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ImageSuccession des seigneurs de Thon par André Moureau, Thon Samson - Histoire et archéologie

 

 


 

I.  RASSE, dit le chanoine de THON.
Le répertoire des fiefs de 1343 nous apprend que « Rasses li canones de tonk (23), tient à Tilhires et o terroit XVIII boniers XII awes, à tonk o terrois C boniers de bos, la meisme XVIII boniers de terre ahanable, XXX chapons, maeur et masuiers qui peulent rester et amenrir, le tour, le manoir et porprise tenant 1 bonier sor le plus, le donn délie églize de tonk, etc... ».
Il apparaît comme le premier seigneur de Thon, bien qu'un certain Gilles de Halhou ait possédé auparavant « tous les héritages, rentes, chapons, bois, terres, prés à champs et à ville de la court de Thon ». Il nous a été impossible de déterminer si cette possession s'exerçait à titre de fief, tenure censale ou alleu. Il semble bien que le fief de Thon ait été détaché anciennement du domaine comtal.
Rasse de Thon appartenait au lignage d'Otreppe (24). La cour locale portait d'ailleurs le nom d'Otreppe, ce qui était fréquent au moyen âge ; on disait ainsi « la court d'Otreppe jugeant à Thon ». Ses descendants portaient d'ailleurs les armes caractéristiques de ce lignage : un lion is-sant, c'est-à-dire surgissant de la pointe ou partie inférieure de l'écu.
« Messire Rausse de Thon » devait son appellation « li canone » au fait qu'il était vraisemblablement chanoine du chapitre de Sclayn qui était tout proche (25).
Un Rassekin de Thon est signalé comme son fils ; il comparaît com¬me témoin dans un acte de 1380. Ce Rassekin releva les fiefs de Tillière et peut-être celui de Thon (26).

23    Tonk est une graphie du nom de la localité. En 1265 on écrivait Thons ou Thun, en 1294 on trouve la forme actuelle  : Thon  ; par la suite, on relève diverses gra¬
phies  : Ton, Tonc, Thont etc.
24    A Bonneville, village voisin de Thon, vivait au moyen âge, une famille d'Otreppe, qui est probablement la même que celle des seigneurs de Thon de la première race.
Le célèbre auteur du « Miroir des Nobles de Hesbaye »,  Jacques  de Hemricourt (1333-1403) écrit à ce sujet : Damoiselle Yde (ma mère) se remariât après l'obit
de Cilles mon père à Henry de Bonneville, fils de Wathier d'Otreppe, manant allé Vaz d'Aigre, de lez Bonneville.
25    A.E.N. Chapitre de Sclayn. Dans un acte du 24  mars  1368, on cite Giloteal, le bâtard de Thon, et Gillechon, cousin de Rausse de Thon

26    Témoins  à  un  relief de  80  bonniers  de  terres à  Villers-lez-Hannut,   fait  par  le
prieur de Géronsart.


 II.  WAUTHIER d'OTREPPE dit de THON (27).
Fils de Rasse de Thon 28. Il fut seigneur des fiefs de Thon et de Tillière jusqu'en 1430.
On lui connaît deux enfants : Jehan, surnommé Taillefer, qui suit, et une fille, qui épousa Jean Moréal de Haltinne, possesseur du fief des Fossez à Haltinne et qui est l'ancêtre des Moreau ou Moureau ; ceux-ci deviendront seigneurs de Thon, pendant plusieurs siècles à la suite de cette alliance.

27    Voyez M. TONGLET : Le lignage de Maizeroulle et son manoir. Revue Héraldique et  Onomastique.  Cet   auteur  parle   incidemment   du  lignage  des   «   d'Otreppe  de
Thonk ».

 

III. JEHAN, dit TAILLEFER, de THON.
Après le décès de son père Wauthier, il releva, au château de Namur, le 14 avril 1430, le « plain fief » de Thon.Lors de la guerre de 1429 entre les Liégeois et les Namurois, des soldats, venus de Huy, du Condroz et de la Hesbaye, ravagèrent la contrée ; la seigneurie de Thon n'échappa pas à la dévastation. Les Hutois mirent le siège devant le château-fort de Samson. Ne réussissant pas à s'emparer de la forteresse, ils se vengèrent en incendiant le moulin et les maisons du village de Vaux et Samson.Le seigneur de Thon demanda la réparation des dommages de guer¬re causés à ses biens patrimoniaux. Il estima le préjudice à 500 couron¬nes, il put obtenir 100 florins (29).Jean de Thon était homme de fief du comté, mais également homme allodial, c'est-à-dire possesseur des terres, en principe libres de toute servitude féodale, et que l'on tenait suivant la formule « de Dieu et du soleil ». Les terres allodiales ou alîeux, très nombreuses au XIV et XVe siècles, furent inféodées ou disparurent ; on vit triompher le principe, proclamant qu'il n'y avait nulle terre sans seigneur.

Jean de Thon, surnommé Taille-fer, soit parce qu'il était homme de guerre croisant le fer, soit parce qu'il était possesseur de forges, fut seigneur du lieu pendant 50 ans. Il était souverain mayeur d'Andenne et de Sc'ayn.
Le 21 février 1459, il vendit un fief situé à Tillier à Daneau de Hodège 30, mais il fut spécialement acte que Wauthier Moreau de Hal-tinne, dit de Fossez, donnait son consentement à la vente. Ce Wauthier était le fils de la sœur de Jean de Thon.
Il n'eut pas de descendance. Il laissa tous ses biens à Lambert, fils de Wauthier Moreau de Haltinne et de sa sœur.
Pour plus de compréhension, le tableau ci-dessous indique la succession jusqu'en 1693 : 

 

I. RASSE, le Chanoine de THON
sgr.   1343-1380. 
  
 II. WAUTHIER de THON
sgr. vers 1400.
  
 ep.
N fille Jean   Moreau   de  Haltinne

 III. JEAN dit TAILLEFER de THON
sgr.   1430    mort  sans hoir,
laissa  ses biens  au  petit-fils  de  sa  soeur
 
 Wauthier  Moreau.  de  Haltinne  

 IV. LAMBERT MOREAU de THON   
sgr.  1480. Hérite de son gd-oncle Taillefer

ép. Marie de Seron 

 Jean,  ép. Oude   de   Blehen
 
 V. GODEFROY I MOREAU de THON (dit aussi Moureau) sgr.  1516, ép.  1° N. - 2° Jeanne de Bervoets

  
  Lambert ép.  N.,  veuv»
de Jean de Gosne
Gilles
ép.   Isabelle de Celles
 VI. GODEFROY II MOREAU de THON
sgr.  1564 - ép. Marie de Hosden
  
  Lambert ép.  Anne  de St.  Fontaine Anne,  ép.
1°  Jean   de  Mozet   de  Grunne 2° Jean d'Argenteau
 VII. GERARD MOREAU de THON
sgr. 1606 - ép. Anne de Waha
  
  Barbe
ép.   Jean   de   Losson
 Jeanne ép. Sidrac  de  Blondalle

 VIII. HUBERT MOUREAU ou MOREAU de THON |
sgr.   1632   -  ép.  Marguerite de Foulon

mort sans hoir en  1693. donna ses biens à son cousin Gilles de Mozet de Grune et à sa fille. 

