D. ORGANISATION ADMINISTRATIVE.
Sous l'ancien régime la communauté était formée de personnes unies par des des obligations et des interêts communs. La communauté était une personne morale. Elle possédait des biens, elle devait en répartir la jouissance de façon équitable, les défendre contre les interêts particuliers et contre les étrangers, elle pouvait les louer,, aliéner ou vendre si le besoin s'en faisait sentir. Elle avait aussi des charges. Une admi¬nistration solide était donc nécessaire.
En théorie le seigneur est le chef qui veille aux intérêts du village. Ses représentants, maïeurs et échevins jouaient un rôle important dans l'organisation administrative. Mais les habitants, «-ceux de la communauté» participaient aussi à la plupart des décisions par l’intermédiaire des assemblées de communauté «les plaids généraux».
1.LES PLAIDS GENERAUX.
Les plaids étaient des réunions publiques des chefs de ménage (hommes et veu¬ves) destinnées à régler des questions administratives et judiciaires. Ils procédaient directement des « placita generalia» qui fonctionnaient sous la monarchie franque (1).
Ils ont ainsi une origine très ancienne: depuis Charlemagne, ils se tenaient trois fois par an. aux Rois (6 janvier), à l'époque pascale et à la Saint-Remy (1 er octobre). Le seigneur à l’origine puis le maïeur présidait l'assemblée. A Mozet, les procès-verbaux des plaids sont conservés depuis 1672 mais de façon très irrégulière (2). A cette époque les chefs de ménage se reunissaient au château après convocation du sergent. La scéance se déroule selon un ordre précis.
D’abord l'officier du seigneur rappelle les règlements, ordonnances royales coutumes locales. Il fixe ensuite les amendes pour les personnes prises en infraction par le sergent.
Les textes des plaids généraux réunissant les réglements et les jugements des petits délîts, donnent un aperçu de la vie dans la communauté (3). Il était interdit de fré¬quenter les cabarets pendant les offices divins, de même que le soir après 22 h en été ~: 2 * n en hiver. On ne pouvait travailler le dimanche qu'avec la permission spéciale du curé et après en avoir averti le maïeur ou un échevin. En général ces prescriptions étaient respectées. Parmi les mesures préseiyants droits du seigneur, la plus dure semblait être l'interdiction de chasser. Les braconniers étaient nombreux car pour les petits manants, la viande était rare (4). Nous avons déjà parlé des nombreuses infrac¬tions aux règlements sur les biens communaux (5). La communauté devait aussi se protéger des habitants des villages voisins qui parfois voulaient profiter de ses biens (6). En général la collectivité redoutait l'arrivée d'étrangers qui aurait réduit leur part dans les émoluments communaux (7). D'autre part elle craignait que les nouveaux venus ne troublassent l'ordre ; il était défendu de louer une maison à un étranger sans la permission de l'officier et sans s'être assuré des bonnes moeurs de l'individu (8).
Après avoir lu les règlements et fixé les amendes, le maïeur collectait toutes les re¬devances dues au seigneur pour la jouissance de la terre ainsi que pour la taille et le ra¬chat du droit de mortemain (9).
En fin de séance l'assemblée délibérait et votait les décisions concernant les biens communaux. Par exemple on mettait en adjudication l'entretien des chemins pour trois ans. L'adjudicataire devait les remettre en état deux fois par an, après l'hiver et en septembre - octobre (10). Lorsqu'aucun amateur ne se présentait, la commu¬nauté devait se charger du travail, elle fixait le salaire par journée à payer aux manou-vriers (11). Dans des circonstances extraordinaires, les manants pouvaient décider de vendre une partie des «communes»; en 1747 ils mettent à prix des chênes et hêtres pour subvenir aux frais de la guerre (12).
Depuis l'origine les décisions se prenaient à la majorité des voix des chefs de mé¬nage présents à l'assemblée : en principe tous étaient là car une amende sanctionnait les absences ( 13). Mais la procédure fut modifiée au cours du XVIIIe siècle. Une ordon¬nance de Marie-Thérèse du 16 février 1756 (14) instaura une sorte dévote plural et censitaire. Les non-propriétaires n'avaient plus aucune voix. Les propriétaires d'au moins 15 bonniers; avaient seuls le droit de vote et chaque charrue (superficie de 30 bonniers) possédée au-delà de ce chiffre conférait une voix supplémentaire. Les pe¬tits manants n'avaient plus qu'une voix pour cinq, voix exprimée par un représentant élu chaque année.
A l'occasion du plaid de Pâques du 12 avril 1757 on nomma pour la première fois des commis ; les petits manants au nombre de dix élirent deux personnes chargées de défendre leurs intérêts. Le seigneur de Mozet, le propriétaire de la «censé Douxflam-me» et celui du Royer avaient chacun deux voix puisqu'ils possédaient plus de 45 bon¬niers. Le seigneur établit son maïeur pour parler en son nom, les deux autres choisirent leur cerisier (15). Cette répartition des voix doublait donc la prépondérance économique et sociale des gros fermiers d'une prépondérance politique. A la fin de l'ancien régime, un certain équilibre fut rétabli car les paysans, au nombre de trente, avaient par conséquent six voix (16).
2.LES CHARGES PUBLIQUES.
Au cours du XVIe siècle l'aide à accorder au souverain par les provinces se géné¬ralise et se régularise. La répartition des charges publiques ne se faisait pas dans le cadre des plaids généraux. L'impôt direct, la taille, comprenait deux éléments (17). L'impôt personnel, appelé vulgairement «manandise» était payé par tous les hom¬mes du village à l'exception de ceux qui cultivaient au moins trente bonniers. L'impôt foncier était toujours levé au XVIIIe s. sur base du terrier de 1602, cadastre sommaire (18). Au niveau supérieur, les députés des Etats de Namur et le gouverneur dressaient l'assiette pour l'ensemble du comté. Mozet, Mont et Arville étaient taxées ensemble.
Un ordre signé du gouverneur leur était envoyé avec la somme à fournir en trois termes. Les maïeurs et échevins des trois communautés se réunissaient et procé¬daient à l'adjudication de la collecte des impôts.Elle était attribuée à l'amateur qui exi¬geait le plus bas salaire et qui pouvait fournir immédiatement une caution importante. La répartition entre les habitants était fixée par les officiels, Lasomme était divisée par le nombre de contribuables, ce qui donnait l'unité, «la paye». Le château de Mozet de¬vait trois payes, ainsi que les grosses fermes, les petits manants étaient taxés pour la moitié ou le quart d'une paye, parfois moins (19).