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En 1865, la Société archéologique de Namur fit pratiquer des fouilles dans les jardins et les terres des ruines de l’antique château de Samson sur les bords de la Meuse. Elles amenèrent la découverte d’un cimetière de l’époque franque. Environ 250 cadavres, tant de guerriers que de femmes y furent inhumés.

Parmi les plus beaux objets recueillis à Samson, on remarque un Angon entier.

ANGON DES FRANCS.

C’est une des armes les plus rares et les plus curieuses dont il soit fait mention dans l’histoire. Elle semble avoir appartenu plus spécialement aux Francs. Du moins, jusqu’à présent, les historiens ne l’ont accordée qu’à eux seuls. L’archéologie qui est appelée à contrôler l’histoire écrite, a confirmé sur ce point toutes les assertions, car un ou deux spécimens de cette arme, signalés en dehors des terres mérovingiennes, ne sauraient infirmer la règle générale. L’ancien auteur qui, le premier, et presque le seul, ait traité de l’Angon des Francs, est Agathias, écrivain des bas temps qui, au second livre de son Histoire du règne de Justinien, décrit cette arme de jet à peu près en ces termes : « L’Angon, dit-il, est une pique qui n’est ni trop longue, ni trop courte. C’est une arme de jet qui peut être lancée au besoin, mais qui est également propre à la défense et à l’attaque. Cette javeline, en effet, est presque entièrement en fer, si bien qu’on n’y trouve de bois que ce qui suffit pour la poignée. À l’extrémité supérieure de l’arme (c’est-à-dire la pointe) sont deux espèces de crochets recourbés vers la hampe et assez semblables aux crochets d’un hameçon. Lorsque l’Angon est jeté sur un ennemi et qu’il pénètre dans la chair, il s’y engage tellement qu’il ne peut en être extrait sans rendre la blessure mortelle, quand même elle ne le serait pas d’abord. Si, au contraire, le fer frappe sur l’appendice du bouclier, il y reste engagé parce que les crocs dont il est muni rendent toute extraction impossible. Il demeure alors suspendu, balayant la terre par son extrémité. À ce moment, le Franc se précipite sur son ennemi, met le pied sur le manche du javelot, découvre le corps de son adversaire et le tue avec son glaive. Quelquefois l’Angon attaché au bout d’une corde (comme la lance à son amentum) sert, en guise de harpon, à amener tout ce qu’il atteint. Pendant qu’un Franc lance le trait, son compagnon tient la corde, puis tous deux joignent leurs efforts, soit pour désarmer l’ennemi, soit pour l’attirer à eux par son vêtement ou par son armure. »

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C’est à propos de la bataille de Casilinum en Campanie, gagnée vers 555 par Narsès sur les Francs et les Allemands, qu’Agathias décrit cette arme exceptionnelle et terrible. Procope et Sidoine Apollinaire nous en laissent seulement soupçonner l’existence. Tous les historiens, et surtout les antiquaires, se sont préoccupés de l’Angon. Ce n’est pourtant que de nos jours qu’il a été permis, à l’aide de découvertes précieuses, d’établir sa forme véritable. Le père Daniel et Ribauld de la Chapelle s’étaient fait de cette arme des formes imaginaires ou fantaisistes. Les dessins qu’ils nous en ont laissés prouvent combien la seule étude des textes est insuffisante pour faire revivre les monuments de l’Antiquité. Dès 1853, M. Wylie, antiquaire anglais, se préoccupait de l’Angon au point de vue monumental et il crut un moment l’avoir trouvé dans une javeline barbelée du Musée d’artillerie de Paris. C’était une erreur. Mais l’année suivante, cette arme mystérieuse apparaissait sur plusieurs points de l’ancien territoire mérovingien et elle s’offrait d’elle-même à deux observateurs qui ne s’en préoccupaient pas. La première découverte se fit en 1854, dans ce précieux cimetière d’Envermeu, qui, en huit années, nous a révélé à peu près toute l’archéologie franque. En 1855, pareille trouvaille se  renouvelait dans les mêmes conditions et dans le même champ de sépultures. À la même époque, trois cimetières rhénans des anciens Ripuaires présentaient à M. Lindenschmidt cinq Angons bien constatés, lesquels avaient trouvé un refuge dans les musées de Wiesbaden, de Mayence et de Darmstadt.