 GillesNicole
   
   



28    II s'agit, soit de Rasse de Thon,  dit le chanoine, soit de son fils,  également prénommé Rasse et désigné sous le diminutif de ce prénom Rsssekin.
29    D.D. BROUWERS  : Les Indemnités pour Dommages de guerre au Pays de Namur en 1432. A.S.A.N., t. XL.


IV.   LAMBERT MOREAU de THON, dit aussi de Fossez.
 
Lambert succéda à son grand-oncle Jean Taille-fer (31). Il releva la seigneurie le 26 mars 1480. Il fut, comme son grand-oncle, mayeur d'Andenne et de Sclayn. Il fut en outre échevin et mayeur de Beau-fort, de Namêchs, de Marche-lss-Dames, de Vezin et d'Haltinne. Il était aussi seigneur du fief des Fos¬sez à Haltinne (relief. 20.12.1483). Il épousa Maris, fille de Robert de Seron, échevin de Sclayn et d'Héluide de Winne (32).
Lambert  fut  le  tuteur  de  Wauthier   Moreau   qui  épousa  Marie   de Gerbehaye, ce dernier étant son neveu (33).
Il scelle de très nombreux actes sur parchemin, émanant  des  cours de justice qu'il présidait.
Il était décédé vers 1515.
Lambert MOREAU de THON et Marie de Seron eurent 3 fils :
1° GODEFROY, qui suit.
2° GILLES, qui épousa Isabelle de Celles de Harzé (de la famille de Beaufort), fille de Jean et de Catherine d'Anthisnes. Il fut souverain mayeur d'Andenne, puis bailli de la Cour féodale. Son épouse, ayant hérité de la seigneurie de Sart-sur-Ourthe, provenant de son aïeul Pirard d'Anthisne, chevalier et châtelain de la forteresse de Logne, il releva ce fief et alla s'y établir. Ce plein fief donnait droit au titre de voué ou d'avoué. Il mourut en « honneste gentilhomme » le 17 mai 15683*. Il eut 6 fils (cfr infra).
3° LAMBERT, releva le fief d'Haltinne en 1516. Il avait épousé la veuve de Jean de Gosne qui possédait le château féodal qui subsiste aujour¬d'hui à Haltinne. Il eut un fils également prénommé Lambert qui re¬vendit le fief de la famille (les Fossez) à Pierre, fils de Gilles susdit.

31    Lambert appartenait à la famille ces Moreau établis à Haltinne dès le XIVe siècle :
En  1307, un certain Moureaux de Haltinne, incite le bailli de Samson à aller at¬
taquer le chapitre d'Andenne.  Ce dernier viole  la paix  du  cloître  et  malmène  les
chanoinesses en allant jusqu'à les battre. Le bailli fut condamné à un pèlerinage à
St-Jacques de Compostelle   ;   quant à l'instigateur,  il  fut  condamné à se rendre à
Rocamadour  pour expier sa  faute.   (Voyez  LAHAYE   :   Cartulaire  d'Andenne,   p
XXXVII). En 1380, un Jean Moreau de Haltinne fut placé à la tête du chapitre
de Sclayn, tandis qu'un siècle plus tard, son homonyme était investi de la dignité
d'abbé du monastère de Grantpré.
Notons que  déjà  en   1328,   le  nom  des  Moreau  de  Haltinne  figure  dans  les  livres des fiefs.  (Voyez PONCELET : Le livre des fiefs sous Adolphe de la March, p. 83).
32    Robert de Seron, appartenait à une très ancienne famille de chevaliers. Il avait épou¬
sé Héluide, fille de Bauduin de Winne  (Overwinden), mayeur de la Cour de St-
Lambert à Liège. Les Seron furent baillis de Moha et de Samson.
33    Au XVe siècle, la famille des Moreau d'Haltinne, dite aussi de Fossez, s'est divisée
en deux branches  :


Wauthier Moreau  de Haltinne
 
Lambert, seigneur  de Thon auteur de la branche des Moreau  de Thon. 
et

Jean
échevin  de  Beaufort,  ép.   Oude de  Blehen,
fille de Godefroy,  avoué d'Amay et de arie de Hosden.

Wauthier
ép.  N.  de  Gerbehaye,  héritière du  nom  et
de  la seigneurie de Gerbehaye   (relevant  de
Hermalle),   auteur  de  la   branche  nommée
aujourd'hui,   de Moreau  de Gerbehaye.








V. GODEFROY MOUREAU OU MOREAU de THON, écuyer.

Il releva Thon, fief de noble ténement, le 13 décembre 1516. Comme son père, il fut souverain mayeur d'Andenne, après avoir été auparavant échevin qualifié d'« héritement mayeur ».
Il épousa en première noce une personne dont nous ignorons le nom et dont il eut un fils nommé LAMBERT. Ce dernier épousa Anne de Saint Fontaine, fille du seigneur du lieu. Le contrat de mariage fut passé à Huy, le 6 juin 1535, en l'hôtel de la fleur de lys (35). Ce fils mourut peu de temps après son mariage, et sa veuve épousa en seconde noce Daneau de Forvie (36).
Godefroy Moureau de Thon épousa en seconde noce Jeanne, fille de Gédéon de Bervoets et de Jeanne de Marbais, dame de Namèche (37).
Godefroy apparaît comme un seigneur pieux et généreux. En 1534, il avait fait don de certains de ses biens au chapitre de Sclayn, pour prier Dieu et faire recommander son âme et celle de sa première épouse défunte.

