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A Bequet dans ASAN (Annales de la société archéologique de Namur, tome IX, namur, 1865-1866, p 371)

«Quel vaste paysage se déploie à vos pieds ! Comme la Meuse, capricieuse et fantasque, roule avec grâce ses ondes vertes et transparentes ! D'un  côté Sclayn et Andenne ; de l'autre Marche et Brumagne , et  dans le lointain le sommet de notre vieille citadelle. Vous  foulez des décombres, des pans de mur tellement solides,  qu'ils sont tombés d'une pièce comme les hommes d'armes  qui les défendaient : vous êtes au-dessus du château de Samson. »

 

 

SAMSON.
ImageEn parcourant les bords pittoresques de nos rivières, ou est frappé de la quantité d'enceintes fortifiées, de camps, de châteaux qui occupent les parties les moins accessibles de leurs escarpements ; aussi peut-on dire qu'il n'est peut-être pas, dans la province, un seul promontoire un peu défendu par la nature qui n'ait été occupé par l'homme. Un grand nombre de ces retranchements n'ont pas d'histoire : les plus anciens documents écrits, quand ils les mentionnent, ne nous fournissent sur eux que des récits légendaires ou des traditions dont on ignore la source. Les paysans voisins vous diront que là était li chestia, et ils vous raconteront, peut-être, l'histoire d'un trésor ou d'une gatte d'or enfouis sous les pierres.

Des découvertes récentes ont reporté à des temps extrêmement reculés l'époque de l'occupation de nos contrées par l'homme. Le sol des cavernes semble devoir révéler les secrets de ces âges primitifs sur lesquels s'étendait une nuit profonde. Les hommes de l'âge de la pierre sentirent déjà la nécessité de pourvoir à leur défense; les passions et les haines qui divisent les hommes n'ont-elles pas existé de tout temps? Les premiers; ils durent occuper quelques-unes de ces positions si favorables, et les fortifier; des races nouvelles s'en emparèrent et ajoutèrent à un certain nombre d'entre elles des ouvrages en rapport avec leurs besoins. En étudiant aujourd'hui avec soin ces localités, en recueillant les moindres débris qu'ont laissés sur le sol leurs différents possesseurs, enfin en les comparant à d'autres dont l'histoire nous est connue, ne pourrait-on jeter quelque lumière sur leur passé si obscur ? Mais tout d'abord divisons-les en deux grandes classes sous le nom générique de châteaux : 1° les châteaux antérieurs à la féodalité; 2° les châteaux féodaux. Chacune de ces classes devrait être encore subdivisée, mais occupons-nous, pour le moment, des caractères généraux qui les distinguent.

Ces châteaux offrent au premier aspect des différences si radicales, que l'on ne tarde pas à se convaincre qu'ils ont été élevés par des peuples dont les besoins étaient bien distincts. Que remarquons-nous dans les premiers? De grandes enceintes mesurant quelquefois jusqu'à 10 et 12 hectares de superficie, une position admirablement choisie sur un promontoire élevé, dominant le plus souvent le cours d'une rivière. Leur défense est simple : un fossé ou un retranchement, dont on retrouve souvent des restes, sépare cette enceinte .dans sa partie la plus étroite, à l'isthme, des plateaux voisins. Si on découvre quelques traces de constructions dans leur intérieur, elles sont jetées ça et là sans système. Tout y accuse le séjour d'une population nombreuse, d'une tribu, d'une bande; leur sol fouillé avec soin nous donnera des armes en silex des âges primitifs, des armes en bronze, des fragments de ces beaux vases que les populations romaines savaient seules travailler, et très souvent nous y retrouverons les traces des Francs qui, après leur passage du Rhin, s'étaient emparés de ces postes d'où ils dominaient le pays. Enfin le moyen âge trouve dans quelques-uns de ces châteaux des positions d'une telle importance qu'il s'y établit pour élever son donjon et ses hautes murailles; cette destinée fut celle des châteaux de Namur, de Samson, de Poilvache, de Gollezines, etc.

Quelle fut l'origine de ces fortifications féodales que nous avons rangées dans la seconde classe, et en quoi se distinguent-elles des constructions antérieures? Les chefs francs se sont partagé la conquête; bientôt ils s'isolent complètement, tous les liens politiques qui les unissaient se sont relâchés, l'intérêt personnel devient le seul mobile de leurs actions. L'homme, que la naissance, la fortune, ou la force a élevé au-dessus de ceux qui l'entourent, doit se créer des demeures en rapport avec son existence et sa position ; il s'enferme dans des châteaux inaccesibles pour se défendre de ses voisins; puis, descendant dans les campagnes, il cherche à étendre sa domination territoriale. Il donne en fief à des vassaux les nouvelles terres qu'il a conquises, et ces vassaux couvrent à leur tour le sol de leurs forteresses; voilà l'origine des châteaux féodaux qui, à partir des XIme etXIIme siècles, se rencontrent en si grand nombre dans nos contrées. Quel était le genre adopté dans ces constructions? Évidemment il devait être en rapport avec les moyens de défense, en rapport surtout avec le nombre de guerriers disposés à prêter au suzerain l'appui de leurs armes; ces vassaux, sur la fidélité desquels il ne peut pas toujours compter, ne lui doivent d'ailleurs le service militaire que pour un temps assez court et dans de certaines limites. Le château féodal fut donc muni de défenses étroites, compliquées, faciles à défendre par un très petit nombre d'hommes. Il accuse l'esprit de défiance du maître : il faut que celui-ci puisse en surveiller toutes les parties et se porter partout en peu d'instants. Il occupe un emplacement très restreint, sa principale force réside dans son assiette, la hauteur de ses murailles et la multiplicité de ses défenses ; Montaigle, {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Annales de la Société Archéologique de Namur, t. VI, 91.IX 45 que nous avons décrit en détail dans ces Annales ', peut être considéré comme un type très intéressant de ces châteaux. Le sol de notre province en était autrefois couvert; les uns n'offrent plus que des ruines, d'autres ont été considérablement modifiés.

