Les espaces pâturables sont toujours âprement disputés, convoités. Comme d'autres, les manants de Faulx prétendent avoir droit de pâture sur les prairies à partir de la Saint-Jean. L'année ayant été fort pluvieuse, Philippe Tamison, propriétaire à Jausse-les-Férons, avait demandé par huissier au seigneur un délai de quinze jours pour faire enlever son foin, mais les villageois, disant «qu'ils n'avaient que faire de l'huissier et de son papier», passèrent aux actes «la nuict St Jean de l'an 1584 après dîner» : armés de demi-piques et de fourches, ils passèrent et gardèrent en armes toutes les bêtes du village, «bien en nombre de cent», sur les quatre à six bonniers de prés de la «censé», après en avoir rompu les enclos. S'il arrive que des parcelles de terre soient laissées en trieu «pour la commodité du pâturage», ce sont surtout les bois qui en font les frais. Et des bois, il y en a d'importants un peu partout dans le bailliage. Les plus vastes se trouvent à Goyet (200 bonniers, environ 190 ha), à Arville (100 bonniers) et à Faulx, appartenant respectivement à Lancelot d'Yves, à Jean-de Maillenn et à Jean de Bero ; à Andenne, aux dames du chapitre et à Gives (130 bonniers), à celui de Saint-Paul de Liège; enfin, à Saint-Léonard (Ahin), les 150 bonniers bois«de Housseau» ou bois Mélart, du nom d'un de ses propriétaires cité dans le Terrier. Quant aux bois communaux, ce ne sont souvent que haies, «boscailles», «respailles monta-la centaine de bonniers qui essayent de croître dans la terre de Beaufort.Tant privés que communaux, ces bois sont à défendre dans l'intérêt de chacun. Même les riches ont à tenir compte les uns des autres. Lorsque Jean-Philippe de Maillen, seigneur , veut agrandir son château et fait couper de beaux chênes dans ses bois - il y en avait plus de quatre cents de grosseur «compétente», - il provoque de la part de l'abbé de Grandpré, de Berlo de Brus, des mambours de l'église Notre-Dame à Mont et de son parent Maillien (de Wierde), un concert de protestations qui ne s'apaisera que par quelques cadeaux en vins, pains d'épices et... en chênes. Les bois débités sont encore mesurés avec une «corde» ou une «iarretier de sayette et de laine», remplacées ça et là, et notamment à Arville, par des tiges de fer étalonnées. Des règlements, comme ceux qui furent approuvés par les communautés de Sart-Bernard et de Mozet en 1571, contingentent strictement les cordes de «feignes» et le bois auquel chaque manant peut prétendre pour se chauffer, pour «musonner», pour«renclore».A Sart-Bernard, les commis préposés au martelage devront choisir «des vieulx et caducqs chesnes ou faulx qui ne seront poinct au meilleur proffict deladite communaulté»; le bois de construction ne sera attribué aux manants qu'après que l'on ait «visenté l'édiffice qu'ils entendront faire, soit maison, estable ou aultre quelconque»; «espines et huiseaulx pour renclore [se prendront] sans couper nephlier, pommiers, seriou aultre bois», sous peine d'amende. Un manant n'aura pas le droit de «mectre pourchaulx sur la paischon» commune s'il n'habite le village depuis un an, et les veuves, qui ne paient qu'une demi-taille, n'auront droit... qu'à un demi-porc. De leur côté, les chanoinesses d'Andenne, en procès contre les habitants du lieu, obtiendront du Conseil de Namur, en 1609, de pouvoir fixer avec eux le nombre de porcs que chacune des parties enverra dans les bois du chapitre. Les manants sont désavantagés par rapport aux «plus puissants» qui nourrissent vingt à quarante bêtes «non pour consumer en leurs mesnaiges, mais pour en faire vente à leur proffict» et endommager le terrain au point «qu'il n'y reste glands pour germer par l'affluence desdits porcques».