Il  fit  construire   une   chapelle   dédiée  à  sainte   Anne  dans   l'Eglise paroissiale.
De son mariage avec Jeanne de Bervoets, il retint 3  enfants  :
1° GODEFROY II, qui suit.
2° ANNE, qui épousa Jean de MOZET de GRUNE, dit Bozeau, bailli de Fanson. Elle fut dame de Grune par reliefs des 27 mars 1592 et 20 octobre 1605. Les actuels comtes de Hemricourt de Grune des¬cendent directement de ces deux époux (38).
En secondes noces, Anne Moreau de Thon épousa Jean d'ARGEN-TEAU, seigneur de Briquemont.
3° JEANNE.
Le testament de Godefroy Moreau de Thon date du 14 septembre 1563. Il désirait que son corps repose en l'église paroissiale, que ses ob¬sèques soient faites sans pompes, à la discrétion de son épouse et des exécuteurs testamentaires.
Il laissait des sommes d'argent à différentes églises et abbayes pour « prier Dieu por luy testateur, pour ses pères et mères, sa feue espeuse et ses bons amis trespassés ». Il affectait une rente annuelle de 15 florins d'or à une fondation de messes anniversaires qui devraient être célébrées dans la chapelle Sainte-Anne qu'il avait fait édifier de ses deniers.
Il laissait ses biens à son fils Godefroy, deuxième du nom ; quant à ses deux filles, il leur laissait à chacune des rentes, mais à sa fille aînée, Anne, épouse du seigneur de Grune, il destinait sa ferme de Coulisse.
Il stipulait que 600 florins devraient être réservés pour les frais de noces de ses enfants.
Un legs particulier était fait en faveur de Pierre, son neveu, et fils de Gilles Moreau de Thon, 200 florins devaient lui être comptés en plus des 200 qu'il avait reçus lors de son mariage.
Godefroy crut bon d'ajouter à ces dispositions une clause propre à maintenir les biens dans la famille. Elle était libellée comme suit : « Pour oster à mes petites et joeunes enffans le chemin de la prodigalité, je veult et ordonne que mes dits enffants ne pouldront vendre ni aliéner leurs biens immeubles cy dessus [égalez, s'ils n'ont enffants procréés de leur corps en mariage légitime en eage de  15 ans, sauf toutefois à chacun à eulx le droit de coste légitime ».
Enfin, il désignait comme exécuteur testamentaire son neveu Pierre Moreau et Louis Lodevoet, lieutenant mayeur de Namur.
Il mourut peu de temps après. Sa veuve épousa en secondes noces Gilles de Ladeuze.
On pouvait lire autrefois sur la pierre tombale dressée en l'église
paroissiale :
CI GYST NOBLE HOMME GODEFROY MORIA Sr de THON, QUI TRESPASSAT L'AN    

 
34    San  : avoueric et plein fief, situé sur les hauteurs de Poulseur, dans la paroisse de
Comblain-au-Pont,  relevait de la principauté  de Stavelot-Malmédy.  Gilles Moreau
de Thon fonda une messe anniversaire qui est toujours dite en l'église de Poulseur.
35    Les témoins étaient Olivier de St-Fontaine, gentilhomme de l'état noble du pays de
Liège et Gilles Moreau de Thon.
36    Daneau, fils de Jean de Forvie, sgr d'Odeur et échevin d'Andenne, et de Jeanne de
Seraing.
37    Jeanne de Marbais était la fille de Thierry de Marbais, écuyer, sgr de Namèche et
échevin de Namur, lequel avait épousé Jeanne, fille de Jacques du Marchyé, receveur
général du comté. Le père de Thierry, Anthoine de Marbais, châtelain de Samson,
avait acquit le fief de Namèche en  1481.
38 R.  BOUARD :  Mozet,  p.   128-129  et note 3  sous la page  98.


 

VI.  GODEFROY II MOREAU de THON, écuyer.
Il était encore enfant quand son père mourut. Ce fut donc Jean de Fumai, qui se rendit à Namur pour relever le fief au nom du jeune seigneur, le 9 mars 1564, le douaire de Jeanne de Bervoets, sa mère, étant bien réservé.
Il épousa Marie de Hosden. Celle-ci était chanoinesse du chapitre noble d'Andenne. Elle avait justifié de huit quartiers de noblesse pour entrer au chapitre. Comme il était permis aux chanoinesses n'ayant pas fait leurs vœux de rentrer dans le monde, Marie de Hosden quitta l'ordre et se maria.
Elle était la fille de Gaspard de Hosden et de Françoise de Velaine. Son père qui était chevalier et seigneur de Fumai, se ruina en expéditions mi'itaires ; il guerroyait avec ses fils sur tous les champs de bataille de l'Europe (39).
Godefroy de Thon et Marie de Hosden eurent, si l'on en croit le généalogiste liégeois Le Fort, 7 enfants dont presque tous moururent en bas âge. Trois enfants survécurent :
1° GERARD, qui suit.
2° BARBE, qui épousa Jean de Losson, écuyer,  fils  de  Jean et d'Anne de la Porte (40).
3" JEANNE,   qui   épousa   Sidrac   Petit-Jean,   sieur   de   Blondalle,   natif d'Idavin en France. Elle alla vivre en France.
On ignore la date du décès de Godefroy ; cependant, Marie de Hosden est qualifiée de veuve, le 18 mars 1606 lorsqu'el'e relève l'usu¬fruit de la seigneurie de Thon. Il est donc décédé en 1606, au début de l'année.
Ses héritiers demeurèrent longtemps dans l'indivision. La succession ne fut définitivement liquidée que le 21 juillet 1636.

39 Voyez DE RADIGUÈS  : Les échevins de Namur, n° 512.
*° Jean de Losson était le petit-fils de Dieudonné de Losson,  sgr de Beaurain et 1t.
bailly de Moha  et de Marguerite,  fille  de  Collar de  Vervoz d'Araa,   châtelain de
Logne.  (v. LE FORT, 2" partie  : Lochan, p. 453).