 


 

ÉPOQUE  ANTÉRIEURE   A   LA   FÉODALITÉ.Tous nos lecteurs connaissent les rochers de Samson qui s'élèvent sur les bords de la Meuse, à 12 kilomètres de Namur; leurs masses imposantes dominent au loin le cours du fleuve dont les eaux agitées tourbillonnent en se heurtant contre leurs dernières assises. Sur la rive opposée, les riantes habitations du village de Namêche semblent faire contraste avec l'aspect sévère de ces roches blanchies par les siècles.Le château de Samson occupait un vaste promontoire escarpé, défendu d'un côté par la Meuse et de l'autre par une vallée profonde, arrosée par le Hoyoul; une position si favorablement située dut attirer l'attention de l'homme dès l'époque la plus reculée. Les historiens nous ont transmis sur ses premiers temps de nombreuses traditions : les uns disent qu'il y existait, antérieurement à la naissance de J. G., un temple et des retranchements; d'autres font remonter à l'époque de la conquête du pays par les Romains l'occupation de ces rochers, et l'établissement d'un poste chargé par J. César de maintenir en respect les Ëburons et les Aduatiques; tous enfin rapportent la  tradition qui attribue aux Francs l'érection du château de Samson et citent un certain Auberon, fils de Clodion, comme son fondateur, vers la seconde moitié du Vmc siècle '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 CROONENDAEL, Cronicque, etc. pag. 125. — GRAMAYE, Antiquitates Bel-gicae, p. 76. — RICHARD DE WASSEMBOURG.2 Le Musée Archéologique provincial possède plusieurs décès armes. En attendant que l'exploration des cavernes, situées au haut de ces rochers, vienne jeter un jour plus complet sur l'ancienneté de leur occupation par l'homme, mentionnons les découvertes d'armes en silex et de haches en bronze faites à différentes époques dans les vallées voisines 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}Musée archéologique de Namur
Les pans de murs qui ont supporté les défenses du moyen âge nous ont révélé, dans plusieurs parties de leur construction, une origine romaine. Au siècle dernier, on voyait encore à Namêche, en face du château, une inscription gravée sur un autel votif romain en pierre bleue 3. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3 Voici cette inscription telle qu'elle est rapportée par nos historiens : DM N1NIVS DRAVSONIS VIVVS  SIBI M. F.

Enfin la découverte récente d'un cimetière franc près des derniers retranchements du château, nous prouve que ce peuple fit un long séjour sur ce vaste promontoire et qu'il' y éleva un castrum habité par des hommes libres, où séjourna, peut-être, un cornes puissant 4{styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}4 Aucun cimetière de cette époque n'a offert jusqu'à présent, en Belgique, des dépouilles aussi importantes; il a été longuement décrit dans ces Annales archéologiques, t. VI, 545. .
La tradition, avons-nous dit, mentionne un fils de Clodion-le-Chevelu, roi des Francs, nommé Auberon, comme fondateur du château. Bien que cet Auberon soit inconnu à l'histoire, nous ne voyons là rien d'invraisemblable : il demeure constant aujourd'hui que Clodion habitait la Belgique, quoique les auteurs soient loin d'être d'accord sur l'emplacement de Dispargum, sa résidence favorite '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 WARNKOENIG ET GÉRARD. Histoire des Carolingiens , t. I, p. 41.

Au total on peut affirmer que le moyen âge n'a pu élever les vastes enceintes qui se voient encore aujourd'hui au sommet des rochers de Samson : il fallait une armée de guerriers pour les défendre et leur étendue, à cette époque, ne pouvait être qu'un embarras.

Trois retranchements parallèles défendent le promontoire vers sa seule partie accessible; ils renferment des espaces plus ou moins grands. La dernière de ces enceintes, qui est en même temps la plus forte, est couverte aujourd'hui de ruines; là était la forteresse du moyen âge. La seconde enceinte plus grande que la précédente renfermait la basse-cour du château féodal, c'est-à-dire les écuries, granges, etc. Enfin la première plus vaste encore s'étend jusqu'à l'isthme ; elle ne fut jamais occupée pendant le moyen âge et renfermait des masures, des champs et des jardins qui, au XIIIe siècle, étaient en partie cultivés par le châtelain du château : ils sont situés, dit un compte de 1265, dedens les vies murs dou castiel de Sanson 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Reg. velu. Chambre des comptes, n° 1001, arch. du roy. — J. BORGNET, Promenades dans Namur. Première et deuxième promenades. Voyez ce que dit cet auteur à propos des Vieux murs situés au dessus de la Gueule du Loup, au château de Namur.

Ce fut contre le retranchement de cette première enceinte, et près d'un endroit où une ouverture semble indiquer l'emplacement de la porte, que fut découvert le champ de repos des compagnons de Clodion. Nous avons eu le bonheur d'assister aux fouilles que la Société Archéologique de Namur y fit exécuter; nous nous rappelons encore l'émotion profonde qui nous saisissait lorsque s'offraient à nos regards ces guerriers couchés dans leur linceul de pierres, revêtus de leurs armes, la francisque et la framée au côté, comme à la veille d'un combat. Notre imagination invoquait l'apparition de leurs compagnes dont les froides dépouilles nous abandonnaient les bracelets et les colliers précieux, dont aimaient à se parer ces blondes enfants des forêts de la Germanie.

Nous ne terminerons pas ce chapitre des traditions sans rapporter un passage de la chronique de Jean d'Outremeuse ', {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Ly myreur des histors, publ. par Slr AD. BORGNET, dans la Collection des Chron. belges inédites , I, p. 527. relatif à l'origine surnaturelle du courant de la Meuse sous Samson et à l'étymologie du nom de Namêche. Bien que ce récit semble nous éloigner un peu de notre sujet, il nous a paru trop curieux pour le passer sous silence ; seulement nous 'l'avons un peu francisé pour le rendre plus intelligible au lecteur. S' Materne est, comme on sait, le grand apôtre de notre pays : une tradition, populaire encore, aUribue à ce Saint l'établissement de toutes les vieilles églises romanes de la province, surtout dans le voisinage de la Meuse. Notre vieux chroniqueur, après avoir longuement raconté la conversion des habitants de Binant et de Namur et les actions merveilleuses qui l'accompagnèrent, fait enfin arriver S' Materne à Namêche.
« En l'année 0 et XXIII, dit-il, S' Materne se rendit en la ville de Emordas sur Meuse; là il prêcha~la foi, convertit le peuple ainsi que le seigneur du lieu qui s'appelait Mege, et les baptisa. Ensuite il ordonna au diable Nam 2, {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Nam était le Dieu plus particulièrement adoré à Namur, à Binant et à Namêche. par tous les noms les plus sacrés de Jésus-Christ, de se précipiter dans l'eau qui 
coulait là près et d'y demeurer toujours sans jamais en sortir. Alors Nara s'élança à l'eau qui se rejeta en arrière avec un bruit de tonnerre, puis elle coula à grands flots et depuis lors a toujours coulé ainsi, quelque beau que fût le temps. S1 Materne appela la ville Nammêge, du nom de leur Dieu et de leur seigneur. Elle est située sur la Meuse devant un château nommé Sanson qui fut depuis élevé sur un rocher au-dessus du fleuve.» D'autres prétendent, rapporte J. d'Outremeuse, que cette ville s'appela Namêche, parce que S'Materne disait, quand le diable Nam se jeta à l'eau : Nam submersum, Nam noyé. Il attribue aussi à cet apôtre des Gaules la construction de l'église de Namêche, qu'il dédia à S1 Etienne, selon le désir de ce Saint qui lui était apparu en songe. Nous laissons le lecteur juge du degré de croyance qu'il faut accorder aux récits naïfs de ce chroniqueur.