La description et le dessin donnés par l’archéologue allemand étaient si probants et si démonstratifs que les antiquaires de Londres s’empressèrent de les reproduire dans les pages de l’Archœologia, le premier recueil archéologique de l’Angleterre et peut-être de l’Europe. Les deux Angons d’Envermeu ont un mètre de longueur. Ils sont entièrement en fer, mais ils possèdent au bas de la hampe une douille qui reçut autrefois un manche de bois. Ce manche qui dut être court ne consistait guère qu’en une poignée qui ne devait pas excéder 40 à 50 centimètres. Ce manche devait être arrondi comme celui des lances. Du reste, la douille de l’Angon est ronde et la hampe est circulaire dans toute sa longueur. La pointe seule est quadrangulaire, et sous un des angles s’ouvraient deux ailes ou crochets de fer que la rouille a soudés à la hampe. La pointe mesure 10 centimètres de longueur et les ailerons 5 seulement. MM. Akerman et Lindenschmidt s’accordent parfaitement avec M. l’abbé Cochet dans la description qu’ils nous font des Angons des bords du Rhin ; tous deux aussi regardent ces cinq pièces teutoniques comme conformes à celle que décrit Agathias et à la peinture que fait l’Egil’s Saga de la lance de Thorulf. « Les pointes quadrilatérales de ces javelines, dit M. Akerman, sont très remarquables. Elles diffèrent de toutes les autres têtes de lance de cette période et ressemblent aux pointes de flèches et de hallebardes du moyen-âge, et aussi aux pointes de différentes épées et de poignards faits pour percer les armes défensives. » Dans presque toutes ces têtes de lance, observe M. Lindenschmidt, les barbes sont serrées contre la hampe, comme si elles y eussent été appliquées fortement par quelque corps solide. Celles de Wiesbaden et de Darmstadt sont aussi ployées, comme si elles avaient servi à la guerre.

L’Angon si bien déterminé et si nettement défini par les découvertes des bords de l’Eaulne et du Rhin, s’était déjà montré précédemment sur le sol de la France, mais il n’y avait pas été reconnu. C’est ainsi que l’on peut citer plusieurs apparitions de cette arme sans qu’on y ait pu déterminer sa nature. La première eut lieu près de Verdun en 1740, dans la tombe d’un chef franc, dont le contenu fut confié à l’expérience du savant Schœpflin. L’illustre alsacien ne reconnut dans les fragments rouillés qui lui furent remis qu’excesum scabra rubigine telum (javelot rongé par une rouille rugueuse). M. Baudet, de Dijon, paraît avoir tiré deux Angons du cimetière burgonde de Charnay (Saône-et-Loire), exploré en 1838 ; Reinennecourt, en Lorraine, semble à M. l’abbé Cochet avoir donné un Angon en 1838 ; un quatrième a été signalé à Reims chez M. Duquesne. Tout porte à croire que M. Lindenschmidt en trouva un, en 1846, dans le cimetière de Selzen, près Mayence. Enfin, M. Houben paraît avoir rencontré l’Angon dans ses riches fouilles de Xanten. Dans la dernière livraison de tes Collectanca antiqua, M. Roach-Smith reproduit une javeline qui a toute l’apparence de l’Angon des Francs. Cette arme a été trouvée, en 1859, dans un tombeau du Kent, qui renfermait en sus un couteau, une lance et un bouclier. Outre cet Angon du Kent, l’archéologue anglais prétend qu’un javelot de la même famille a été trouvé par le docteur Bruce aux environs du mur d’Adrien, en Écosse ; mais cette attribution, quoique déjà mise en avant par M. Wylie, paraît moins fondée que la première ; elle est contestée par M. Akerman.                  .

M. l’abbé Cochet croit avoir reconnu l’Angon sur la monnaie des premiers rois francs. La Bibliothèque nationale de Paris possède sept pièces d’or au type de Théodebert. Ce roi guerrier est représenté tenant de la main droite une javeline dont le manche perlé pose sur l’épaule droite, passe derrière le cou et reparaît au côté gauche de la tête. C’est alors qu’on voit la pointe de l’arme munie de deux ailes absolument comme les Angons d’Envermeu et des bords du Rhin. La même particularité se remarque sur une monnaie d’or de Sigismond, roi des Burgondes, du commencement du vie siècle. La présence de l’Angon sur les rois guerriers de ce temps, prouverait que cette javeline barbelée était une arme d’élite portée même par les chefs militaires. Chaque fois qu’elle s’est rencontrée dans les tombes, elle était toujours sur des leudes qui portaient avec elle la lance, l’épée et le bouclier. (Notice rédigée par M. l’abbé Cochet en 1864 et illustrée de trois dessins d’Angons gravés sur bois).

