furent construits. Toutefois, leur qualité laissait souvent à désirer. Leur tracé était sinueux, étroit et leur revêtement peu solide. En 1840, il n’y a encore que 3.040 km de chaussées vicinales. Dix ans plus tard, on en compte 6.376 dont un tiers empierrés.
Le chemin de fer
Vers 1874, la Belgique comptait 7.250 km de grands-routes et 17.500 km de chaussées vicinales. Le développement croissant du chemin de fer va alors provoquer un désintérêt à l’égard des routes. La petite voirie, qui ignore la concurrence des trains, continue de s’étendre. « De 1851 à 1900, elle engloutit plus de 300 millions et s’accroît de 26.000 km de »chaussées vicinales« , la plupart pavées et empierrées, quelques-unes, en Flandre occidentale, simplement ensablées » (GENICOT, p.60). L’Etat va alors étendre son réseau de grands-routes en y incorporant d’anciennes chaussées concédées et vicinales. Beaucoup de « chemins de grandes communications » vont ainsi être repris à la charge de l’Etat.
Il semble donc qu’à la fin du siècle dernier la voirie vicinale était en pleine expansion. Son tracé convenait d’ailleurs très bien à la circulation des vélos apparus durant cette période.
L’automobile
Avec le XXème siècle, l’automobile va faire son apparition et le réseau routier va devoir s’adapter à ce nouveau moyen de transport. La motorisation va également s’emparer des campagnes. L’adaptation de l’agriculture aux techniques modernes et les vastes opérations de remembrement vont transformer le paysage rural.
Un lent déclin
Les chemins qui étaient intimement liés aux déplacements dits lents et aux vieilles structures agraires vont perdre leurs usages d’antan et leur raison d’être. Les voies anciennes sont comblées et remises en culture. Beaucoup d’entre elles vont être élargies, asphaltées et ainsi perdre leur physionomie d’origine. D’autres vont tout simplement disparaître.
Les chemins subsistants sont devenus impraticables. Ils ont été coupés, détournés et ne constituent plus des réseaux de communication à part entière. Des chemins de remembrement, tracés selon une trame orthogonale, vont remplacer certaines des anciennes « piedsentes » et ainsi modifier radicalement le paysage de nos campagnes.
Un regain d’intérêt
Actuellement, les chemins et sentiers sont utilisés par un nombre très variés de personnes aux intérêts parfois contradictoires. Face aux besoins croissants en mobilité, à l’évolution des modes de transports et à la demande en loisirs (promenade, VTT...), la petite voirie communale représente un potentiel non négligeable en terme de mobilité douce et de découverte de la région.
Ce regain d’intérêt de la part du grand public ainsi que la nécessité d’évoluer vers une mobilité alternative plus douce nous prouve que ces « sentes » ont plus que jamais leur place dans notre société moderne et qu’il est urgent de les protéger par une législation équitable et tournée vers l’avenir.