VII.   GERARD MOREAU de THON, écuyer.

Gérard était plus souvent dénommé Gérard de Thon. Il était né en 1588. Son grand-père maternel, le chevalier de Hosden, lui avait sans doute donné le goût des armes ; il prit du service dans les troupes levées par nos anciens souverains. Le 30 juillet 1614, il obtint des archiducs Albert et Isabelle l'autorisation de disposer de ses fiefs pour payer ses équipages.
Il faut savoir que le métier des armes était coûteux, il fallait entre¬tenir le cheval et payer un valet. Gérard entretenait deux chevaux de selle.
Ces frais pesaient lourdement sur les genti'hommes de guerre, et comme l'écrivait Pierre de Vaissière, bien souvent les militaires se trou¬vaient réduits à regagner leur gentilhommière, la campagne terminée. Alors qu'ils étaient partis pauvres, ils revenaient misérables. Le séjour au régiment absorbait le maigre pécule leur octroyé (41).
Gérard avait même dû vendre un grand étang poissonneux de plus de 2 bonniers qu'il tenait en fief à Hall inné pour « subvenir aux dettes faictes pour s'ecquipper lorsqu'il s'estoit mis au service militaire ».
Nous ne savons malheureusement rien des batailles, campagnes ou faits d'armes auxquels le seigneur de Thon aurait participé.
Il s'était  engagé  «  sans  savoir  son retour   ».  Comme bien  souvent les gentilshommes ne revenaient jamais à leur village natal,  Gérard  de Thon avait fait son testament avant son départ.
Mais les préoccupations de la guerre ne l'empêchèrent pas de pren¬dre épouse, en l'occurrence, une demoiselle vivant dans la province de Luxembourg. C'est en 1615, qu'il épousa Anne de Waha, fille de Gilles de Waha, seigneur de Maboge, et de Marguerite de Wal (42).
Le contrat de mariage fut signé le 24 février au château de Rossi¬gnol. Les deux témoins de Gérard de Thon étaient
1° son  cousin  germain,   Giles   de   Glymes   de   Brabant,   capitaine   d'une compagnie de fantassins namurois ;
2° Christophe de la Blocquerie que venait d'épouser sa tante, Barbe de Hosden, veuve en 1"* noces de Michel de Warisoul.
Les témoins de Anne de Waha étaient : son oncle, le prévôt de Virton, Claude de Laittres, seigneur d'Allandry, Malmaison et autres lieux, et Ferry de Herbeumont, seigneur de Villers-devant-Orval.
Il était stipulé dans le contrat que le domicile des époux serait la maison forte et seigneuriale de Thon, que la dot serait constituée par 400 écus de 3 florins carolus, monnaie de Luxembourg et une rente de 300 florins en monnaie de Liège.
En ce qui concerne les objets mobiliers, il était convenu qu'Anne de Waha apportait ses bijoux, chaînes d'or, parures et vaisselles d'argent, tandis que son futur époux apportait ses chevaux et ses armes.
Les époux eurent quatre enfants : 1° HUBERT, qui suit 2" GILLES, 3° NICOLE, 4° FRANÇOISE.
La santé du seigneur de Thon ayant été compromise, lors de ses campagnes militaires, il fit son testament le 12 octobre 1632 « estant dé¬bile pour maladie ». Il avait quarante-quatre ans.
Il désirait que son corps repose en l'église de Thon et qu'une messe anniversaire soit célébrée chaque année à sa mémoire. Il laissait à Hubert, son fils aîné, le domaine de Thon et une ferme à Lestervin, près de Rochefort ; à Gilles, le puîné, il laissait la ferme de Robelmont, près de Virton ; les deux filles se partageaient la ferme de Hamerenne, près de Rochefort,
Mais une rente viagère devait être payée à la mère du testateur, Marie de Hosden. Il choisit pour exécuteur de ses volontés, les seigneurs de Grune et de Laittres, en récompense de quoi, il laissait à chacun une bague d'or.
Le testament fut signé et scellé à Namur, en l'hostellerie de l'Oran¬ge. Il mourait quelques semaines plus tard, le 17 décembre 1632.
Suivant ses dernières volontés, ses obsèques devaient se faire selon son état. Le curé de Thcn a relaté les funérailles du seigneur, qui furent réalisées avec un faste démesuré : le cortège était précédé par un bour¬geois de Namur qui portait les armoiries du défunt ; le cortège était formé d'une foule d'invites. Il faut savoir que les mariages et les décès donnaient lieu à des réunions qui duraient plusieurs jours, où l'on man¬geait et buvait beaucoup, soit pour se réjouir, soit pour se consoler 48.
Autour du convoi, marchaient les seigneurs de Grune, de Waha, de la Roque, de Moisnil et d'autres, dont le pasteur de Thon avait oublié les noms. Ils portaient de pelits blasons, représentant les huit quartiers de noblesse du défunt seigneur, à savoir : Moreau de Thon, Seron, Ber-voets, Marbais, Hosden, Oultremont, Velaine et Juppleu. La présence de pleurants était un luxe exceptionnel * (43).
En signe de deuil on suspendit au portail du château un drapeau en étoffe de velours, sur lequel était peint le blason de la famille.
Son corps fut inhumé en l'église de Thon, dans le chœur, sous une dalle funéraire, aujourd'hui invisible, qui portait l'inscription :

ICI REPOSE NOBLE ET VERTUEUX SEIGNEUR
GERARD de THON
Escuyer, seigneur de Thon
qui décédât le  17 de décembre  1632

42 Gilles de Waha, sgr de Maboge, était officier du comte de Rochefort  : son  épouse était la fille de Philippe de Wal, sgr de Rossignol, La Neuville, Villers-la-Ronde etc. 
43 Les souverains  durent  intervenir  pour  limiter le  nombre des invités  aux  fêtes  de
mariages ou aux funérailles, car ces réunions dégénéraient parfois. 44HUART  : Les Procès héraldiques dans le comté de Namur. A.N.B.,   1922, I.  133.