 

ÉPOQUE   FÉODALE.

Le château de Samson, ainsi que les principales forteresses du pays, était un alleu des comtes de Namur. Il perdit cette qualité en 1204, par la vente qu'en fît Philippe-le-Noble à l'évêque de Liège, Hugues de Pierrepont, moyennant une rente annuelle de cinquante marcs d'argent '.  {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 DE REIFFENBERG. Monuments pour servir à l'histoire des provinces de Namur, etc., t. 1, Chartrier de Namur.

Philippe l'avait fortifié cinq ans auparavant, et on aurait lieu de s'étonner d'une cession aussi importante si elle avait été réelle; mais Samson ne fit que perdre sa qualité d'alleud, l'évêque ayant remis de suite le comte de Namur en possession du château, avec la seule condition de le tenir en fief de l'église de Liège.
Ainsi le comte de Namur promettait de servir l'évêque contre tous excepté contre le suzerain dont il tenait son comté; l'évêque, de son côté, s'engageait à secourir le comte en toute circonstance, et ses successeurs, à leur avènement, devaient renouveler cette promesse. Ces ventes fictives étaient très en usage au moyen âge : les seigneurs, possesseurs de châteaux fortifiés, trouvaient ainsi l'occasion d'augmenter leurs revenus, moyennant de rendre l'hommage et le.service militaire à un seigneur plus puissant.

En 1216, Waleran II, marquis d'Arlon et comte de Luxembourg, après avoir échoué aux sièges de Bouvignes et de Namur, eut plus de succès devant Samson dont il s'empara sans trop de résistance. Le premier soin de ce prince fut d'en expulser tous les habitants qui, très dévoués à leur souverain, ne pouvaient lui offrir aucune sécurité. II s'empressa ensuite d'ajouter de nouvelles défenses au château et y fit travailler jour et nuit, sachant que Pierre de Courtenay ne tarderait pas à arriver pour le reprendre. En effet, le comte de Namur dressa bientôt ses machines de guerre contre les murailles de Samson ; il échoua dans une première tentative pour s'en emparer, et le siège menaçait de traîner en longueur quand une habile diversion de Waleran le força à s'éloigner : ce prince avait envoyé au-delà de la Meuse un corps de troupes pour ravager le pays, et le comte de Namur se vit obligé de voler à la défense de cette partie du comté '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 1. BORG5ET. Histoire du comté de Namur, p. 79.

A partir de cette paix l'histoire garde un long silence sur le château de Samson. Des défenses nouvelles le rendaient inexpugnable; aussi rie verra-t-il plus à l'avenir un drapeau ennemi flotter au sommet de ses murailles. « C'est celluy seul, » dit Croonendael, de toutes les anciennes forteresses des contes de Namur, qui a eschappé la fureur des guerres qu'ont » fait à ce petit pays tant les Liégeois que roys de France '. » {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 CROONENDAEL. Cronique, etc. II suit les vicissitudes du comté de Namur, et ses possesseurs ne cessent de prêter hommage aux évêques de Liège. Ainsi, en 1307, lorsque Jean I consent à relever le comté de Namur du Hainaut, il est bien stipulé que le château de Samson continuera à relever de l'évêque de Liège 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 J. BORGNET. Analyse des chartes namuroises qui se trouvent aux archives à lOle, p. 43.

Cependant quelques années plus tard, en 1333, il recouvra sa qualité d'alleud, sans que nous sachions bien qu'elles furent les raisons qui mirent fin à ce vasselage consenti autrefois par Philippe-le-Noble, moyennant une pension de cinquante marcs d'argent, réduite depuis à vingt-cinq. Comme ce contrat avait été entièrement libre de part et d'autre, il est à présumer que les évêques de Liège se seront lassés de payer une pension considérable pour un château qui leur était de peu d'usage. Samson fut de nouveau engagé par Jean II, à la suite d'un traité conclu avec Jean III, duc de Brabant; mais le contrat avec ce prince n'eut, croyons-nous, qu'une très courte durée 3. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3 GODEFBOID, Inventaire des titres du château de Namur, L. b. L. 8.

En 1429 commence cette longue guerre entre les Liégeois et les Namurois qui réduisit notre comté à la plus affreuse misère. Chacun sait l'acharnement et la cruauté que mirent dans leur lutte ces deux peuples voisins qu'une amitié fraternelle aurait dû toujours unir. Le comté de Namur venait d'être joint aux immenses possessions de la maison de Bourgogne, sous le sceptre de Philippe-le-Bon; au premier bruit de guerre, ce prince, très occupé avec la France, ne put envoyer au secours des Namurois qu'un corps de troupe très faible sous le commandement d'Antoine de Groï. Ce chef, dans l'impossibilité de tenir tête à un ennemi qui envahissait le comté de tous les côtés à la fois, dut se contenter de mettre en bon état de défense et de renforcer les garnisons des principales forteresses du pays, Namur, Bouvignes et Samson.
Les Liégeois, après avoir détruit les châteaux de Beaufort, de Golzinnes et de Poilvache, vinrent mettre le siège devant Bouvignes. Les Hutois leurs alliés ravageaient le Condroz; ils avaient surtout à cœur d'occuper le château de Samson qui commandait la Meuse et dont la garnison les inquiétait beaucoup ; mais comment s'emparer de cette place formidable dont les défenses venaient d'être renforcées par notre comte Guillaume II (1404)? Les Hutois décidèrent d'employer la ruse : à cette fin ils se mirent en embuscade, de grand matin, dans un petit boisvoisin du château, et là ils attendirent le moment où les troupeaux enfermés dans la basse-cour sortiraient pour aller à la pâture ; ils espéraient se précipiter alors vers la porte et s'en saisir. Un certain Hustin d'Heure avertit, au péril de sa vie, le châtelain du danger qui le menaçait; celui-ci fit garder les portes avec soin, et quand les Hutois s'approchèrent, ils furent accueillis par une nuée de traits. Les assaillants voyant leur ruse découverte, se retirèrent en brûlant les moulins et les habitations au pied du château '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 JEAH DE STAYELOT, publié par M. A. Borgnet, dans la Coll. des chron belges inédit£*,p.ï38.—Registren° 11209delà Chambre des comptes (1438-1439).  Saouo*. Arch. du roy. «    de Ottart de Vaulx qu'il devoit sur la maison  gisante en Vaulx dessous Samson, néant; la maison est arse et destruite  par la deraine guerre. »

Lors de la guerre de 1466, qui se termina par le sac si célèbre de Dinant, la garnison liégeoise du château de Huy,
impuissante vis-à-vis du fort chasteal, ravage encore cruellement le bailliage de Samson '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Registre n" H225 de la Chambre des comptes     « Celui Jehan diffère de paierpourles grans dommaiges qu'il disl avoir en à cause de la guerre, Uni en sa maison qu'il a fa.it toute descouvrir pour le double du feu, et que » les bestaus du pays de Namur que on amenoit arierre des ennemis ont  comme tout gasté et foullé les biens estant aux champs , etc.

