Après leur cession aux princes de la Maison d'Autriche, les Pays-Bas vont connaître enfin une assez longue période de paix. Celle-ci ne sera interrompue qu'en 1746 lors d'un nouveau conflit avec la France. Namur une fois de plus est assiégée et tombe aux mains des Français. Au cours des combats, une bombe, en faisant sauter un magasin de poudre de la Citadelle, provoque la destruction de l'ancien château des Comtes et de l'antique collégiale Saint-Pierre qui jusqu'alors n'avaient cessé de se dresser à la pointe des rochers dominant le confluent de la Sambre et de la Meuse.
Marqué par les règnes successifs de Charles VI, de Marie-Thérèse et de Joseph II, la période autrichienne a laissé chez nous de nombreux vestiges qu'il est intéressant de connaître.
LA CAPITALE DU COMTÉ
La forteresse: Aux traités cédant les anciens Pays-Bas espagnols à l'Autriche, les Hollandais avaient obtenu le droit de tenir garnison dans un certain nombre de places fortes situées près de la frontière française. Notre pays devait ainsi leur servir de "barrière" contre la France dont ils redoutaient la puissance. Des troupes hollandaises s'installèrent, à nos frais, à la Citadelle de Namur jusqu'en 1782. A cette date, l'empereur Joseph II parvint à s'en débarrasser en ordonnant purement et simplement la démolition des fortifications occupées par nos voisins du Nord. La garnison hollandaise de Namur s'en retourna dans son pays mais la Citadelle n'en disparut pas pour si peu. Seuls furent rasés les forts construits par Vauban sur le plateau de Bouge ainsi qu'une partie de l'enceinte entourant la ville.
Le nouveau visage de Namur: Après les terribles sièges de la fin du XVIIe siècle, la ville se met à panser ses blessures et prend peu à peu un aspect nouveau dont bien des traces subsistent encore actuellement. Désormais les maisons sont construites en matériaux durs, briques et pierres. Surmontées d'un haut toit d'ardoises parallèle à la rue, décorées d'enseignes de pierre faisant à cette époque office de numéros, elles donnent à la cité un aspect caractéristique dont nous pouvons encore nous rendre compte de nos jours.
Les bourgeois ne sont pas les seuls à faire bâtir de nouvelles demeures. Un évêque de Namur, Monseigneur de Strickland fait ériger le palais épiscopal devenu à l'heure actuelle le siège du Gouvernement provincial. De leur côté, les chanoines de Saint Aubain érigent la cathédrale d'après les plans de l'architecte italien Pizzoni. D'autres églises sont encore bâties ou reconstruites dans le style du temps. Enfin, des membres de la noblesse et de riches maîtres de forge réalisent de beaux hôtels où ils séjournent pendant les mois d'hiver. Celui de Groesbeeck-de-Croix, admirablement conservé, a été transformé en musée et nous donne une idée de la richesse et de l'élégance d'allure toute française qui régnaient alors dans les demeures seigneuriales.
ASPECTS DE LA VIE ÉCONOMIQUE
L'industrie: la métallurgie continue à fonctionner à la campagne comme aux siècles précédents et occupe plusieurs milliers d'ouvriers. Vers la fin du siècle, elle aura tendance à se concentrer davantage dans la vallée de la Sambre, aux abords de la région de Charleroi qui fait alors partie du comté de Namur: les facilités de transport offertes par la rivière et surtout l'utilisation de la houille pour la fonte des minerais expliquent ce transfert. La production reste importante car, à lui seul, le comté de Namur fournit plus de la moitié du fer exporté aux Pays-Bas.
Dans les centres habités, des nouvelles industries voient le jour, grâce à l'appui du gouvernement autrichien. Des verreries s'installent autour de Namur et de Charleroi. Celle de Namur, fondée par Sébastien Zoude, fut la première province à produire du véritable cristal à la manière anglaise.