VIII.   HUBERT MOUREAU de THON, écuyer.

Il était né en 1616. Il passa une partie de son enfance dans la pro¬vince de Luxembourg où la famille de sa mère était établie (43).
A la mort de son père en 1632, il devint seigneur de Thon. Il char¬gea le mayeur du lieu d'aller relever le fief à Namur, en son nom et place. Mais le relief ne fut pas enregistré et Hubert fut contraint par la suite à renouveler la formalité.
Il épousa Marguerite de Foulon, une veuve chargée de deux enfants mineurs. Elle avait en effet épousé, en premières noces, Louis de la Grange dont elle avait retenu deux enfants, Germain et Catherine de la Grange (48).
Hubert fut chargé d'administrer la fortune des enfants de sa femme. Ces derniers avaient hérité de leur oncle paternel Germain de la Grange qui portait le même prénom que son neveu. Cet oncle qui avait voulu que son corps reposât en la cathédrale de Dunkerque, avait laissé une somme de 3.500 frs à ses neveux.
Pour garantir la tutelle, Hubert dut justifier d'une fortune suffisan¬te ; la haufe cour d'Entre-Meuse et Arche certifia qu'il possédait 200 bon-niers dans les limites du baillage, et des rentes pour un montant de plus de 300 florins.
Marguerite de Foulon était la fille de Jean de Foulon, receveur et gruyer de Virton et St-Mard et de Françoise Aubertin.
Elle n'eut pas d'enfant du seigneur de Thon.
Sa fille, issue du premier mariage, épousa un militaire François de Mignot, officier de la compagnie du baron de Quaresme.
Hubert Moureau de Thon fut seign:ur du lieu pendant près de 60 ans. La vie à la campagne était rude au XVIIe siècle ; les guerres de Louis XIV transformèrent nos provinces en champs de bataille. Hubert ne put conserver intact le patrimoine de ses ancêtres ; en 1652, il avait vendu 11 bonniers dans le bois de Bien-haut-Fays à Jacques Zuallart, seigneur de Bonneville 4r ; en 1656, il aliéna le bois de Gor, contenant 10 bonniers, puis en 1664 celui de Malplume, qui contenait 33 bonniers. Ce dernier bois fut cependant racheté ultérieurement par Gilles de Mozet de Grune, en vertu du droit de retrait lignager, qui permettait à un parent de reprendre, à son profit, tout bien aliéné par une personne de la famille, à un étranger, pourvu que ce parent paye le prix consenti à la vente antérieure, verse une pièce d'argent symbolique et établisse sa parenté. En l'espèce, Gilles de Mozet de Grune était cousin, issu ger¬main, sa grand'mère paternelle étant Anne Moreau de Thon (voir tableau généalogique des seigneurs des origines à 1693).
Hubert entendait bien jouir des exemptions fiscales de la noblesse. Comme beaucoup de ses semblables, il fut mis en demeure de vérifier ses titres en justice. La procédure fut longue, comme de coutume, sous l'an¬cien régime, mais la reconnaissance de noblesse de race lui fut acquise. Le conseil provincial de Natnur rendit une sentence, par laquelle il dé¬clarait qu'Hubert avait suffisamment vérifié la qualité noble, par lui pré¬tendue, qu'il l'autorisait, dès lors, à jouir du port du titre d'écuyer et de tous honneurs, franchises et libertés appartenant aux personnes de sa qualité (4S).
Un cousin du seigneur, Albert Moreau de Gerbehaye, qui avait pas¬sé sa vie dans les armées, vint prendre sa retraite au château de Thon. On l'imagine volontiers, racontant ses voyages les soirs d'hiver, au coin de l'âtre. Ce militaire, réformé à la suite des blessures reçues au combat, possédait le domaine de la Vaux d'Aigle, vieille demeure fortifiée, flan¬quée de tours, qui existe encore aujourd'hui, et porte les armes de la famille. Une chapelle castrale était intégrée dans les bâtiments.
En récompense de l'hospitalité qu'il avait reçue de son cousin de Thon, Albert de Gerbehaye lui laissa son domaine avec les ornements et habits sacerdotaux, nécessaires au chapelain, pour célébrer les offices. Il léguait également des vases sacrés et un calice. Malheureusement, Hu¬bert ne conserva pas ce bien qui avait été possédé par la branche des Moreau de Gerbehaye ; il le vendit à Jérôme Bodart, receveur du cha¬pitre d'Andenne (49).
Les deux dernières années de la vie du seigneur de Thon furent malheureuses. En 1691, l'armée des alliés vint établir son camp à Mozet et aux alentours ; les habitants de Thon déclarèrent que les soldats étaient venus fourrager le village et particulièrement la grange de Monsieur de Thon.
 
L'année suivante vit le siège de Namur ; le village fut de nouveau livré au pillage. Comme les hostilités ne cessaient pas et que le siège traî¬nait en longueur, on ne put labourer comme les autres années. Comble de malheur, la récolte de 1692 fut désastreuse ; on recueillit à peine la moitié d'une récolte ordinaire. Comme il n'avait pas d'enfant, il avait fait donation à son cousin Gilles de Mozet de son domaine de Thon, à charge, pour ce dernier, d'acquitter les charges (hypothèques) qui le grevaient lourdement ; il s'était cependant réservé l'usufruit. Trois mois avant sa mort, il renonçait à tous ses droits au profit de 'a fille du dit Gilles, Marie-Marthe de Mozet, épouse de Nicolas-Joseph de Nollet.
Le 8 janvier 1693, alors qu'il était malade et alité, il fit un inventaire de tout ce que comportait le domaine de Thon et la seigneurie du lieu (50).
Ainsi, s'éteignit celui que l'on appelait le chef de la Maison et des armes des Moreau ; ceux-ci avaient donné 5 générations de seigneurs de 1480 à 1693 (51).

45    Les papiers anc'ens de la famille furent transportés dans le Luxembourg au XVII'
siècle  ;  ils dorment, peut-être encore,  sous les combles de quelque vieille demeure.
46    Louis de la Grange était le fils de François de la Grange,  gouverneur du château
de Jonelle et officier dans la compagnie du Marquis de Dyenne.
47    Jacques   Zuallart,   bourgmestre   de   Namur,   fut   anobli   en    1640.   Voyez   Comte
CAPELLE  : La Seigneurie de Sclayn-Bonneville. Le Guetteur Wallon,   1962, n° 2.
48    Conseil provincial, sentence du  19 février 1653.
49    La branche de Gerbehaye a produit de brillants capitaines  :
Gérard de Moreau de Gerbehaye atteignit le grade de colonel ; son fils Wau.thier, fut capitaine de cavalerie au service du prince-évêque de Liège. Le fils de Wauthier fut capitaine au, régiment de la Bourlotte ; enfin, Wauthier César de Moreau de Gerbehaye, fut capitaine de 300 wallons au service de l'Autriche, puis major df 4 compagnies franches. Il mourut au champ d'honneur, ainsi que cinq de ses frères Voyez : Annuaire de la Noblesse, 1921. II, 212, L. LE FEBVE DE VIVY et P. DE BORMAN : La pierre tombale de Sinsin, dans L'Intermédiaire des généalogistes, n° 75, mai 1958, pages 145 et suiv.