Du haut des murailles de la forteresse, où ils ont cherché un asile avec leurs meubles les plus précieux, les pauvres manants des environs peuvent voir les flammes qui dévorent leurs maisons et leurs récoltes. La guerre fut alors bien désastreuse, et nous voyons par les comptes du bailliage que, dix ans après, les terres sont encore en friche, faute de manants pour les cultiver, le peu d'entre eux que les malheurs du temps n'avaient pas conduits au tombeau s'étant réfugiés dans les villes où ils trouvaient au moins de la sécurité.
En 1489, eut lieu au château de Samson une assemblée des députés des villes du pays de Liège, convoqués par Albert de Saxe ; ils y jurèrent fidélité à leur évêque et souverain légitime Jean de Homes, dépouillé de ses états par Evrard de la Marck -{styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 FOULLOS. Hisloria Icodiensis. t. II, p. 174.
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En 1577, don Juan d'Autriche s'était emparé par surprise du château de Namur. Les Confédérés, avant d'en commencer le siège, résolurent, pour assurer leur tranquillité, d'emporter les châteaux du pays contenant des garnisons espagnoles. Ils espéraient se-rendre facilement maîtres du châleau de Samson, Michel de Warisoul, qui en était châtelain, passant pour leur être favorable. Cependant leur tentative échoua grâce à une troupe nombreuse qui, sous les ordres du capitaine Ployon, fut envoyée de Namur pour appuyer la garnison. Michel de Warisoul se disculpa entièrement du soupçon qui avait pesé sur lui3. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3 - Mémoires anonymes jur les troubles des Pays-Bas, t. II, 119, 121,131.

Un demi-siècle plus tard, en 1639, eut lieu au château de Samson une exécution capitale pour crime de trahison. Un certain Daniel de Combremont, natif du pays et se qualifiant d'écuyer, avait pris le parti de la France. Après avoir traversé lès-provinces belgiques avec le régiment du colonel Trouillet, dont il était sergent-major, il s'était arrêté à Liège. Dans cette ville, dit l'acte d'accusation, « il avoit tenté, en présence d'un » ministre de France, d'y séduire à prix d'argent et autrement » un soldat du château de Samson, ainsi que sa femme qui » avoit été sa servante, afin de trahir et livrer entre ses mains » ce château ». Il fut condamné à être privé de son titre d'écuyer, et ses biens furent confisqués ; puis, conduit sur un échafaud, il eut la tête tranchée en présence de toute la garnison; son corps fut ensuite mis sur une roue et sa tête plantée sur une pique '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Sentences du Conseil provincial, 1655-4 657, arch. de l'État, à Namur.

Ce sont là les derniers faits intéressants que les documents nous fournissent sur le château de Samson. A la fin du XVIIe siècle, il avait subi peu de changements et ses défenses, formidables pour les armes de jet, étaient devenues insuffisantes depuis le grand développement donné aux armes à feu. Bien qu'il fût toujours occupé par une garnison, le peu de travaux de fortification moderne qu'on y exécuta nous fait croire que son abandon était décidé depuis longtemps. Trop près de Namur, alors place de guerre de. première force et commandant la Sambre et la Meuse, Samson n'avait aucune importance stratégique. Enfin les dernières années du XVIIe siècle virent signer son arrêt de mort : Charles II, roi d'Espagne et souverain des Pays-Bas catholiques, ordonna qu'il fût démantelé sous prétexte qu'il menaçait ruine. On commença à travailler à la démolition du château en novembre 1690. Les poudres et l'artillerie avaient été transportées à Namur dès le mois d'août précédant; les armes hors d'usage qui se trouvaient en magasin, telles'que arbalètes, couleuvrines, casques, hallebardes, etc. furent vendues comme vieux fer, en la place de la Fauconnerie au pied du château. Au mois d'avril 1691, la ruine de l'antique forteresse des Francs était complète; quarante-quatre tonneaux et deux cent cinquante sacs de poudre avaient été employés pour faire sauter les murailles qui causèrent, dans leur chute, de grands dégâts aux habitations de la vallée et surtout au moulin en Vaux '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Comptes du domaine particulier, domaine de Samson; archives du roy. nai H565, 11366 , -H567. Ces comptes renferment de longs détails sur la démolition du château de Samson.



CHATELAINS.

Le mot châtelain , castellanus, dans les documents du moyen âge, a une signification beaucoup plus restreinte que celle qu'on lui accorde habituellement et par laquelle on désigne tout possesseur de château. Le châtelain remplissait une mission à la fois militaire et civile : représentant du comte, il était chargé de pourvoir à la défense du château confié à sa garde; comme bailli d'entre-Meuse et Arche, il était un des dix officiers qui, sous les comtes deNamur, avaient un gouvernement particulier avec l'administration de la justice. Le poste de châtelain de Samson était donné par le souverain à des seigneurs puissants jouissant de toute sa confiance. De nombreux avantages étaient attachés à cet emploi qui, par une disposition assez rare, était primitivement héréditaire. A partir de la domination de la maison de Bourgogne, les châtelains, qui prirent alors le titre de capitaine, puis de gouverneur, avaient leur entrée aux États de Namur parmi le corps de la noblesse; il leur suffisait, comme titre, d'exhiber leur patente de capitaine et leur prestation de serment.
Nous donnons ici une liste des châtelains. Il y existe malheureusement, au XIVe siècle, une lacune que toutes nos recherches n'ont pu combler.
Foulques '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Nous ne connaissons ni l'origine ni la descendance de ce Foulques; nous croyons cependant qu'il était du Hainaut, car, dans la charte de 1257, Baudouin lui fail don de terres vagues (bruerias) situées à Havre en Hainaut. Lors de la conquête du comté de Namur par Baudoin V de Hainaut, ce prince eut à récompenser les seigneurs qui l'avaient accompagné dans cette expédition ; il leur donna les principaux emplois et surtoul la garde des forteresses.
— Fulgonius , charte de 1237. Foukon et Foukes, charte de 12S3. Dans la première, Baudouin, empereur de Constantinople et comte de Namur, confère à Foulques, châtelain de Samson, la place de châtelain héréditaire de ce lieu, pour lui et ses hoirs. Il lui fait don de revenus en argent et en grains et d'une chape fourrée chaque année. Il s'engage aussi à fournir à sa demande jusqu'à trente-deux sergents (serjanos) pour la défense du château 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 DE REIFFENBERG. Monuments, t. 1, 9.

