Impossible d'avancer des chiffres de population précis pour chaque village, et même pas pour Andenne, qui n'est encore que le plus important de tous. En plus des «censiers» et des petits propriétaires, le Terrier ne signale généralement pas plus d'une vingtaine de manants, manouvriers et veuves, entièrement ou partiellement cotisables. Ainsi, aux Comognes de Strud y avait-il, en 1602, 19 manants, 3 veuves et 2 maisons abandonnées, ce qui correspond aux «16 à 20 maisons et quelques neuves» qu'on y indique quinze ans plus tôt.À Andenne «sont trouvés 50 mannans de diverses qualités [...], 8 vetves L--J ayans aulcuns quelque peu d'héritaiges derier leurs maisons, et aussi bonne partie d'eulx faisant quelque mestier et petit trafficq de manufacture». Dans le ban d'Andenne, qui consiste en «cinq à six petits hameaux» s'étendant sur «environ trois quartz de lieuwes», il peut y avoir «cent maisons présentement et auparavant quelque peu dadvantage» et, d'après un autre témoignage, «huit vingt têtes» (soit 160)46.Si l'on considère que la répartition des taxes extraordinaires - en 1593, celles destinées à l'entretien d'une compagnie du prince de Chimay précisément - est fonction aussi du nombre d'habitants, on constate que le ban d'Andenne paie 90 livres, la terre de Beau-fort 66, le ban de Sclayn 55, Sart-Bernard 22 livres seulement, tandis que Maizeret, Vaux et Moisnil ensemble ne paient, comme Jausse-les-Férons, que 20 livres, Mozet, Bois Gillet et Arville 17 en tout, Haltinne 13, Faulx 9 et ... Bousalle 3 livres et demi.Outre l'agriculture et la métallurgie, ce sont bien évidemment les activités liées traditionnellement à la forêt et au fleuve qui font vivre cette population géographiquement clairsemée. Bûcherons, charpentiers et menuisiers travaillent dans le ban d'Andenne, soumis à la réglementation stricte que leur ont imposée les chanoinesses depuis 1570. On pêche les truites «belles et bonnes» dans le «rieu de Struveau prendant à Goyet, en montant oultre Stru et Haltines jusques es bois darsche le Comté» affermé par le Domaine. Et en Meuse «avec nacelles, harnats, haveroulles et autres moindres instruments», moyennant redevance au roi, notamment devant Gives et Ben, où se trouve «une grosse pêcherie [...] depuis l'estache à Gives jusques à Beaufort, avec une venne». En temps de crue, il arrive que la nef marchande de Namur à Huy et les deux «pascheppes» qu'elle remorque en convoi, aillent la rompre, à la suite d'une mauvaise manœuvre. Panique parmi la centaine de passagers ! Certains se jettent à l'eau et nagent vers l'une des cinq îles proches où une «nacelle de villaige» viendra les délivrer. La nef dégagée, des voyageurs préfèrent continuer à pied «par le grand pays», mais d'autres, «craignant les mauvais chemins», remontent sur le bateau. Sans doute dans le but de faciliter la navigation, Nicolas de Noadré, le maïeur de Beaufort, et son fils Jacques ont, à la fin du siècle, réuni deux de ces îles au moyen de fascines et de nasses bourrées de pierres et fait construire une batte pour les «contregarder tant des glaces que des eaues». Des «cahottes» namuroises halées par des chevaux assurent le trafic des passagers entre Namur et Huy, concurrençant ainsi la nef marchande. Le tarif, dûment affiché, est d'un demi-florin par personne, mais les Liégeois, pour 5 sous de plus, font le trajet de jour comme de nuit, sans faire escale à Huy où l'on change normalement d'embarcation49. Le droit du soixantième (de la valeur des marchandises transportées ou achetées) se perçoit, en la terre de Beaufort, sur les bois mairins, les fagots de «leignes» et les charbons exportés de Namur vers Liège.Pas de pont sur la Meuse avant Huy. Des passages d'eau existent entre autres à Sclayn, à Andenelle et à Ahin. En 1604 ou peu avant, des troupes régulières devant franchir le fleuve à Andenne, le Magistrat de Namur a réquisitionné à cet effet le bac que les cisterciennes de Salzinnes utilisaient pour traverser la Sambre devant l'abbaye et qui leur avait coûté 350 florins. L'embarcation est pourrie, alors qu'elle «auroit pu servir vingt ans», mais sera remise en état.