BO Le document était signé H, Moreaux de Thon  ; un inventaire du 6 octobre portait
par contre la signature H. Moureaux de Thon. 51 Un rameau de la branche des seigneurs de Thon s'établit au comté de Logne, dans
la principauté abbatiale de Stavelot-Malmédy.  En effet,  Gilles Moureau de Thon,
avoué de Sart-sur-Comblain et Poulseur et son épouse Isabelle de Celles de Harzé,
eurent 6 fils  :
1° Godefroy, mayeur de Malmédy et chambellan du prince de Stavelot-Malmédy, qui épousa Catherine Rave, la fille du châtelain de Logne, qui devint potestat et conseiller du prince. La fille unique de Godefroy épousa Florent, avoué et vicomte d'Anthisne.
2° Lambert, seigneur du San en partie.
3° Gilles, qui fit ses licences en droit,  et épousa Jeanne,  dame  de Vien-lez-An-thisnes,  dont une fille épousa un sieur Bartholeyns et dont le fils,  Gilles, épousa Catherine de Waha-Baillonville, veuve de Guillaume de Rahier, sgr de Poulseur. 4o Philippe.
5° Pierre, sgr à Haltinne (r. 1562), exécuteur testamentaire et légataire de Go¬defroy Moreau, sgr de Thon, épousa Anne de Moirmont, dont une fille épousa André de Brocart, vicomte palatin, puis Guillaume de Stanessoule, avocat à Liège. 6° Tierry, seigneur du Sart en partie, décédé le 12.9.1620, vit sa descendance se poursuivre jusqu'à nos jours dans les personnes suivantes : Gilles, décédé le 12 décembre 1645 ; Corneille, décédé le 16 novembre 1701 ; François, décédé le 23 février 1729 ; François Joseph, décédé le 1" juin 1770 ; Jean François, décédé le 5 juillet 1815 ; Hubert, décédé le 4 septembre 1818 ; François Joseph, décédé le 6 décembre 1868 ; Lambert, décédé le 27 décembre 1878 ; Léon MOUREAU, ingénieur à Liège, décédé le 28 décembre 1953. Ce dernier eu 2 fils : Paul MOUREAU, Professeur à l'Université de Liège, membre de l'Académie de médecine, époux de Marie-Thérèse de Booseré et Léon MOUREAU, Conseiller d'Etat, Professeur à l'Université de Liège, époux de Yvonne Capelle, qui ont deux fils : André, avocat, auteur de cette étude, époux de Bernadette Urbin-Choffrav. ei Jean-Claude.








IX. MARIE-MARTHE de MOZET de  GRUNNE épouse de N.-J. de Nollet.
 
Le 28 février 1693, Marie-Marthe de Mozet faisait relever la seigneurie de Thon par son époux Nicolas-Joseph de NOLLET sgr. de Ban du Mont à Falmi-gnoul.
Le père de Marie-Marthe, Gilles de Mozet de Grune était gentilhomme de la salle de Bastogne et sgr. hautain de Magery (52). Comme il désirait établir certains de ses enfants dans le Namurois, il avait acquis successivement les seigneuries de Namèche et de Thon (53). Son cousin de Thon s'était cependant réservé la jouissance du domaine jusqu'à la fin de ses jours.
Marie-Marthe de Mozet et son époux vinrent donc habiter Thon. Ils  firent   transformer   et   restaurer  les   bâtiments   qui  avaient  été
abîmés à la suite des guerres. Ils firent notamment aménager deux tours d'angles avancées sur le chemin qui traversait le village.
Une petite  fille naquit : Anne-Hubertine  de Nollet.
On aurait pu croire que les Nollet allaient faire souche et donner une succession de seigneurs de Thon. Il n'en fut rien car la famille vint à tomber en quenouille. Après quelques années de mariage, le 18 septembre 1697, Marie-Marthe de Mozet mourait à la fleur de l'âge.
La petite Anne-Hubertine demeurait orpheline et comme elle était fille unique elle héritait de la seigneurie de Thon. Le domaine fut géré par son père : Nicolas-Joseph de Nollet.
Ce dernier épousa en seconde noce Marie-Anne de Balbany, une bruxelloise (54).
De cette nouvelle union naquit également une fille : Marie-Anne de Nollet, qui devait devenir une très grande dame vivant à la Cour dans l'entourage immédiat des souverains (55).
Nicolas-Joseph de Nollet, que l'on qualifiait de seigneur de Thon était membre de l'état noble du comté de Namur. Il mourut le 22 avril 1720 (56).
 
52    Gilles de MOZET de GRUNNE, époux  de Josine de Celles de Hodoumont  était
le petit-fils  de  Jean  de Mozet  sgr de  Grunne et d'Anne  Moreau   de  Thon.  Le
contrat de mariage de sa fille et de N.-J. de Nollet fut acte par le curé de Houmont
(près de Magery)   le 30 mai  1692 :  le 30  août suivant,  les parents testaient en
faveur des époux. La seigneurie de Thon leur était assurée.
53    Les armes  des Moreau  de Thon et  des  Bervoets,  de Namèche,  se voient encore
aujourd'hui au-dessus du  portail  du  château  de  Grune   (prov.  de  Luxembourg)
propriété actuelle de la Ctcsse de Ramaix.
54 Marie-Anne était fille de Godefroy-Francois de BALBANY et de Marie-Isabelle le Preud'homme d'AlLLY ; son oncle maternel était commandeur de l'ordre de Malte,
53 Marie-Anne de Nollet fille de N.-J. de Nollet et de M.-A. de Balbany épousa : 1° Engelhard Baron de WEICH, chambellan de l'archiduchesse et gouverneur du château de Mariemont ; 2° Charles-Philippe comte de LALAING, Vte d'Audenarde. Elle fut élevée à la plus haute dignité réservée aux dames de la noblesse du St Empire en recevant de l'impératrice Marie-Thérèse, le cordon de l'ordre de la croix étoilée.