Dans la seconde des chartes mentionnées ci-dessus, Foulques échange avec Marie de Brienne, impératrice de Constantinople, le moulin de Vaux sous Samson qui tient à la tour Lapidon, contre sept livres louvignies et trente muids d'avoine, à payer annuellement. Le châtelain se réservait à perpétuité le droit d'y faire moudre le grain nécessaire à sa maison , sans aucun droit de mouture. Foulques devait livrer des aides pour le transport des bois au château; mais il avait pour lui, ses successeurs et les sergents du château, le pâturage, le feu et le bois de charpente dans les forêts d'Ende 3. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3 Id. p. iH. On lit au dos de celle charte, qu'elle fui rachetée peu d'années après par le comte de Namur.

 

Guillaume de Goumigmes, dit Nockes, châtelain de Samson, mort en -125o. Croonendael rapporte, dans sa Chronique du comté de Namur, qu'on voyait de son temps, à Namêche, deux pierres tombales recouvrant les restes d'un châtelain et d'une châtelaine de Samson. Sur la première était réprésenté un homme armé, ayant les bras et les jambes couverts de mailles, tenant dans la main droite une épée, et reposant la main gauche sur un écusson à une croix; l'inscription suivante se lisait autour de celte figure : Ce gist mesire Nokes de Goumesnies, l'i fa chastelains iretables de Sanson, s'y trépassa en l'an de l'incarnasion Notre Seigneur MCCLV, lendemain après le Nostre-Dame. Priez por l'âme. Les Goumignies appartenaient à.une puissante famille du Hainaut; il est bien probable que l'un d'eux suivit Bauduin V, lors de la conquête du comté de Namur par ce prince, et s'y fixa.L'autre tombe mentionnée par Croonendael a échappé à la fureur des iconoclastes anciens et modernes; elle représente, sculptée en demi-bosse, l'effigie d'une châtelaine de Samson dont la tête est ceinte d'une couronne. Nous n'en donnerons plus la description; elle a été faite longuement clans ces Annales. Disons seulement que c'est un spécimen, très rare dans nos contrées, delà statuaire du XIIIe siècle. Voici le sens de l'inscription qui se lit sur la bordure de cette tombe : Ci gît la droite héritière châtelaine de Samson qui fut du lignage du... (roi) ... de Jérusalem, prions pour l'âme que Dieu console '. Suivant une tradition déjà ancienne et très répandue, cette grande figure représente Sybille de Lusignan, reine de Jérusalem; cette dame, qui fut fille, sœur et femme de roi, serait venue mourir au château de Samson eu elle avait cherché la tranquilité -{styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Annales de la Société. Archéalsgiqne, IV, 52. L'inscription est rapportée textuellement dans cet article. et le repos à la fin de sa vie agitée '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Une petite plaque de marbre, placée au commencement du siècle près de ce tombeau, porte l'inscription suivante : « Yci repose les ossemens de Sybille de Lusignanl, reine de Yerusaleme, décédée l'an 1187. »
D'autres y voyaient Marie de Brienne, femme de Bauduin empereur de Constan-tinople et comte de Namur2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 J. B. GRAMAYE. Namurcum, p. 25.
Ces noms illustres avaient donné une certaine célébrité à ce monument, et l'avaient entouré d'un respect qui nous a valu, sans doute, sa conservation. Nos recherches nous permettent aujourd'hui de rétablir la vérité historique, et de rendre cette figure à qui elle appartient. Guillaume de 'Goumignics, châtelain de Samson , que nous avons cité plus haut, avait épousé Melisinde de Hierges, dont le père Manassès de Hierges fut connétable de Jérusalem, et conseiller favori de la reine Melisinde, sa cousine, veuve de Foulque d'Anjou3. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3    Manassès de'Hierges fut un des plus illustres croisés de notre pays ; conseiller intime de la reine Melisinde, il gouvernait en fait le royaume de Jérusalem pendant la minorité de Bauduin 111. Sa haute position et sa grande fortune le rendirent si orgueilleux et arrogant, que le jeune roi et la noblesse du pays se soulevèrent contre lui; assiégé dans son château de Mirabel, il fut batlu et obligé de repasser, en Europe. Manassès emportait dans sa fuite, pour toute fortune, un fragment de la vraie croix; de retour à son château de Hierges, celte précieuse relique éveilla la convoitise des moines du voisinage, et devint pour lui une source de tribulations, jusqu'au moment où il consentit à s'en dessaisir en faveur de l'abbaye de S' Gérard. Celle précieuse relique fait aujourd'hui partie du trésor de la Cathédrale de Namur. Manassès était fils de Hebrand, sire de Hierges, et de Hodierne de Bethel, parente de Godefroid de Bouillon et sœur de Bauduin du Bourg, troisième roi de Jérusalem. Petite fille de ce dernier et parente de l'illustre Godefroid, l'épouse de Guillaume de Goumignies pouvait donc justement s'honorer d'appartenir au lignage des rois de Jérusalem 4. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}4    BUTKENS, t. II, p. 150. — GUILL. DE TYR. Histoire de la guerre sainte. Liv. XII, ch. 1 et Liv. XVI, ch. 15.
Melisinde, née au château de Hierges ' {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Les ruines du château de Hierges, rebâti au XVIIe siècle, se composent aujourd'hui d'une immense façade percée de trois étages de fenêlres à croisillons en pierres, et flanquée à ses extrémités de tours énormes; p.ir leur ac|> cl grandiose ces ruines pourraient s'appeler le Heidelberg de la Meuse.
près de la Meuse, a reposé en paix pendant des siècles, sur les bords de ce fleuve, dans le modeste prieuré de Namêche. Aujourd'hui son tombeau est dans l'église paroissiale ; puisse-t-il y rester longtemps encore à l'abri des mutilations.

Guillaume de Goumignies, châtelain de Samson, fils du précédent. Charte de 1263, par laquelle Gui de Dampicrre lui confirme les droits dont il jouissait en sa qualité de châtelain, droils que Bauduin de Constantinople avait attachés à cet emploi -.{styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2- GODEFROID. Inv. des titres du château de Kamnr. L. 5.