Des coutelleries apparaissent également à Namur et à Gembloux, des papeteries à Saint-Servais et Anhée. Et enfin, les fabriques de faïence fine connaissent un grand développement à Saint-Servais, Hastière et surtout Andenne. Dans cette dernière ville, l'établissement de Joseph Wouters compte en 1785 plus de deux cents ouvriers et reçoit le titre de "manufacture impériale et royale". L'importance prise par cette industrie dans le comté de Namur apparaît clairement lorsqu'on sait qu'à cette époque, il totalise cinq des dix fabriques de faïence fine existant en Belgique.
L'agriculture: dans ce domaine apparaissent également d'heureuses transformations. L'élevage se développe grâce à l'accroissement de la superficie des prairies. L'usage de l'engrais (fumier animal, chaux, marne) permet d'améliorer la valeur des terres. Afin de favoriser le sort des petits cultivateurs, le gouvernement autrichien fait opérer de nouveaux défrichements et organise le partage de certains domaines appartenant aux communautés villageoises.
Néanmoins, la grande masse des paysans, les "petits manants", continue à vivre assez pauvrement. Que survienne une mauvaise récolte, la misère les guette aussitôt. Soumis au paiement de la dîme du clergé et de divers droits seigneuriaux, il leur faut travailler dur pour arriver à nouer les deux bouts. Tel est le sort de ceux qui furent les aïeux directs de beaucoup d'habitants de nos villages actuels, comme en témoignent leurs noms qui se sont conservés jusqu'à nos jours.
Les routes: Jusqu'au début du XVIIIe siècle, les chemins sont en terre et généralement mal entretenus. Souvent défoncés, remplis de trous et d'ornières, faisant mille détours à travers la campagne, ils ne présentent guère d'utilité.
Sous l'impulsion du gouvernement autrichien, la situation va s'améliorer dans tous les Pays-Bas. Le "pavé" met peu à peu Namur en communication avec Bruxelles, Louvain, Luxembourg, Huy, Fleurus et Charleroi. Seule l'Entre Sambre et Meuse, découpée entre les Pays-Bas et la principauté de Liège toujours indépendante, reste négligée.
Grâce à ces nouvelles routes, les relations commerciales s'améliorent dans le pays. C'est ainsi que les blés de la région de Louvain, nécessaires au ravitaillement de Namur, sont plus facilement acheminés vers la cité mosane. De même, le réseau routier partant de Charleroi permet d'exporter le charbon des houillères vers le Brabant.
L'ENSEIGNEMENT
Le réseau d'écoles existant de nos jours, était pratiquement inconnu à cette époque. Beaucoup d'enfants grandissaient dans l'ignorance la plus complète. Dans les campagnes, des prêtres ou des marguilliers enseignaient tant bien que mal quelques notions de lecture, d'écriture, de calcul et de catéchisme. Dans les villes existaient des écoles primaires privées tenues par des particuliers et soumises au contrôle d'un membre du clergé.
L'enseignement moyen n'était guère représenté que par le Collège des Jésuites à Namur( Les Jésuites avaient repris la direction de l'ancienne école latine du Faucon fondée par le Magistrat de la ville dans la seconde moitié du XVIe siècle.) (à l'emplacement de l'Athénée Royal) et celui des Augustins à Bouvignes. Il existait quelques pensionnats tenus par des Religieuses, tels ceux des Bénédictines, des Ursulines et des Récollectines à Namur, où les jeunes filles recevaient une éducation ménagère.
La suppression de l'ordre des Jésuites sous le règne de Marie- Thérèse, provoqua la disparition de leurs écoles. Pour les remplacer, le gouvernement autrichien institua dans les Pays-Bas treize Collèges royaux où l'on enseignait le latin, les mathématiques, la géographie et l'histoire. Namur eut le sien, ancêtre de l'Athénée Royal de nos jours.
Concluons avec notre historien..
"L 'histoire particulière du Comté de Namur se termine donc à la période française. Devenu département de Sambre et Meuse, puis plus tard (après 1830) la province de Namur, l'histoire de notre région se fond dès lors complètement dans celle de la Belgique."