X. ANNE-HUBERTINE de NOLLET, épouse d'Emmanuel Baron de RAHIER de Bodeux.
 
Elle fut baptisée à Thon, le 9 mai 1694. Trois ans après, elle était orpheline. Son père administra sa fortune ; il fit remarquer qu'il avait « du mesme lever quelques parties d'argent à intérêt, en bon père de famille pendant la continuation des lon¬gues et ruineuses guerres, dont le pays fut affligé, pour retenir et cultiver ou réparer la plupart des csnses ». Il ajoutait que bon nombre de gîntilshom-mes avait même dû abandonner les leurs en raison des circonstances du temps.
Nicolas-Joseph de Nollet entendait jouir de l'usufruit de la seigneu¬rie. Mais ce droit lui fut contesté surtout après le mariage de sa fille. On consulta le plus célèbre jurisconsulte de l'époque, le liégeois Louvrex. Après beaucoup de discussions, tout se tsrmina par un arrangement de famille.
Anne-Hubertine de Nollet avait 19 ans, quand elle épousa un gentilhomme du pays de Stavelot-Malmédy : Emmanuel de Rahier de Bodeux. La cérémonie eu lieu le 13 octobre 1713.
Il n'est pas inutile de remarquer que la famille de Nollet brillait dans la principauté de Stavelot-Malmédy, Joseph de Nollet ayant été élevé à la dignité de prince et abbé de ce petit état.
Le  ménage  RAHIER-NOLLET vécut à Bodeux, puis à Thon.
Six  enfants  naquirent :
1° CHARLES OGER JOSEPH, baptisé à Bodeux, le 31  mai  1716
seigneur de Thon, qui suit au XI.
2° FERDINAND JOSEPH, baptisé le 8 juin 1722, licencié en droit. Après avoir brigué une charge de conseiller de courte robe au conseil du Luxembourg, obtint l'office de châtelain de Logne. (Nicolas-Joseph de Nollet fils c5e Gilles de Nollet et de Gertrude de Nollet, avait été baptisé à Dînant, le 3 février 1663. Sa famille avait compté plusieurs magis¬trats de cette ville.)
3" DENIS JOSEPH EMMANUEL, baptisé à Bodeux, le 25 juin 1727, seigneur de Namèche, décédé à Thon, le 26 juin 1762.
4° MARIE ISABELLE 5° MARIE CHRISTINE
6" MARIE MARGUERITE, épousa le comte Lallemant de LEVI-GNEN dont elle retint une fille Marie-Thérèse de Lévignen qui sera la dernière dame de Thon (voir au XII).
Anne-Hubertine de Nollet perdit son époux le 6 décembre 1729. Elle perçut, dès lors ou; re les revenus de sa seigneurie foncière de Thon, les émoluments de l'office de mayeur héréditaire de Bodeux, apanage de la maison de Rahier.
Elle habita le plus souvent le château de Thon. Saumery relevant les propriétaires des châteaux du pays, cite spécialement la baronne douairière de Rallier.
Le 9 mars 1752, Anne-Hubertine et ses enfants conclurent des conventions de partage. Il était stipulé que la seigneurie foncière de Thon reviendrait à l'aîné : Charles-Oger de Rahier. Les frères puînés obtenaient l'un Bodeux, l'autre Namèche avec 60 bonniers de terres et la dépendance de Han-Waleffe. En plus de Thon, Charles-Oger obte¬nait également la seigneurie de Ban du Mont qui comptait 30 bonniers (1).
Peu de temps auparavant, il avait été convenu entre parents que Marie-Marguerite de Rahier épouse du comte de Lévignen aurait pour sa part la censé de la « chevallerie » avec 90 bonniers de terres situées à Dréhance-lez-Dinant.
Anne-Hubertine de Nollet baronne de Rahier jouissait d'un douaire de 250 écus.
Elle mourut le 22 mars  1771, âgée de septante-six ans.

67  L. LAHAYE. Les Fiefs de la Prévôté de Poilvache,   173-174.


 

XI. CHARLES-OGER Baron de RAHIER de BODEUX
 
La famille de Rahier vint s'établir à Thon. Le domaine avait été géré jusque là par le régisseur Beaulieu. Charles-Oger s'intéressa vivement à la propriété de Thon. Il y vécut célibataire.
Son livre journal nous révèle les événements et les dépenses quotidiennes : « Cette année, mon frère a fait ses licences en droit à Louvain ; cela nous a coûté 200 écus... mon frère Ferdinand a obtenu des lettres  de naturalité de l'impératrice pour pouvoir posséder toutes charges dans les Pays-Bas autrichiens ; elles ont coûté 400 écus ».
Il notait aussi : « Cette année l'armée française a fait le siège de Namur. La ville s'est rendue après une petite résistance. Pendant les premiers jours que le siège se formait, les maraudeurs ont pillé le châ¬teau de Moisnil à notre voisinage. Le même jour à minuit, ils ont en¬touré celui de Thon pour en faire autant. Cependant nous avons eu le bonheur par une résistance ménagée de leur faire abandonner l'entre¬prise ».
Du vivant de sa mère, Charles-Oger de Rahier obtint l'assurance de ce que la seigneurie foncière de Thon lui reviendrait ; dès lors il acquit la seigneurie hautaine du lieu en 1753. Suivant la coutume, il fit sa joyeuse entrée au village. Il fut accueilli chaleureusement. Le curé Jean Noël de Villers lui dédia un chronogramme : « Carolo a Rahier pagi toparchiam adepto ignem laetitiae acledentes indigenuae prosperi totes acclamant ». Le curé traduisait comme suit : Les habitants pleins d'allégresse souhaitent à leur nouveau seigneur, par un feu de joie et de liesse, prospérité, de tout leur cœur.
Les frères et sœurs du baron de Rahier moururent sans descendance. Seule sa sœur Marie-Marguerite eut des enfants de son mariage avec le comte de Lévignen.
C'est ainsi que le seigneur de Thon hérita des biens et seigneuries de Namèche, de Hansimont et de Bodeux. A la mort de sa mère, il hérita également de la seigneurie foncière de Thon qu'il releva le 29 octobre 1772.
Le seigneur de Thon était devenu  membre de l'Etat noble.
Il fit son testament le 17 octobre 1780. Il disposait de ses biens non pas en faveur de sa sœur Marie-Marguerite mais en faveur de la fille de celle-ci, Marie-Thérèse de Lévignen.
Marie-Marguerite de Rahier éprouva quelque déception à ce sujet ; elle adressa avec son époux le comte de Lévignen, une requête au conseil provincial de Namur, réclamant la nomination d'un curateur qui devrait administrer les biens du baron de Rahier. Ils estimaient en effet que ce dernier était devenu incapable en raison de son état mental. Cette re¬quête adressée le 23 décembre 1780 ne put obtenir de suite car le 7 janvier 1781, Charles-Oger de Rahier mourait âgé de soixante-quatre ans.
Le lendemain, son corps fut enterré dans la chapelle de l'église à droite du chœur au pied d'une tombe emmuraillée.