Libiers de Bousinies 3, {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3 Bousïgnies, arrondissement d'Avesnes , Hainaut ancien.
châtelain de Samson en 1294. C'est sans doute le même Libiers que nous trouvons châtelain de Bouvignes en 1284, et de Golzinno en 1288.

Bauduin, châtelain de Samson en 1317; signe en cette qualité un acte concernant Thy-le-Château.

Fastré Baré, chevalier, châtelain vers 1400 ; il était neveu de Henri Baré, sire de Namêche, souverain-bailli du comté, et père de Henrard, châtelain du château de Namur.

Collart d'Oultremont, écuyer, châtelain en 1429; il fut, suivant Croonendael, échanson du bon duc Philippe.

Messire de Forvie, chevalier, châtelain de Samson en 1464 ; il était fils, croyons-nous, de Henri de Forvie, bailli de Wasseige, vers 1420.

Antoine de Mariais, capitaine de Samson en 1473-1477 4. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}4 Acquits de Lille. Recette yc'nérale du comté de Namur, n" 4985. « Nous Jehan de Lonchamps, chevalier, lieutenant du gouverneur delà comté de Namur, commis par ma très redoublée dame madamoiselle la duchesse de Bourgogne, devoir et passer à monstre les gens de guerre cy devant nommés, certifiions a tous à qui il appartiendra, que, le xe jour d'avril 1477, avoir veu et passé à monstre lez sa dite ville de Namur, les gens de guerre escript en ce présent rolle, levez et mis sus, par l'ordonnance de ma; dite dame, par Anthoine de Marbais, escuyer, capitaine de Sanson, pour la grande tuiscon et déffen.se du dit Sanson, au nombre d'une home d'arme à trois chevalx, wytcrenequiers achevai et2icompaignons depiet bien armés et habilliés, ainsi que à Testât d'un chacun d'eulx appartient, lesquels ont jurés et promis en ma main de bien et léalment servir ma dite damoiselle envers et contre tous et de non partir du dit chasteau de Sanson sans son congié et icence, etc., etc. » L'homme d'arme recevait 15 francs par mois, le cre-uequier à cheval, 5 francs, et le compagnon à pied, 60 sols.

Jean de Montfort, écuyer, châtelain en 1487.

Godefroid Deve, messire, châtelain en 1493. Il avait occupé le même emploi au château de Montaigle, puis avait été nommé lieutenant du gouverneur du comté de Namur et prévôt de Poilvache ; sa femme fut Hélène de Salmier, dame de Vezin.
Gilles Deve, capitaine de Samson de 1498 à 1529.

Antoine Deve, capitaine de Samson et bailli d'Entre-Meuse et Arche. Il mourut en 1-555, et fut enterré à Sclayn, sous un magnifique mausolée qui se voit encore aujourd'hui '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Voici l'inscription qui se lit sur son tombeau : Cy gist noble home Anthone Deve, cscuy. en son tamps, seigneur Domgnye, Deve, de Beau-sart, de la Monsc'c, de Pycunc, capitaine de Sampson (Samson), et bail/y d'entre-Meuse et Arschcetc., qui trépassa le 41e jour de Jung l'an 4555. Etnublc dame mademoiselle Katherine de Hun, cspcusc du dcST. l'âme de Beaurewart, d'Olreppe, et de Monlygny. les Arlys, etc., laquelle trépassa l'an 1559, le premier jour de Jung. Pries Dieu pour leurs âme.

Henri Deve, capitaine de Samson de 1555 à 1560, et bailli d'Entre-Meuse et Arche. Il fut nommé à ce poste le 15 mai 1555, par Charles-Quint, en suite de la résignation de cet office, faite par son père Antoine Deve 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Registre aux commissions. C. 87, fol. VIIIXI. Arch. départ, à Lille.

Après qu'il eut prêté serment de bien garder le château, on dressa un inventaire de l'artillerie et des biens qui s'y trouvaient, appartenant à Sa Majesté. En 1557, Henri Deve fournit, comme caution de cet office, tous ses biens et plus particulièrement la terre de Beaurewart appartenant   à sa mère '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Reliefs et transports du Souverain bailliage. ISa'l à 4392, fol. 90 verso, Arch. de l'État, à Namur.
Ce châtelain repose sous une magnifique pierre tumulaire, en marbre noir, dans l'église de Sclayn 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Voici l'inscription qui se lit sur son tombeau : Cy gist noble home Hery Dcve escuwie, en son temps, seigneur Doignies, de Monzéc, de Bcausart, de Rirnne,de Berewart, Dotreppe, Deve et Devrehaille, etc., capitaine de Sanson, ballif d'Entre-Meuse et Arche, qui trépassa le Wde mars 1560.

Michel de Warisoulx, capitaine du château de Samson, en 1577; il appartenait à une ancienne famille noble du comté de Namur.

Henri de l'Espinée, fils de Henri de l'Espinée, receveur général du comté de Namur. Il fut nommé par Philippe II, en 1578, capitaine du château de Samson et bailli d'Entre-Meuse et Arche, office vacant par la mort de Michel de Warisoulx3; {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3    Registre aux commissions , C. 91. Arch. départ, à Lille.
Il repose dans l'église de Namèche, sous une très belle tombe ".{styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}4    Voici l'inscription qui se trouve sur sa tombe : Cy devant repose le corps de feu noble homme Robert de Lespinée a son vivant escuier seigneur  de Sommaing etc capitaine du chasleau de Sampson et bailly d'Entre-Meuzcet Arche, qui trépassa le dernier de mars 1602, pries Dieu pour son âme. Reliefs et transports du Souv. Bailliage. -1592 à 160S.

Jean Dyve, seigneur de Neuville, prêta serment le 15 juin 1602, comme capitaine de Samson, entre les mains du prince de Gavre, gouverneur du comté 5.

Warniër du Cherf, écuyer, seigneur de Fumale, fut nommé capitaine du château de Samson et bailli d'Entre-Meuse et Arche, par Albert et Isabelle, le S décembre 1603. Cette charge lui était confiée en considération des services qu'il avait rendus « premièrement ea qualité de soldat advantaigé entre la nation espaignolle, depuis comme enseigne d'une compaignie » walonne, en après comme capitaine et ainsy conséquanment » comme lieutenant-coronnel, et par après de coronnel d'un  régiment d'infanterie walonne, ayant de temps à aultre eu plusieurs villes et places soubs sa charge et commandement '.» {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Registre aux commissions, C. 96. Arch. départ, à Lille.

Nicolas Le Grand fut nommé capitaine du château et bailli, en juin 1611 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Idem. C. 98. id.