En 1865, la Société archéologique de Namur fit pratiquer des fouilles dans les jardins et les terres des ruines de l’antique château de Samson sur les bords de la Meuse. Elles amenèrent la découverte d’un cimetière de l’époque franque. Environ 250 cadavres, tant de guerriers que de femmes y furent inhumés. Près des guerriers, jeunes ou vieux, se trouvaient des armes et des objets d’équipement ; près des femmes, leurs ornements et leurs parures ; à côté du plus grand nombre, sans distinction d’âge ou de sexe, le vase de poterie ou de verre et parfois le seau, la marmite, le bassin de bronze, puis enfin la pièce monnaie. Les nombreuses monnaies trouvées fournissent d’utiles renseignements. Elles appartiennent à diverses époques, depuis l’an 98 où commence le règne de Trajan jusqu’à l’an 534 où finit celui d’Athalaric. On peut donc en inférer que ce cimetière appartient au vie siècle et en partie aussi au ve siècle. Parmi les plus beaux objets recueillis à Samson, on remarque un Angons entier ressemblant à celui d’Envermeu, des fers de javelot et de lance, une hache, une bague, un verre à boire, une poignée d’épée, des bouts de ceinturon, un stylet, une agrafe, des grains de collier, une boucle, une garniture carrée de coffret et une pince à épiler.

Dans son ouvrage intitulé Les Armes et les Armures, publié à Paris en 1877, M. Lacombe cite seulement la description de l’Angon par Agathias, mais il ne connaît ni la forme, ni le nom, ni la nature réelle de cette arme. Il prend l’Angon pour un javelot ordinaire. Du reste, cette ignorance est excusable, parce que la notice si lucide et si décisive de l’abbé Cochet lui était inconnue.

« Les guerriers francs étaient extrêmement adroits au maniement des armes. En dehors de l’épée, du coutelas, du poignard, ils utilisaient la francisque, la framée et l’angon. La première leur servait à commencer le combat. C’était une hache à manche court, qu’ils jetaient sur l’ennemi en visant la figure. La framée était une lance en bois terminée par une pointe plate en fer. Quant à l’angon, javelot de fer dont la pointe était munie de crochets afin qu’elle pût s’attacher solidement, tantôt ils le lançaient au bout d’une corde et essayaient de tirer à eux celui qu’ils avaient atteint, tantôt, quand ils combattaient de près, ils le fichaient dans le bouclier de l’adversaire et, pesant de tout leur poids sur le bout qui pendait, ils forçaient l’ennemi à se découvrir et à s’offrir sans défense à leurs coups. »

Le guerrier franc : 

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1. Lance : cette arme offensive (appelée aussi framée) dotée d’un embout de fer emmanché sur une hampe de bois devient un angon (petit javelot) quand sa pointe est munie de deux crochets redoutables. Ils se fichent profondémént dans le bouclier qui est déséquilibré et oblige l’adversaire à se découvrir.

- 2. Francisque : hache de jet avec un côté en S et que le guerrier franc lance en la faisant tournoyer dans les airs afin d’atteindre sa cible (souvent le crâne de l’adversaire !) avec plus de force.

- 3. Scramasaxe : épée courte (60 cm), à un seul tranchant, souvent portée dans un fourreau avec un coutelas, c’est l’arme la plus fréquente du chef qui trouve, à travers elle, l’autorité qui lui est rattachée.

- 4. Epée longue : arme de poing à deux tranchants, elle est appelée spatha et se distingue de l’épée courte, également à deux tranchants, appelée semispatha.

- 5. Bouclier : de bois ou de cuir, la bosse centrale ou cache-poing, appelée l’umbo, est souvent la seule partie conservée.

- 6. Fibule : cette épingle de métal ferme les vêtements sur l’épaule ou les rattachent entre eux. En bronze ou en fer, elle peut être incrustée de pierres ou de métaux précieux comme le sont les plaques-boucles (voir article ci-dessous).

- 7. Plaque-boucle : les plaques de ceinturon se composent d’une plaque et d’une contre-plaque. La qualité de ces éléments permet de déterminer le rang social de l’individu et donne un aperçu du haut degré de technicité des artisans mérovingiens. Pour fabriquer une plaque-boucle, l’orfèvre plaque une mince feuille d’or ou d’argent sur le métal. Puis, il incruste les fils d’argent ou de laiton dans des rainures incisées à la surface du métal. C’est la technique de la damasquinure. Inspiré de l’artisanat romain mais aussi du monde scandinave, le style mérovingien décline les décors animaliers, les motifs géométriques et les entrelacs. A partir du VIe siècle, les décors, symétriques, représentent souvent des animaux couplés ou affrontés.

 


 

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General update: 19-01-2012 07:54
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