XII. MARIE-THERESE LALLEMANT de LEVIGNEN épouse du maréchal comte de LEVIGNEN 
Marie-Thérèse de Lévignen naquit au château de Bodeux. Elle fut baptisée le 21 novembre 1746. Son parrain était le prince-abbé de Stavelot-Malmédy, Joseph de Nollet et sa marraine, sa grand-mère maternelle Anne-Hubertine de Nollet, dame tréfoncière de Thon et baronne douairière de Rahier de Bodeux.
Elle était la fille de Marie-Marguerite de Rahier et de Louis-Charles-François Lallemant comte de Lévignen. Ce dernier était français ; il s'était établi à Liège où il avait prit le grade de colonel de cavalerie des troupes liégeoises. Le prince évêque de Liège, Jean-Théodore de Bavière l'avait choisi comme chambellan et l'avait fait élevé à la dignité de grand croix de l'ordre de St Michel de Bavière (58).
Marie-Thérèse de Lévignen épousa, moyennant dispense spéciale du pape, le propre frère de son père, le chevalier puis comte Félix Lallemant de Lévignen. Grâce aux relations du comte de Lévignen qui connaissait personnellement le cardinal de Bernis, ambassadeur de France à Rome, les autorisations furent aisément accordées. La dispense donnait cepen¬dant lieu à la perception d'une somme de 4.800 livres.
Marie-Thérèse de Lévignen était de vingt ans plus jeune que son oncle paternel.
Le mariage fut célébré en la cathédrale de Liège, le 3 juillet  1771.
Félix Lallemant dit le chevalier de Lévignen avait fait carrière dans les armées françaises. Il avait débuté comme mousquetaire à che¬val de la garde ordinaire du roi. Il fit ensuite campagne en Italie dans le régiment du « Royal Piémont ».
Il passa alors au régiment de Sabran. Il se distingua à la bataille de Prague où son cheval fut tué, alors qu'il se lançait à l'assaut. La bravoure de Félix de Lévignen. lui valut le cordon de chevalier de Saint Louis.
Il prit encore part aux guerres de Hanovre et de Flandres. Il fut nommé lieutenant colonel au régiment de Talleyrand, puis colonel. Il fut pensionné au grade de maréchal de camp (général de brigade).
Marie-Thérèse de Lévignen eut quelque peine à prendre possession de l'héritage de son oncle maternel Charles-Oger de Rahier. Elle entra en conflit avec sa mère. Des actions en justice furent intentées devant les échevins de Liège, le conseil provincial de Namur et la cour féodale de Stavelot.
On poursuivit les procédures en degré d'appel notamment devant la chambre de Wetzlaer. On alla même jusqu'au conseil aulique de Vienne. Comme les procès traînaient, on préféra vider le différend par un arrangement de famille qui fut réalisé le 14 mai 1783.
Suivant cette transaction, Marie-Thérèse de Lévignen obtenait les seigneuries de Thon et des autres localités, tandis que sa mère bénéfi¬ciait d'une rente de 200 écus et de l'usufruit de l'office héréditaire de Bodeux.
Marie-Thérèse de Lévignen et son époux habitèrent à Bruxelles et à Namur où ils avaient un hôtel particulier. Ils résidaient également à Thon (59). Ils menaient grand train de vie comme.la plupart des aris¬tocrates de la fin de l'ancien régime.
La révolution vint bien vite mener le comte et la comtesse de Lévi¬gnen sur le chemin de l'émigration. Ils firent un long périple à travers l'Allemagne. Marie-Thérèse de Lévignen revint la première à Thon. Elle put sans trop de difficultés réintégrer ses propriétés, d'autant plus facilement qu'elle était séparée de biens de son époux en vertu d'une sentence du Châtelet de Paris.
Le maréchal de Lévignen put également revenir au pays. Un passe¬port signé par Fouché quelques années plus tard nous apprend que Félix de Lévignen avait les yeux bleus, le nez assez gros, la bouche petite, le menton rond, qu'il mesurait 1 m 76 de taille et qu'il portait perruque.
Il n'était plus parlé de la dame et du seigneur de Thon mais du citoyen et de la citoyenne Delévignen.
La dernière dame de Thon transmit le domaine à ses descendants (60).

58 Son père avait été conseiller au Parlement de Paris, puis intendant d'Alençon. La famille actuellement éteinte dans les mâles fut annoblie par François Ier puii> décorée du titre de comte par Louis XV. cfr Bon de Ryckman de Betz. Armoriai de la Noblesse belge p. 261
59    Félix   de   Lévignen   était  né   en   la  paroisse   St-Eustache  à   Paris,   il   avait   résidé
autrefois dans un immeuble de la place Vendôme.
60    Pour   comprendre   la  dévolution héréditaire   de  la   seigneurie   depuis   1693,   voyez
le tableau ci-dessous :







   Gilles de Mozet de Grunne ép.  Josine de Celles,  petit-fils de Jean de Mozet sgr de Grunne et d'Anne Moreau de Thon   
 Hubert François  Marie-Marthe  de Mozet de Grunne, dame de Thon r. 28.2.1693 ép. Nicolas-J. de Mollet qui veuf épousa M.-A. de Balbany 3 filles 
 du 1er lit   du 2ème lit
 
  ANNE HUBERTINE de MOLLET
dame de Thon r. 24.6.1698
ép. Emmanuel Bon de RAH1ER de Bodeux.
  Marie-Anne de Mollet ép.   1°  Bon    de    Weich 2° Cte   de   Lalaing 
  CHARLES OGER de RAHIER
seigneur foncier r.29.10.1772
sgr hautain r. 5.3.1753
 Marie Marguerite
épouse du Ctc de
Lévignen
  
   ||  
   MARIE-THERESE de LEVIGNEN
ép.  de  Félix   maréchal  Cte  de   Lévignen dernière dame de Thon.   14.5.1783
 Charles L.  François cte de  Lévignen 
   Anatole L.J.F. Lallemant cte  de Lévignen ép. de la Bonne de Gaiffier Tamison 
   Jules L.F. Lallemant Cte de Lévignen ép.  la Bonne de Selys-Longchamps 
  Raoul mort   sans  descendance  Marie, épouse du  Bon  Paul de Gaiffier d'Hestroy 

 

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General update: 19-01-2012 07:54
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