Charles de Brandt, écuyer, sergent-major réformé ; sa commission date de 1623 3. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3 Idem, C. 100. id. Messire Antoine de Bourgogne, chevalier, seigneur de Froid-mont et de Zutlande, fut nommé gouverneur de Samson, en 1640; il avait épousé Dorothée, comtesse de T'Serclaes 4. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}4    Registre  de la cour de  Thon et de Vaulx tous Samton, Arch. De l'Etat, à Namur.

Nicolas-Ignace Fanaux, chevalier, sergent-major du terce d'infanterie wallonne du comte de la Moterie, reçut sa commission de capitaine de Samson et de bailli d'Entre-Meuse et Arche, en juin 1653, ensuite de la démission pure et simple qu'en avait faite Anthoine de Bourgogne. Fariaux occupait encore ce poste en 1691, lors de la démolition du château de Samson, dont il fut le dernier commandant '".{styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}5    Registre aux commissions, C. 404. — Compte du domaine de Namur, 1674-1675, f° 60 v°, Arch. de l'État, à Namur.

Après la destruction du château, les baillis d'Entre-Meuse et Arche continuèrent à porter le titre de capitaine de Samson , mais on conçoit que ce n'était plus alors qu'un titre honorifique. Fonctionnaires purement civils, ils administraient la justice et représentaient aux États les intérêts des populations de leur bailliage.
Charles de Glymes de Brabant, gouverneur et capitaine de Samson de 1717 à 1727 6. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}6 Comptes des officiers de justice, bailliage d'Entre-Meuse et Arche, Arch. du royaume.

Charles Michel de Dongelberge, baron de Corbeek, gouverneur et capitaine de Samson de 1727 à 1763 ; l'office fut ensuite rempli par sa douairière jusqu'en 1776 '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Comptes des officiers de justice.

 



LES  RUINES.

Les ruines du château de Samson couvrent ces grands rochers qui s'élèvent, avons-nous dit, en face de Namêche. Il faut traverser la Meuse, à quelques pas du courant, dont les eaux agitées nous rappellent la victoire de S1 Materne sur le dieu Nam. Une vieille maison, près du rivage, semble conserver l'empreinte d'une prospérité depuis longtemps éteinte; là, en effet, se percevaient les droits à' appletaige ou de navigation comme nous dirions de nos jours 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Chambre des comptes, n° 4004, Arch. du royaume. —« Tous batteaux arrivant en Yaulx soubs Samson par dechàl'eawe, chargeant quelque denrée que ce soit, il doit droit d'applelaige qui est pour chacun baiteau, un patart et un quart. Tous marchans chargeant leingnes doivent pour chascune corde, trois deniers de Namur, etc. »

Ce hameau, à l'entrée de la vallée de Samson, s'appelait autrefois en Vaux; un ouvrage avancé ou boulevard, dont on voit encore à mi-côte des débris considérables, défendait la gorge. Le chemin, qui longe le Hoyoux, passe au pied d'une tour parfaitement conservée, et qui n'est, peut-être, que cette tour Lapidon mentionnée dans la charte de 1253. Le vieux moulin, à quelques pas de là, est le moulin en Vaux dont nous avons cité un acte d'échange consenti par Foulque, le châtelain, au profit de Marie de Brienne. Une église, construite tout récemment, a remplacé la modeste chapelle élevée, auXVIIImc siècle,parla piété de Michel de Dongelberge, bailli d'Entre-Meuse et Arche. Une requête, très curieuse, fut adressée par lui, à cette occasion, au gouverneur-général des Pays-Bas '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 « Le baron de Dongelberge de Corbecque, capitaine du château de Samson et bailly d'Entre-Meuse et Arche, démontre à Son Altesse Sérénis-sime gouverneur des Pays-Bas, que les manans de Samson, Meseray et autres lieux circonvoisins, dépendants de son bailliage, négligent depuis longues années d'entendre la messe, surtout eu hiver, et que cela provient qu'il n'y a plus de chapelle depuis la démolition du château. Cependant les prédécesseurs de Voire Majesté Impériale ont fondé un revenu annuel de 60 muids de grains, pour l'entretien du chapelain chargé de célébrer la messe au dit Samson, tous les dimanches et l'êtes, chapelle dont le patronage et collation lui appartient. Le chapelain, pourvu du bénéfice, étoit le chanoine Hoyoux, de la collégiale de S'e Croix, à Liège : il déclare ne pouvoir dire la messe au dit Samson, faute de chapelle, qu'il fait dire les messes d'obligation à Liège, et que dès qu'il yauroitune chapelle à Samson, il s'acquilteroit de ce dont il éloit chargé. Le dit capitaine, ne croyant faire une œuvre plus méritoire, tant pour la gloire de Dieu que pour le salut des âmes, a employé tous ses soins et n'a pas épargné les frais pour faire bâtir au dit Samson une chapelle qui a 56 pieds de long et 24 de large, qu'il a fait bien orner, et depuis six mois il y fait célébrer la messe, et que ledit Hoyoux diffère de s'acquitter de sa promesse. Le dit chapelain supplie Votre Altesse Sérénissime d'ordonner que le dit Hoyoux, ne remplissant pas sa promesse, soit déchu de son bénéfice, et qu'il lui permette défaire arrêter le bénéfice qui est affecté sur le revenu d'une disme dans la province de Namur, jusqu'à ce que Votre Altesse Sérénissime ait pourvu un sujet capable de s'acquitter dignement des dites fonctions.» Liasses delà cour de S1 Germain. Archives de l'Étal, 4755 —On fit saisie du bénéfice de la chapelle, qui se levait à S1 Germain, et un huissier notifia au chanoine que, par ordre de Sa Majesté, il avait fait saisie du temporel de la fondation du bénéfice castrai du château de Samson, 1735.
Les débris de carrière ont fait disparaître un chemin très escarpé, beaucoup moins long que celui que nous suivons, et qui, autrefois, conduisait à la porte de la seconde enceinte du château. Bientôt les escarpements s'abaissent et forment un petit vallon : nous sommes à l'endroit où le promontoire de Samson se soude au plateau voisin, à l'isthme. Un retranchement, très visible sous les broussailles, servait de défense de ce côté, et l'emplacement de la porte semble encore indiqué par une ouverture qui donne accès dans la première enceinte du château (A). Ici, nulle trace de constructions : ces vieux murs ne renferment, comme au XIIIme siècle, que des champs et des terres vagues. C'est dans le petit pré, qui s'étend devant l'entrée, que fut trouvé le cimetière franc dont nous avons parlé précédemment.

La seconde enceinte (B) renfermait la basse-cour, dépendance nécessaire de toute demeure féodale ; aussi ses approches étaient-elles fortement défendues. Un ravin naturel s'étendait devant les murailles, protégées, en outre, par un ouvrage avancé qu'il fallait traverser pour arriver à la porte de l'enceinte. Contre celle-ci, et vers le midi, s'élevait une grosse tour qui dominait toutes les défenses. Adossées à la porte, vers l'intérieur, étaient la demeure du portier, puis les habitations des guetteurs chargés de surveiller nuit et jour, du haut des murailles, les alentours delà forteresse. Plus avant, dans les buissons, ces ruines nous montrent l'emplacement de la chapelle, des écuries, des granges, et de la maison du chairier ou receveur. L'entrée du donjon était interdite aux manants '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Chambre des comptes. Domains de Namur. Archives du royaume,
n° SSS't. «    placqueurs, pour avoir ouvré à refaire tous neufs les « fours du chasteau , c'est assavoir, ung au donjon, ung en la basse-court, avec ce avoir replacquié toutes les parrois du comble de le prison de la » basse-court, refait une testrée en le maison au plus près de le porte, et refait deux cheminées à le maison des gaittes et en plusieurs lieux aval la maison de la chairie ". Acquits de Lille. Rcc. gén. du comte de Namur, n° -198$. «    por 4 serures mises et employées au dit Sanson,» c'est assavoir, l'une à l'huys de le prison de le basse-court, l'autre à » l'huys du guet de la seconde porte, la troisième sur le grenier où on a » mis les grains de la garnison. .... ». 1475.


ImageUn large fossé, creusé dans le roc, nous sépare ensuite de la troisième enceinte (C); les blocs énormes de maçonnerie, qui comblent en partie ce fossé, accusent les ravages des mines de 1691. Après avoir franchi le pont-levis 2, {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Acq. de Lille. Rec. gcn. du comte de Namur. « A Hennequin l'esquareur, pourparxxmjoursavoirabaUu et esquarrémairiens au boisdeRouveroy, pour employer à la réfection du grant pontde la chastellerie, lequel il a fallu refaire tout neuf    »

on se trouvait en présence de la porte St Jean, surmontée d'un écusson aux armes de Guillaume II et de Jeanne de Harcourt ; une inscription rappelait, les importantes réparations qui avaient été exécutées par ce comte au château, en 1404 3. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}3 GRAMAYE. Ant. belg. Balivatus Sansonensis.

Nous avons retrouvé parmi les décombres une partie de ces armoiries. Près de cette porte, et vers le midi, se trouvait une tour aux dimensions colossales : c'était le donjon, principale défense et dernier refuge pour l'assiégé. Vu son importance, il était toujours entretenu avec soin.

Ainsi en 1472, cette tour ayant été fortement endommagée par la foudre, douze maîtres de maçonnerie furent convoqués par le châtelain, pour la visiter et juger de quelle manière elle pourrait être refaite '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Acq. de la chambre des comptas, à Lille , n" '1972. — Ch. des comptes,dom. de Namur, »° 5xï45. «por refaire n venteaux de le grosse tour d'i dit Sanson qu i estoient en péril de cheoir, et si fuissen t cheu, ils euiss;';it effondu et rompue toute la maison du chastellain    »Idem. n° 37264. «    pour 169 journées employées à recouvrir et » réparer les thois des bâtiments du château, c'est assavoir à la grande
» thour fort endomagée du fouldre et thonnoir    ». 1655.


Une seconde tour, bien moins considérable, flanquait l'autre extrémité du fossé, vers la Meuse. Un bâtiment, près du donjon , portait le nom de chastellerie ou demeure du châtelain; indépendamment des appartements à l'usage de celui-ci, il renfermait la grande salle et une chambre appelée la chambre Guillemette, en souvenir, sans doute, de Guillaume II, qui l'habita 2. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Acq. de Lille. Piécettes ge'n. du comté de Namur, n° 4985. «    por 4 grandes serures mis aux ouvrages du donjon, c'est assavoir, l'une des  dites serures appartenant à la montée de le grande salle du dit Samson, le seconde à la chambre Guillemete, le tierce à la huys du puische, et le 4e à la chambre du capitaine du château , au prix de    ». 1475.

Cette partie du château renfermait encore un magasin à provisions, un four, un puits et un chenil. La position et les défenses de cette troisième enceinte la rendaient imprenable au moyen âge.

Tout à l'extrémité du promontoire, et derrière les constructions dont nous venons de parler, se trouve une caverne creusée dans le rocher; elle servait à relier le château à l'ouvrage avancé qui commandait la vallée. Les marches, qui y sont taillées , étaient interrompues, dans certain endroit, par un escalier en bois qui s'enlevait dans un danger pressant, et rendait ainsi toute communication impossible. Les comptes mentionnent encore d'autres cavernes sur le plateau de la forteresse, comme le trou Baiau, St Patris, etc. En temps de paix , une grande échelle permettait de descendre de cette troisième enceinte au bord de la Meuse; on évitait ainsi un long détour '. {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}1 Ch des comptes. Dom. de Namur, u6 3252. «    por une neufve escielle vers Namech, par où on va vers la rivière de Meuse de la fortresche de Samson, qui est faille de deux gros chesnes    ». 1466.

Les anciens documents renferment encore de nombreux détails sur les constructions, les défenses et l'armement du château; nous ne les mentionnerons plus ici, ayant, dans l'histoire du château de Montaigle, décrit longuement les principales dispositions d'un château féodal.

Comme dans tous nos vieux castels, une gatte d'or est enfouie sous les ruines de Samson. Où est-elle? nous l'ignorons; mais gardez-vous bien de la chercher, car elle est protégée par l'esprit malin qui ne manquerait pas de jouer un mauvais tour au dénicheur de trésor.

Une excursion aux ruines du château de Samson est une des plus jolies promenades des environs de Namur; aussi un vieux Namurois, Jérôme Pimpurniaux, y conviait-il déjà la jeunesse de son époque. Dans son enthousiasme, le digne procureur
s'écriait du haut de ces ruines : «    Quel vaste paysage se
» déploie à vos pieds ! Comme la Meuse, capricieuse et fantas que, roule avec grâce ses ondes vertes et transparentes ! D'un » côté Sclayn et Andenne ; de l'autre Marche et Brumagne , et  dans le lointain le sommet de notre vieille citadelle. Vous  foulez des décombres, des pans de mur tellement solides,  qu'ils sont tombés d'une pièce comme les hommes d'armes  qui les défendaient : vous êtes au-dessus du château de Samson. » {styleboxjp width=200px,float=right,color=grey,textcolor=black}2 Légendes Namuroises, publiées par A. Borgnet, pag. 170.

 

ALFRED BEQUET.

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